La grande fatigue de la justice à Nancy, "on n'en peut plus mais il faut bien faire tourner la boutique"

Sous-effectif, épuisement, fatigue... Toute la justice est en grève ce mercredi 15 décembre. Magistrats, greffiers et avocats se sont rassemblés devant la plupart des cours d'appel en Lorraine.

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Les magistrats, les greffiers et les avocats dénoncent les faibles moyens alloués à la justice. Mercredi 15 décembre 2021, ils se sont mobilisés "pour la justice". Cette manifestation, inédite, a été très suivie en Lorraine. "C'est de la qualité de la justice rendue qu'il est question", dit Fabienne Nicolas.

Fabienne Nicolas à 51 ans. Elle est magistrate à Nancy. Elle appartient au Syndicat de la magistrature. "Ce qui manque vraiment ce sont les moyens humains", dit-elle. "Le reste je ne dit pas que tout fonctionne parfaitement mais bon on y arrive. Sinon on est toujours à flux tendu".

Nous ne voulons plus d'une justice qui n'écoute pas et chronomètre tout. Juger vite mais mal ou juger bien mais dans des délais inacceptables.

Appel de 3.000 magistrats. Le Monde, jeudi 25 novembre 2021.

Cette mobilisation sans précédent intervient trois semaines après une tribune dans le journal Le Monde. Un texte écrit par neuf jeunes magistrats après le suicide fin août d'une de leurs collègues, Charlotte. Un cri d'alarme qui dénonce une souffrance au travail et une perte de sens.

"Par exemple, à Nancy, le problème qui met en tension les magistrats, c'est de faire très correctement notre travail comme on a appris à l'école", explique Fabienne Nicolas. "On ne peut plus mais il faut faire tourner la boutique et faire des sacrifices sur les dossiers. On doit choisir entre la qualité et la quantité".

En finir avec les audiences nocturnes

Par manque de temps et de personnel, les audiences sont souvent de plus en plus tardives. "Elles se terminent parfois au cœur de la nuit. C'est souvent le cas des comparutions immédiates, ces procédures rapides qui permettent au procureur de faire juger une personne juste après sa garde à vue", raconte Eric Bocciarelli lui aussi du Syndicat de la magistrature. "Franchement, moi je ne voudrais pas être jugé par quelqu’un à 23 heures, après une journée d'audience".

On ne peut pas convoquer quelqu’un à 13 heures et le faire passer à 23 heures, après une journée d'audience

Eric Bocciarelli, magistrat

Et tout le monde arrive au même constat. Après des heures d'audiences, on ne peut rendre une justice correcte. "On a trop de dossiers et pas assez de monde. On ne peut pas convoquer quelqu’un à 13 heures et le faire passer à 23 heures, après une journée d'audience. On parle juste d'une justice normale", raconte Eric Bocciarelli. 

Marie-Hélène Collin est greffier principale au Palais de justice. Un métier souvent discret. Pourtant, dans une salle d'audience, ils sont toujours là aux côtés des magistrats et des avocats. "Moi je suis de l'ancienne école je dis "greffier". J'ai 42 ans d'ancienneté". Pour ne pas prendre trop de retard elle ne s'est pas mise en grève. 

- Comment ça se passe ici à Nancy ?

- Franchement, ça se passe très très mal. Je suis épuisé. Je n’ai jamais vu une situation pareille. Quand on sait qu'il y a un nouveau code de justice pénale pour les mineurs et que nous ne sommes pas à jour. Les greffiers n'en peuvent plus, c'est un constat général.

A Paris la contestation a même gagné la Cour de cassation. Les magistrats de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire. Les organisations syndicales et professionnelles se sont rassemblées en fin de matinée à Paris devant Bercy, le ministère de l'économie. Elles demandent à être reçues par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

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