Des scientifiques de l’Institut Jean Lamour (CNRS / Université de Lorraine) viennent de relever un véritable défi technologique : intégrer des propriétés magnétiques à des matériaux imprimés en 3D. Un nouvel outil pour le grand public qui sera fabriqué en Alsace.
Imaginez que vous puissiez fabriquer à la maison vos propres objets magnétiques en 3D. Un exemple que tout le monde connaît : le "magnet" pour le réfrigérateur. Pour les bricoleurs plus expérimentés, d'autres objets plus complexes, comme de petits moteurs pour jouets sur-mesure ou pour remplacer une pièce défectueuse, sont désormais possibles grâce à un programme de recherche en cours à l'Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine). Cette innovation technologique associe différentes compétences présentes à l'IJL : celles de l'équipe de recherche technologique Matériaux et Procédés Additifs, dirigée par Samuel Kenzari, ingénieur de recherche CNRS, et celles du Centre de Compétences Magnétisme et Cryogénie dirigé par Thomas Hauet, maître de conférences à l'Université de Lorraine. Le défi, relevé par les chercheurs et ingénieurs, est celui de concevoir une imprimante 3D de type FDM (dépôt de filament fondu) avec son fil magnétique composite pour imprimer des pièces elles-mêmes magnétiques.
" Pour imprimer de la matière aimantée, il suffit d'avoir un fil qui, lui-même, a les propriétés d'un aimant. Il existait déjà du fil pour imprimante 3D contenant des particules de fer. Mais il n'était pas aimanté. Cette fois, tous les micro-aimants contenus dans le fil sont orientés dans la même direction pour générer un champ magnétique comme le fait un aimant", nous explique Thomas Hauet. Évidemment, cela ne suffit pas. Les chercheurs ont aussi modifié une simple imprimante 3D grand public pour la rendre compatible. "C'est à la fois ce nouveau matériau et la modification de l'imprimante qui permettent d'avoir des objets qui portent une aimantation".
Grand public
Les chercheurs comptent sur la communauté d'utilisateurs de l'impression 3D. "On peut modifier une simple imprimante 3D pour utiliser ce procédé et ce fil aimanté. La communauté 3D est souvent porteuse de nombreuses idées pour faire émerger de nouveaux objets. Elle peut s'emparer de cette nouvelle possibilité qui s'offre à elle". Avec ce processus, on peut faire bouger les objets grâce au champ magnétique. "Il existe déjà dans le domaine du design et de la décoration, des lampes avec un système de lévitation ou des globes terrestres, c'est un peu l'idée. C'est une entreprise Alsacienne qui a signé un contrat de licence pour pouvoir commercialiser la version grand public du dispositif d'impression, c'est-à-dire l'imprimante et le filament. Une commercialisation qui devrait débuter avant la fin de l'année 2021.
Mettre les objets en mouvement
Les travaux de l'équipe de scientifiques ne s'arrêtent pas là. Une quatrième dimension, le temps, fait partie de la recherche. Le temps qui permet à ces objets magnéto-actifs de se mouvoir. "Dans l'impression 3D habituelle, l'objet est inerte. Il ne se met pas à bouger. Là, l'idée est de le mettre en mouvement. Puisqu'il est aimanté, ses propriétés intrinsèques font qu'on peut le mettre en mouvement. Il pourrait se déplacer, s'ouvrir ou se fermer en présence d'un champ magnétique. Plutôt que de créer des objets uniformément aimantés, les scientifiques induisent des orientations d'aimantation différentes selon la position dans l'objet. De cette façon, chaque partie de l'objet soumise à un champ magnétique peut se mouvoir dans un sens différent. En les combinant, on crée le mouvement, la possibilité d'effectuer des déplacements plus ou moins complexes. Si l'objet n'est pas aimanté partout de la même façon, on peut imaginer qu'un champ magnétique uniforme fasse bouger au même instant une zone à droite et une autre à gauche. En faisant cela, on peut avoir une pince qui va chercher un objet par exemple. Nous, on aura créé la pince en impression 3D. C'est l'intérêt du magnétisme être à distance et non destructif."
Le MIT, aux États-Unis, travaille sur des objets similaires. Voyez l'article et la vidéo dans laquelle des objets magnétiques imprimés en 3D sont en mouvement.
L’idée est quand même de faire de l’impression 4D. C’est-à-dire de trouver des moyens d’actionner des objets
"On peut imaginer des applications dans le domaine médical", nous explique Thomas Hauet. " L'idée est vraiment de faire des objets manipulables à distance. Le magnétisme peut permettre cela. Des objets tout petits, que l'on pourrait rendre mobiles à distance, pourraient avoir dans le domaine de la santé de nombreux avantages. L'autre notion importante à retenir, pour cette recherche, est la capacité à sonder du magnétisme. À partir du moment où on a un objet que l'on déforme, s'il est aimanté, on peut sonder le taux de déformation avec des capteurs magnétiques. Un exemple : dans le BTP, un bâtiment ou une construction "travaille". Si on a des pièces aimantées, comme un "matériau sonde" à l'intérieur du mur. Les propriétés magnétiques qui dépendraient du taux de compression ou des contraintes vont nous renseigner à distance sur le taux de compression ou de mouvement du bâtiment."
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— Spintronic and Nanomagnetism Team IJL (@Spin_IJL) July 10, 2020
thanks to @NanoMat_LUE, @Univ_Lorraine, @CNRS_Centre_Est,
Thomas Hauet ne veut pas trop en dire sur les directions, que ce travail de recherche pourrait prendre. Mais on peut facilement imaginer des applications dans le domaine de la santé et de l'infiniment petit avec des objets imprimés en 3D, capables de se déplacer dans le corps humain pour aller réparer un organe. Qui sait ?