Metz: Didier, 67 ans, malade du SIDA, "l'annonce de la maladie a été un choc terrible car j'en savais l’issue fatale"

Alors que le Sidaction se déroule ce week-end des 5, 6 et 7 avril, Didier nous a raconté comment il a découvert sa séropositivité à l'âge de 33 ans, comment il a vécu et survécu à la maladie et comment il témoigne aujourd’hui de cette épreuve.
 

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Diagnostiqué séropositif depuis l'âge de 33 ans, Didier, 67 ans aujourd'hui, a accepté de témoigner à l'occasion du week-end du Sidacrtion, ces vendredi 5, samedi 6 et dimanche 7 avril 2019. Nous l'avons rencontré pour comprendre son parcours de vie.

Quand vous-avez appris votre séropositivité ?

- Je l'ai appris au milieu des années 1980. J’avais fini un travail en Italie, j’avais eu pas mal d’aventures, et je suis arrivé à Paris au moment où l’on parlait beaucoup de l’épidémie. D’une façon un peu naïve, je suis allé dans un laboratoire pour me faire dépister pensant que se faire dépister était le talisman pour ne pas être contaminé. Puis j’ai reçu un courrier m’annonçant que j’étais séropositif. Au début je pensais que c’était bien et j’ai compris après que le positif pour les médecins était négatif pour moi. J’ai contacté le médecin en question qui m’a dit que quelques années allaient s’écouler sans que rien ne se passe; je suis reparti comme ça. Cela a duré cinq ou six ans avant que le premier traitement n’intervienne.

Comment avez-vous vécu l’annonce ?

- Ça a été un choc terrible car je savais que l’issue était fatale. Tout le monde le disait, ça transparaissait dans les journaux: on mourrait du sida. La bonne nouvelle c’est que j’avais encore quelques années devant moi. Je n’étais pas encore en couple à l’époque, j’avais des rencontres furtives. C’est juste après l’annonce de la séropositivité que j’ai rencontré une personne avec laquelle j’ai fondé un couple et qui a été un très grand amour pour moi. Ca a été la bonne nouvelle à côté de l’autre. J’avais 33 ans.

Qu’est-ce que le Sida ?

- C’est un virus qui attaque les défenses immunitaires. Votre corps se fragilise alors sans que vous le sachiez et vous commencez à attraper des maladies opportunistes. On parle alors de Sida maladie. On ne meurt pas du Sida, mais on meurt de maladies opportunistes, c’est-à-dire d’une maladie qui vient et qui vous attaque. Pour moi c’était la toxoplasmose. La période de latence (avant le début des traitements) a duré cinq ans, et mon état de santé s’est dégradé en deux ans où j’ai perdu mon immunité jusqu’à un taux zéro.

Comment l’avez-vous vécu au quotidien ?

- Au début on n’est pas encore hospitalisé et on commence des traitements. Pour ma part, j’ai été traité par une bithérapie, deux molécules ensemble, avec des réactions très difficiles par rapport à tout ce qui est secondaire (diarrhées, fatigue, amaigrissement). C’est alors qu’on vous hospitalise, parce qu’on ne peut plus être chez soi, on s’effondre, on devient épileptique. L’hospitalisation a duré quatre à cinq mois. La toxoplasmose a affecté les neurones de mon cerveau. J’ai perdu une puissance psychique, je me souviens avoir eu des délires, avoir vécu une vrai folie, avoir été paranoïaque. Là j’ai pensé que j’allais mourir. Je me souviens très bien: juste avant de rentrer à l’hôpital, j’ai soldé tous mes comptes, j’ai tout fermé, je me suis dit qu’il fallait nettoyer, mettre à la poubelle les archives, les photos, le journal que je tenais depuis mes 15 ans.

Parce que maintenant c’est la fin, il faut t’y faire.
- Didier, malade du sida

On n’est pas préparé à ça en Occident, à sa fin.
Et puis, j’ai été sauvé. J’ai dû réapprendre à marcher. Je suis passé du fauteuil roulant à la marche avec des cannes. J’ai encore des séquelles maintenant: je ne cours pas et je n’ai pas d’équilibre. Mais la vie quotidienne, ça va !

Vous avez eu plus de 30 traitements en 20 ans…

- Depuis huit ans j’ai une trithérapie qui me convient parfaitement. J’ai échappé heureusement à l’AZT qu’on donnait au tout début de l’épidémie du Sida, qui est un traitement très douloureux. En général, les traitements que j’ai reçus ont été très lourds avec des modalités de prise très particulières. Par exemple j’ai un traitement dans lequel je devais prendre une demi-livre de beurre tous les matins pour que le traitement puisse être absorbé par le corps. Aussi, le traitement peut entrainer des maladies secondaires. J’ai attrapé un diabète par exemple. Pour me soigner j’ai dû suivre des tas de consultations en diabétologie, en cardiologie.  Donc je dois faire attention à tout, même si moi-même je me sens très bien. Et depuis deux ans je ne viens plus à l’hôpital que tous les 6 mois.

Vous vivez aujourd’hui comme tout le monde ?

- Oui, je suis marié avec mon compagnon de vie. Il y a quelque chose qui a beaucoup changé aussi, c’est que l’on a découvert que j'avais une charge virale indétectable [Une charge virale indétectable indique une réplication beaucoup plus lente du virus, ce qui permet au système immunitaire de se reconstituer, NDLR]. Ains cette charge virale indétectable ne transmet plus le virus. Ce qui fait qu’on peut abandonner le préservatif au moins avec son compagnon. C’est très important : on n'est plus une bombe, c’est énorme dans la vie affective.

Comment votre entourage a perçu votre séropositivité ?

- Je l’ai assez vite dit à mes amis surtout, à ma famille après. A mon employeur aussi. Il est arrivé que mon employeur, parce que j’étais séropositif, veuille me renvoyer de l’établissement où je travaillais. Mes collègues sont montés au créneau en disant que ce n’était pas possible. On ne renvoie pas quelqu’un qui est malade, ça ne tient pas. Ils ont fait le siège du directeur et je suis resté. J’ai passé aussi beaucoup de temps à l’hôpital avec un grand moment de convalescence, et après avec un mi-temps thérapeutique. J’ai finalement continué ma carrière et ça s’est très bien passé.

Comment avez-vous commencé à témoigner ?

- Je ne voulais pas parler de moi parce que je vis quelque chose qui est une maladie, un drame personnel. L’association des Elus locaux contre le Sida m’a demandé de témoigner de ma séropositivité en public parce qu’aujourd’hui les séropositifs vivent une discrimination terrible surtout dans le métier. Moi j’ai eu la chance de ne pas vivre cette discrimination. J’ai accepté et donc j’ai paru dans ce livre, Portraits de VIHES : ce sont 15 personnes qui ont accepté de témoigner à visage découvert de leur séropositivité. Dire qu’on est séropositif, ce n’est pas une honte. Il faut parler du Sida aux jeunes. Il y a une baisse d’information. J’ai fait beaucoup de préventions. Je me suis aperçu brusquement avec cette aventure que mon drame personnel servait l’intérêt général, que témoigner était très important. Je suis très fier de l’avoir fait.

 
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