Les Vagabonds de Reims : musique, concerts et amitié entre exilés et bénévoles

Ils vagabondent ensemble depuis plus de deux ans. Léa, Agim, Philippe et Fatjon se sont rencontrés sur le camp des exilés du parc Saint-John Perse à Reims. Les uns bénévoles, les autres réfugiés, la musique les a réunis. Une respiration au milieu des difficultés de la vie.

Sous le barnum de fortune du parc Saint-John Perse à Reims quelques notes de musique s'échappent. Nous sommes en novembre 2017, il fait très froid. Pour réchauffer les cœurs de ceux que l'on appelle désormais les migrants, Philippe joue de la guitare. "La situation était très glauque, très moche" confie-t-il. Agim est là et profite de l'instant. "Il m'a fait comprendre qu'il jouait de l'accordéon lorsqu'il était au pays. A la maison j'avais celui de mon père. Le soir suivant je le lui ai amené", raconte encore Philippe.

Philippe Cuisset est Rémois et bénévole auprès des réfugiés. Il est présent à leurs côtés depuis des mois déjà. Avec d'autres, ils apportent à tour de rôle, le soir, des repas. Entre 15 et 20 personnes vivent sous la tente, des familles, des enfants. Léa, elle, est étudiante en lettres. Chaque jour, elle passe en tramway devant les tentes plantées au bord de la route à côté du Cada, le centre d'accueil des demandeurs d'asile géré par la Croix Rouge. Elle étudie à quelques mètres de là au campus Croix Rouge. Elle aussi soutient très vite ces familles en désespérance. Léa chante, dessine. Sa voix associée à la guitare de Philippe apporte une légèreté à ces situations terribles.

Au jour le jour avec la bohème 

Lorsqu'Agim s'empare de l'accordéon, les soirées musicales deviennent des rendez-vous indispensables. L'accordéon, mais aussi le tarabuk, sorte de percussion, joué d'abord par Shkelqim, puis par Fatjon. Les rythmes se font plus tziganes et chacun se révèle à travers la musique. Les premiers morceaux sont français, Edith Piaf, Bernard Lavilliers, Barbara. "Nous avons chanté Aznavour et ils connaissaient La Bohême", raconte avec émotion Léa. Et puis Agim et Fatjon s'approprient, réinterprètent. Le Padam padam de Piaf prend des rythmes manouches et très vite les deux musiciens jouent leurs propres morceaux.

La musique a permis de leur donner une existence
-Philippe, bénévole-

"Entendre leur musique à Reims, c'était magique. Ça réchauffait, se souvient Philippe. Agim a une oreille extraordinaire. Il y a eu tout de suite des affinités. On ne voyait que des pauvres malheureux sous les tentes. Là c'était des gens avec du talent, ils chantaient, dansaient, donnaient du plaisir. Ça c'est précieux".
 

Premier concert en mars 2018

C'est Agim qui force le destin ! Il veut jouer plus. Tenter de retrouver la passion et ce métier. Il était musicien professionnel lorsqu'il habitait en Albanie. "Agim nous a raconté qu'il se produisait sur scène en concerts. Nous, on lui répondait que nous n'étions pas des professionnels", précise Philippe. "Philippe ne croyait pas que nous serions capables de mettre en place un groupe avec un répertoire, s'amuse à raconter Léa. Je lui ai donné deux mois !"

Il faut savoir qu'avec eux les compliments ça se mérite !
-Léa, bénévole-

Ils ont travaillé dur, se sont retrouvés deux fois par semaine et on réussi le défi lancé par Léa. "J'ai appris à parler l'albanais, au moins à prononcer phonétiquement. J'étais sous la surveillance de Fatjon et Agim ! J'ai toujours chanté pour le plaisir et n'ai jamais pris de cours. Ils ont rectifié ma justesse, ils sont très exigeants", se souvient avec plaisir la jeune femme. "Ils faisaient écouter mon chant à leurs amis restés au pays et j'ai eu des compliments."

Le 1er mars 2017, Les Vagabonds se lancent. Un premier concert au profit des exilés avec un objectif essentiel : "récolter de l'argent bien sûr mais surtout donner une image différente des réfugiés, explique Philippe. Nous voulons tenter de casser ce stéréotype de gens qui viennent profiter. La plupart de ces personnes sont contraints à partir. Ils ont bien d'autres qualités, d'autres talents."

"On devient intelligents"

Depuis mars 2018, Les Vagabonds se produisent, pas dans des salles de concerts, mais plutôt dans des bars, des manifestations où la solidarité s'exprime. "La musique albanaise est très très jolie pour moi. C'est la fête, la famille. Ce sont beaucoup de souvenirs." Dans la voix de Fatjon beaucoup de nostalgie. Lorsque je lui demande : "Est-ce que la musique adoucit la vie en France" ? Un grand silence s'installe. "En tout cas, on pense un peu à autre chose", me répond-il.

Les Vagabonds cela me permet de respirer dans cette action de bénévolat
-Philippe, bénévole-

Pour Philippe et Léa c'est une véritable aventure humaine. "Je respire à travers la musique et ça me donne de l'énergie, du plaisir. Cela me donne aussi la force de continuer", explique Philippe. La jeune étudiante en lettre se rend compte à quel point elle s'est ouverte au monde et aux autres. "L'Albanie, je ne savais même pas la situer sur la carte. Tout cela a attisé ma curiosité, mon goût pour d'autres musiques et surtout renforcer ma culture humaniste." "On devient intelligents à leur contact", termine Philippe.

Léa, Philippe, Agim et Fatjon vagabondent aussi souvent que possible pour soutenir la cause des exilés. Sur le camp Saint John Perse en novembre 2017, un groupe est né et avec lui des amitiés aujourd'hui indéfectibles. Les Vagabonds seront en concert le vendredi 5 juillet de 19 h à 22h au parc Gilles Ferreira à Reims.
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