Susanna Gállego Cuesta veut faire sortir le musée de son rang d’Institution en offrant au public une nouvelle interaction avec les œuvres. Cela passe aussi par l’ouverture du jardin, enfin accessible au public ce vendredi 14 juin. Entretien inédit avec notre journaliste.
L’enthousiasme de la nouvelle directrice du Musée des Beaux-Arts de Nancy pour renouveler l’institution ne s'est pas fait attendre.
Entrée en fonction début juin 2019, Susana Gállego Cuesta avit à cœur de proposer l’Art au plus grand nombre. L’ouverture du jardin donnant sur la Place Stanislas est pour elle un moyen implicite de créer la rencontre entre le public et les œuvres du musée. C'est dans un transat, derrière la fontaine de Neptune, qu'elle s'est confiée en toute simplicité.
"L’art : de la chance, des rencontres, mais surtout un choix"
Susanna Gállego Cuesta est arrivée place Stanislas avec beaucoup de bagages. D’origine espagnole, elle a fait une partie de ses études à Normale Sup, la prestigieuse école parisienne (ENS).Ce n’est cependant pas à cette institution française, fabricante d’intellectuels, qu’elle doit son amour et sa vision de l’art.
Selon elle, il s’agit bien d’une chance que ses parents, issus d’un milieu modeste, lui ont offert en permettant à leur fille de faire ses études, "parce qu’eux même n’ont pas pu en faire".
L’art est donc une chance pour ceux à qui on en donne l’accès, mais c’est un aussi un choix. : "J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, puisque j’ai croisé des tas de gens merveilleux: des professeurs, des artistes, des conservateurs… Qui m’ont donné envie "
Cette force d’influence sociologique mais aussi historique est pour elle générationnelle: c’est peut-être elle qui la porte à vouloir ouvrir toujours plus grandes les portes de son musée et élargir son public.
Je me suis toujours dit que si moi j’avais eu cette chance, ce serait chouette que d’autres gens l’aient aussi
- Susanna Gállego Cuesta
Une approche de la culture plus démocratique
C’est également son parcours à l’ENS et son expérience de conservatrice en chef du Petit Palais qui lui font reconnaitre la richesse du tissu intellectuel français, mais aussi sa coupure avec la population.Cette coupure, elle veut la combler grâce à "un rapport moins révérent à la culture", qu’elle hérite de ses origines espagnoles.
Sous les 40 ans de dictature du siècle dernier, l’intellectualité rasée par l’Etat a contraint la vie culturelle à émerger au sein même de la société civile.
Cette simplicité et cette convivialité ne l’empêche cependant pas de s’assumer très "livresque" :
Le paradis ressemble à une bibliothèque dans mon esprit
- Susanna Gállego Cuesta
Un musée démocratique: œuvres accessibles et exigence
Une ouverture plus grande du musée ne signifie pas pour autant que toutes les œuvres aient un discours accessible à tous les visiteurs.
" Un musée, c’est comme la gastronomie. J’aime autant du pain frotté à l’ail avec des tomates, qu’un bon petit plat" explique-t-elle.Si la tendance est à la demande de plus de démocratie et de transparence de la part des institutions, celle du musée, vieille du XVIIIe siècle, ne doit cependant pas se plier complétement à la demande sociale.Il faut qu’il y ait de tout : du très compliqué, de l’incompréhensible et de l’accessible
- Susanna Gállego Cuesta
"Le musée ne peut pas être un coffre-fort", mais on ne peut esquiver l’exigence de certaines œuvres, qui permettent au musée d’être non seulement "un acteur à part entière des évènements sociaux" mais aussi et surtout, "un endroit où l’on peut rêver (parce qu’on en a bien besoin !)".
Le musée des beaux-Arts de Nancy est en effet né de la révolution et de son utopie. Dès lors, il constitue une ressource pour ses idées neuves et un moyen d’exposer une certaine idée de la Nation. Aujourd’hui encore, la configuration du musée, constitué de trois bâtiments pour une institution, permet justement de "traverser le temps".Le musée peut être un lieu de ressources pour les mouvements sociaux. Mais il doit être aussi être un lieu dont on ressort plus fort… Pour faire la révolution, pourquoi pas!
- Susanna Gállego Cuesta
Donner envie et intégrer l’art urbain
Rendre le Musée vivant et attractif, c’est la priorité de Susanna Gállego Cuesta. Pour cela, elle veut également offrir ce "choix" à la population, en la confrontant "par hasard" aux œuvres du musée.Il y a tellement de choses à changer…
- Susanna Gállego Cuesta
L’ouverture du jardin, sur lequel donne les grandes baies vitrées du bâtiment, fut décidée précisément dans cet objectif. Depuis le vendredi 14 juin en effet, il suffit de prendre la porte à droite de l’accueil pour profiter gratuitement des transats, mais aussi des œuvres exposées sur la façade du musée et qui ne sont pas visibles depuis la place Stanislas.
De plus, s’il est compliqué pour cette vieille institution d’être à la pointe de la révolution sociale, rien ne l’empêche de poursuivre le fil chronologique de ses collections en intégrant à ces dernières, de nouveaux genres artistiques. Susanna Gállego Cuesta est, en autre, particulièrement sensible à la photographie, mais aussi aux genres très vivants que sont la performance et les arts issus de la culture de rue.
Susanna Gállego Cuesta a les yeux qui pétillent lorsqu’elle imagine ses nouveaux projets revisiter l’espace de l’institution.
Celle-ci cependant, ne finira d’être renouvelée, que lorsque vous aurez fait, à votre tour, du musée et de ses lieux, les vôtres.