Ils sont élèves infirmiers en spécialité bloc opératoire ou anesthésie. Ils étaient une centaine ce matin à attendre devant les locaux de l’Agence régionale de santé pour obtenir une entrevue. Ils protestent contre l'impact qu’a la crise sanitaire sur leur formation.
Ils sont épuisés. Ils se sont impliqués dans la gestion de la Covid-19 alors qu’ils n’ont même pas encore passé leur diplôme, réquisitionnés pour venir prêter main forte dans les hôpitaux et les ehpad en manque de personnel. Derrière leur blouse, des ciseaux plantés dans le dos symboliquement. Sur leurs pancartes: "on vous anesthésie, ils nous euthanasient" ou "hier applaudis, aujourd'hui démunis".
Ce mercredi 23 décembre 2020, une centaine d' élèves infirmiers spécialisés venus de tout le Grand Est s'est regroupée à Nancy devant l’ARS, l’Agence régionale de santé. Ils protestent contre la fermeture de leurs écoles et estiment que leur utilisation en renfort Covid masque les problèmes de recrutement du monde hospitalier.
"Aujourd'hui, nous ne sommes plus étudiants. Noous sommes remis à disposition de nos établissements pour palier des manques chroniques", explique Cécile Colson, élève infirmière anesthésiste.
Estelle raconte qu'elle était infirmière en pédiatrie. Elle est repartie à l'école pour se spécialiser en puériculture et se retrouve à devoir travailler en réanimation adultes, bien loin de sa spécialité, pour compenser le manque de personnel.
Jean-Baptiste Diosdado est étudiant à Reims en spécialité anesthésie : "la deuxième fois, on a le sentiment que ça n’a pas été anticipé et qu’on est utilisé comme une roue de secours."
"je décourage"
Il s’agit des écoles spécialisées en soins infirmiers en anesthésie, bloc opératoire, et puériculture. Ces spécialisations, ce sont deux années d’études supplémentaires après le diplôme d’Etat d’infirmier. Et pas mal d’investissement côté vie de famille ou logement, loué pour la durée des études.
Margaux Gombert, étudiante infirmière puéricultrice, se sent désarmée : «j’ai envie de reprendre mes études. Je décourage de ne pas pouvoir les reprendre et d’être repoussée continuellement pour la fin de formation. »
"on a l’impression qu’on nous demande de revenir pour des problèmes qui sont anciens et que la crise Covid a juste accentué"
Aujourd’hui ils dressent les comptes. Pendant le premier confinement, ils ont servi de renfort du 16 mars au 11 mai, ratant ainsi trois mois de cours. Pour le deuxième confinement, les cours se sont arrêtés dans la deuxième quinzaine de novembre. Ils espéraient pouvoir les reprendre le 4 janvier mais cette reprise serait finalement reportée à mi-février. Les manifestants affirment que ce serait à la demande du CHRU de Nancy.
L’Agence régionale de santé explique de son côté dans la presse qu’aucune décision n’a encore été prise sur le report de leur rentrée des classes. Mais une étude menée par le CHRU de Nancy prévoit un nouveau pic de l’épidémie et une saturation des services début janvier. Cinq d'entre eux ont été reçus à l'ARS pendant une heure en fin de matinée. On leur a promis une réponse demain.
Diplôme au rabais
Autre inquiétude, la valeur de leur futur diplôme. Avec des mois d’études manqués, ils craignent d’avoir un diplôme au rabais et s’inquiètent de leur arrivée dans le monde du travail en étant moins formés.
Pour Vincent, en spécialisation d'anesthésie à Strasbourg, "Ca impacte notre formation de manière dramatique parce que ça fait un moment qu’on a pas exercé notre spécialité. Dans quelques mois on va être diplômés et on aimerait pouvoir le faire en sécurité. On a besoin de pratiquer et d’approfondir les connaissances que l’on a vues en début d’année dernière. Là, on est affectés dans nos anciens service et on ne fait pas le métier qu’on va nous demander de faire dans quelques mois."
Drôle de façon d'entamer une vie de travail au service des autres.