Nancy : du mobilier imprimé en 3D avec des déchets en plastique, un programme de recherche européen

Des chercheurs nancéiens de la plate-forme LF2L participent au projet européen INEDIT qui explore les possibilités de concevoir et fabriquer du mobilier sur mesure, en circuit court, avec du plastique recyclé. Un défi qu'ils relèvent avec l'aide d'une imprimante open source américaine.

Des bouchons en plastique  et bientôt des masques chirurgicaux usagés transformés en mobilier, grâce à une imprimante 3D. Cela est désormais à portée de main.
À Nancy, au LF2L (Le Lorraine Fab Living Lab), une plateforme de l'Université de Lorraine, composée d'un Living Lab, l'endroit où on imagine et d'un Fab Lab, celui où on fabrique, des ingénieurs y travaillent. Une démarche de recherche et de développement durable dans le cadre du projet INEDIT (open INnovation Ecosystems for Do It Together process), porté par le programme H2020 de l'Union européenne.

Pour relever le défi de ce projet INEDIT, les chercheurs nancéiens ont investi dans une imprimante open source américaine : une Gigabot X de la société Re3D.
Elle la particularité d'utiliser des déchets plastiques comme matière première. Ils sont d'abord réduits à l'état de granulés et utilisés sans avoir à passer par le stade du filament.

Nous pouvons la transformer et l’adapter à notre guise pour les besoins de la recherche et du projet.

 Laurent Dupont, cofondateur et responsable scientifique du LF2L, à l'université de Lorraine.

"Elle est fabriquée dans une logique "open hardware" (les plans ont été rendus publics d'une telle façon que quiconque peut les modifier, les distribuer et les utiliser). Nous pourrions, en théorie, la produire nous-mêmes. Néanmoins, il y a certaines pièces techniques qui nécessitent un savoir-faire particulier, ce qui explique l'achat. Nous pouvons la transformer et l'adapter à notre guise pour les besoins de la recherche et du projet H2020 INEDIT. Nous allons l'optimiser pour affiner la qualité d'impression.

Dans ce cadre de projet européen, on mobilise la capacité à tester tout ce qui est de l'ordre de la conception virtuelle par l'usage et mise en situation pour voir si cela est recevable par du public, mais aussi les professionnels designers, etc. À ce stade, on est sur des petits formats (70 cm x 30 cm x 40 cm), plutôt des éléments complémentaires à mettre dans les meubles. On est en train de fabriquer une machine plus grande. Mais il faut encore quelques mois de développement".

L'ensemble des partenaires du projet INEDIT  travaille sur un autre aspect. "Comment concevoir un agencement chez soi en étant assisté par des techniques immersives ? Il faut scanner une pièce et intervenir avec un casque de réalité virtuelle directement sur l'écran, pour agencer sa pièce. On imagine aussi pouvoir, sur cette base, interagir avec des communautés de professionnels, des designers, des "makers" pour avoir des idées ou des préconisations. On pourrait aussi avoir accès à une base de données de meubles faciles à réaliser. Ensuite, l'objectif est de pouvoir faire de la fabrication sur-mesure", nous explique Laurent Dupont.

Nouveau modèle économique
 

En plus du travail sur la machine, nous réfléchissons à un circuit court local de récupération du plastique, pour transformer les déchets en nouvelle matière première.

 Laurent Dupont, cofondateur et responsable scientifique du LF2L, à l'université de Lorraine.



Pour Laurent Dupont, il s'agit là d'un nouveau modèle économique. 
"En plus du travail sur la machine, nous réfléchissons à un circuit court local de récupération du plastique pour transformer les déchets en nouvelle matière première. Avec "INEDIT", nous appliquons l'idée au secteur du meuble et de l'agencement pour simuler une utilisation possible et en titrer des enseignements en matière de potentiels développements et de déploiements socio-économiques. L'enjeu pour nous est de mettre en place un circuit court avec une production locale."

Collecter, recycler

Pour recycler le plastique encore faut-il le collecter.
Il faut aussi que cette collecte ne soit pas la source d'une dépense d'énergie inutile. Ainsi l'équipe qui, un temps, avait pensé récupérer les déchets issus des imprimantes 3D dans les Fab Lab et certains établissements de la région, a écarté cette idée. À l'image des masques chirurgicaux qui sont déjà collectés sur l'agglomération de Nancy dans le cadre d'un autre projet, l'équipe d'une dizaine de personnes, ingénieurs, doctorants et chercheurs, souhaiterait collecter des bouchons. "On est en train de développer des "smart collectors", des conteneurs connectés qui permettent d'évaluer le poids pour savoir à quel moment les récupérer".

Pour Laurent Dupont, cela demande aussi de résoudre d'autres équations.
"Est-ce que les gens ne vont pas y mettre autre chose ? Faudra-t-il trier ? Peut-on imaginer un procédé qui permettrait de mélanger tous les plastiques ? Ce sont des questions de recherches et de développement qui demandent de travailler sur le comportement des consommateurs. Comment on va les sensibiliser. Il reste beaucoup de questions qui vont au-delà de l'aspect technologique".

LF2L, plate-forme pour l'innovation

La plate-forme LF2L  (du laboratoire ERPI et de l’ENSGSI) accompagne cette innovation. Laurent Dupont nous explique : "Elle a une triple compétence. Faire émerger les idées, les matérialiser et les tester par l'usage". C'est d'ailleurs toute la philosophie des Fab Lab que l'on y retrouve : "Faire avec le public. On partage nos résultats de recherche". 

L'équipe mettra à disposition toutes les informations concernant la façon dont ils sont en train de faire évoluer l'imprimante Gigabot X pour qu'elle soit plus performante dans ce type de fabrication.
"Si des acteurs locaux souhaitent rejoindre l'aventure, ils sont les bienvenus".

Projet européen

Nancy a été sélectionnée pour ce projet européen avec d'autres. Ils sont six laboratoires universitaires, deux centres technologiques de Recherche et Développement, mais aussi deux grandes entreprises et quatre PME.

"Une impression 3D bois est actuellement expérimentée par nos collègues espagnols avec un bras articulé, qui permet de faire de la conception additive. Au Portugal, les chercheurs travaillent sur la "smartification ". Ce sont des dispositifs qui permettraient de faire des meubles connectés. L'idée est d'avoir, par exemple, des fauteuils avec des capteurs pour voir comment les gens sont installés dans un objectif de développer des systèmes liés au bien-être. On peut imaginer d'autres meubles connectés. Les pistes à explorer sont nombreuses".

Le projet "INEDIT" débuté en 2019 est prévu pour durer trois ans. La pandémie de covid-19 a contraint les équipes européennes à collaborer à distance. L'équipe de Nancy espère pouvoir proposer une étape de travail cet été à Nancy lors des journées portes ouvertes à l'Octroi et dans quelques mois dans d'autres villes du Grand-Est.
Pour cela, elle dispose d'un "Nomad'Lab", le premier Fab Lab mobile de France.
 

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