Des jeunes majeurs et mineurs sans papiers vivant en Meurthe-et-Moselle se regroupent dans un collectif pour se faire entendre. Ils étaient présents ce samedi place Stanislas à Nancy.
Ils sont des dizaines de garçons et filles, mineurs originaires d'Afrique et des pays de l’Est, à avoir trouvé refuge en Meurthe-et-Moselle. À leur arrivée, ils ont été reconnus, "mineurs", par les autorités après parfois plusieurs évaluations. Ils ont à ce titre été pris en charge par le Conseil Départemental. On les a orientés vers des formations professionnelles. Avec l’espoir, s'ils avaient un travail, que cela les aiderait à rester en France. Ils ont suivi des formations dans des secteurs touchés par la pénurie de main-d’oeuvre. La plupart du temps, ils ont un employeur qui compte sur eux. Mais à l’heure de fêter sa 18e année, chacun d’entre eux sait que le couperet peut tomber. Alors il y a le cercle du silence organisé par l'association Réseau Éducation Sans Frontière (RESF) pour les soutenir. Mais, le silence, ils n’en peuvent plus. On leur demande de garder le silence depuis trop longtemps. Place Stanislas, en ce samedi, toujours sous le couvre-feu à 18h, les Nancéiens prennent le soleil. Eux, prennent le risque de la parole. Ils le savent. Mais, aidés par les associations comme RESF, ils veulent s’organiser, car c’est aussi la citoyenneté dont ils font l’apprentissage.
On veut payer des impôts
Nous l'appellerons Boubakar, il est arrivé à l’âge de 16 ans en France. Il en a 19. Et comme les autres, il est inquiet pour son avenir. Pourtant, il a décidé de rejoindre ce collectif. "On a créé ce collectif pour faire changer les choses pour nous. Cela nous donne le courage de nous exprimer sans avoir peur pour demander à être régularisé." Un CAP en poche, il souhaite passer le permis. "Je me sens français. Je veux passer le permis. Mais quand j’ai présenté ma carte d’identité consulaire, je n'avais pas la même que les autres. Je me suis senti différent et isolé." Conscient de ce qu’il doit à son pays d’accueil, il ajoute : "On veut payer des impôts pour contribuer. On nous finance pour les formations. Nous aussi, on veut rendre un peu avec des impôts pour aider d'autres que nous. Pour le faire, il faut qu’on soit régularisé ".
Ils ont un employeur prêt à les embaucher
Un autre jeune qui lui aussi à 19 ans souhaite que nous l’appelions Patrice, "comme Patrice Evra, le joueur de foot". Il est bachelier. "On veut faire bouger les choses. On souffre. La crise sanitaire a aggravé les choses. Certains jeunes ont leur diplôme, d'autres sont en alternance. Ils ont un employeur prêt à les embaucher. Cela a été stoppé net, car ils n'ont pas été régularisés à leur majorité. On est là pour travailler. On n'est pas venu en France pour des vacances. Je ne comprends pas. Le nouveau préfet avait accepté un rendez-vous et finalement, il a annulé. On ne sait pas pourquoi. Avec le collectif, on va lui demander un nouveau rendez-vous".
Pour Mamadou l'obligation de quitter le territoire français prend effet aujourd'hui. Il est à peine majeur. Il est arrivé de Guinée en Lorraine alors qu’il était encore mineur après un long et dangereux périple : "C'est un long chemin, je suis passé par le Mali l'Algérie, le Maroc l'Espagne et la France. Cela n'a pas été facile. Parfois, je n'arrive pas à manger ou dormir quand je pense à l'arrêté de la préfecture. Cela me touche au cœur." Mamadou a appris le français et a suivi un parcours de formation en électricité à Lunéville. Une entreprise souhaite l'embaucher en contrat d'apprentissage. Il bénéficie d'un comité de soutien.
J'ai fait beaucoup d'efforts pour être là aujourd'hui. Si on me dit de quitter la France, c'est comme si je n'avais rien fait. J'avais pour projet de créer ma propre entreprise.
S’exposer, c'est prendre des risques
Une quarantaine de jeunes a répondu présent pour former ce collectif. Mineurs ou jeunes majeurs, ils ont été reconnus comme mineurs à leur arrivée. Ils ont été pris en charge par le Conseil Départemental. Comme nous l'explique Johan Chanal, membre de RESF 54, avant d'ajouter "Ils ont été protégés, scolarisés. Mais le jour de leurs 18 ans, on les fait basculer dans autre chose. L'histoire du boulanger qui a fait la grève de la faim pour son apprenti, cette situation n'est pas une exception. Elle est assez générale en France. Plusieurs jeunes sont dans cette situation en Meurthe-et-Moselle, à Nancy en particulier. On est tiraillé. L'idée, qu'ils mènent eux-mêmes leur combat, nous a séduit. Mais s’exposer, c'est aussi prendre des risques. L'idée, qu'ils transforment leur colère et questionnement en quelque chose de citoyen, nous a semblé bonne"
Leur première action dans ce tout nouveau collectif sera de demander officiellement un rendez-vous à Monsieur le préfet.