Hausse des prix de l'énergie et manque de personnel : la colère monte dans les Ehpad

Confrontés à la hausse des prix de l'énergie et au manque de personnel, la situation devient délicate dans certains Ehpad. Illustration à Nancy en Meurthe-et-Moselle. Fin septembre, le directeur de l’Ehpad Saint Joseph lançait déjà un cri d’alerte sur la situation financière de son établissement. Même s'il a reçu un récent financement de la part du département, son budget reste désespérément dans le rouge.

En raison notamment de la flambée des prix de l'énergie, le directeur du village Saint Joseph à Nancy (Meurthe-et-Moselle) redoutait que son établissement ne puisse passer l’hiver. S’il a reçu une récente aide du département à la suite du cri d’alerte qu’il lançait fin septembre, il attend toujours un coup de pouce de la part de l’État : "Le département de Meurthe-et-Moselle a débloqué plus de 3 millions d'euros pour aider une cinquantaine d’Ehpad, dont le nôtre. Nous en avons reçu 250.000 mais il n’y a en revanche pas eu de positionnement au niveau de l’État et de l’ARS". 

250.000 euros dont il va se servir pour régler sa facture d'énergie. En début d’année, le renouvellement de son contrat avait connu une hausse fulgurante : "Les premiers mois, je suis passé d’une facture de 7.000 à 31.000 euros par mois. J’ai réussi à renégocier mon kilowattheure en avril pour passer à 21.000 euros". Un engagement sur 4 ans que le dirigeant a dû prendre avec le fournisseur pour faire baisser au maximum sa facture. "Les 250.000, c’est pour payer ma facture de 2022 mais à ce jour, il me manque 100.000 euros pour les 170.000 que je vais devoir payer en 2023". 

"Je perds quand même 550.000 euros de trésorerie en 2 ans"

Antoine Renaudin

Directeur de l'Ehpad Saint Joseph à Nancy

Si cette aide exceptionnelle ne lui permettra de résorber que partiellement son problème de budget, c'est parce qu'en plus de l’électricité et du gaz, le directeur doit aussi faire face à la hausse des prix des produits alimentaires, d'hygiène, ou d’entretien notamment. "J’avais 900.000 euros de trésorerie en décembre 2020, grâce à cette aide exceptionnelle du département, au lieu de finir à 50.000 euros, on va finir à 350.000. Je perds quand même 550.000 euros de trésorerie en 2 ans", détaille Antoine Renaudin. 

Pour tenter de faire le plus d'économies possibles, il souhaite rénover son établissement : "Ma chaudière de remplacement date de 1993, mes chaudières principales de 2003. On a chiffré à 170.000 euros notre projet de réhabilitation de la chaufferie. L’état ne finance pas. C’est un cercle vicieux, car avec ces vieilles chaudières, je suis en surconsommation de gaz. Nous allons financer ces 170.000 euros sur nos propres fonds. C’est un nouveau surcoût, sans aide de l’État donc". 

Comment sont financés les Ehpad ? 

En France, les centres de soins et de services à destination de personnes dépendantes ou en perte d’autonomie, sont régis par "la convention tripartite", un contrat signé entre trois parties : la délégation départementale de l'Agence Régionale de Santé (ARS), le conseil général (État) et l’exploitant de l’hébergement (gestionnaire). 

"Pour un budget à l'équilibre, il nous faudrait 500.000 euros par an"

Antoine Renaudin

Directeur de l'Ehpad Saint Joseph à Nancy

"L’hébergement est financé par les versements des familles, la partie dépendance est payée par le département, et le domaine de la santé par l’État. Pour un budget à l'équilibre, il nous faudrait 500.000 euros par an à Saint Joseph, répartis entre les résidents, le département et l'État", explique le responsable de la structure médicalisée

Un manque coûteux de personnel  

"Grâce à l’aide du département, je peux voir plus loin. Mais on attend toujours les engagements de l’État", répète Antoine Renaudin. 

Le chef d’entreprise qui a sous sa responsabilité une soixantaine de salariés se dit "toujours en colère". Il réclame une réforme de fond sur le financement du grand âge et le soin aux personnes âgées. "Cette aide exceptionnelle, que l'on vient d'avoir de la part du département, elle est conjoncturelle et non structurelle. Certes, si on ne l'avait pas eu, on existerait peut-être plus, mais elle est valable cette année, pas encore pour l’année prochaine. On nous met un petit peu sous perfusion".

Quant à la promesse gouvernementale d'un bouclier tarifaire de l'énergie pour plafonner la hausse des factures d'électricité en 2023, le gérant attend de connaître ses modalités. "On ne sait pas comment il va fonctionner et à combien il va s’élever. De plus, ce bouclier tarifaire ne concerne que la problématique de l’énergie, en aucun cas celle du personnel".

Face à d’importants problèmes de recrutement, le directeur a en effet recours à l’intérim : "On a des pénuries de salariés. L’intérim nous coûte extrêmement cher et personne ne nous aide sur ce point. Une intérimaire coûte à la structure 10 euros de plus par heure qu’un salarié. L’année dernière, j’ai dépensé en tout 133.000 euros pour l’intérim. Cette année, j’en avais déjà dépensé 160.000 rien que pour le premier semestre. Aucun financement sur ces remplacements d’intérim n’est prévu dans les budgets que l'on a reçus de l’ARS".

Dans la maison de retraite Saint-Joseph, il manque trois aides soignantes. "Le métier n’est pas assez valorisé, pas assez rémunéré. Sans moyens supplémentaires de la part de l'État, la seule variable d’ajustement que j'ai est sur le personnel. Mais si j’ai moins de personnel ou que je suis dans l'impossibilité de me le payer sur le marché, ce sont les résidents qui en souffrent. J'attends depuis un an les financements qui me permettraient de recruter 10% d’effectif en plus. 10% d’effectif manquant, c’est 10% de temps en moins passé auprès des résidents".

Fin septembre, à nos confrères de France Bleu, le directeur du village Saint-Joseph à Nancy faisait déjà part de son inquiétude : "On nous met dans une situation de maltraitance de nos usagers par des moyens financiers et donc humains. (...) et en essayant de maintenir le niveau de qualité de nos prestations, c'est nous qui passons pour les mauvais gestionnaires". 

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