Le Premier Ministre, flanqué de son ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer, a rencontré vendredi 13 décembre, pendant un peu plus d'une heure des professeurs au lycée Georges de la Tour. Ils ont tenté d'expliquer la réforme des retraites et leurs conséquences pour les enseignants.
Il n'a pas bougé d'une virgule. Ce vendredi 13 décembre 2019, Le Premier Ministre, dès son propos liminaire, a répété devant les enseignants présents à Nancy, peu ou prou ce qu'il avait annoncé mercredi 11 décembre. La réforme doit se faire pour mettre fin à la "sédimentation de systèmes", et en terminer avec "les joies de 42 systèmes différents organisés par solidarité professionnelle".
Bizarrement, pour convaincre il a pris l'exemple d'une infirmière qui aurait fait la première moitié de sa carrière dans le public avant de la terminer dans le privé, et qui, avec le système actuel, n'aurait pas la même pension qu'une infirmière qui aurait fait l'inverse... Pour faire local, il a regretté que le système actuel ne donne pas les mêmes droits "au chauffeur de bus nancéien qu'au chauffeur de bus parisien".
Et les enseignants ?
Edouard Philippe a tenté de rassurer les enseignants présents: "l’objectif n’est pas de baisser le niveau des pensions des enseignants". Mais selon lui, si la réforme va baisser mécaniquement les pensions (voir encadré) c'est en raison de la faiblesse des salaires: "il faut qu’on discute sur la façon dont on redresse la rémunération pendant la carrière des enseignants". L'astuce a donc consisté pour le Premier Ministre à rejeter sur de prochaines négociations salariales entre les syndicats enseignants et le ministre de l'Education la question du niveau des retraites!Habile, et très politique, "mais ça sera dans la loi" a assuré Edouard Philippe.
Un métier usant
Questionné par un professeur du lycée Loritz sur la pénibilité du métier d'enseignant, Edouard Philippe a fait appel à sa généalogie: "il est usant je le sais, mon père était enseignant, ma mère aussi. Je sais que c’est usant mais ça peut être un métier formidable". Là aussi, le Premier Ministre voit dans le système de retraite à points la solution à la pénibilité "en revalorisant les fins de carrière car on ne peut pas demander la même chose à un jeune enseignant qu'à un enseignant au seuil de la retraite".#Nancy #retraites Une enseignante Lorraine:
— France 3 Lorraine (@F3Lorraine) December 13, 2019
"Vous ne nous avez pas écouté sur le lycée 4.0, aberration pédagogique, sanitaire et environnementale. Mais vous nous écoutez ce soir car vous avez peur, vous avez peur de la rue" pic.twitter.com/hy8Y419slp
Communication ou déminage ou les deux ?
Les deux ministres ont eu en à répondre à beaucoup de questions sur le métier d'enseignant, son statut, et son évolution. Des questions techniques, sur les primes et les salaires, sur les différences de traitement avec les enseignants des autres pays de l'OCDE (où la France se situe au même niveau que ses homologues mexicains ou slovènes...). Et la question qui fâche: la date de départ. Le Premier Ministre a justifié le choix de repousser l'âge de départ à une logique globale: "tous les pays européens l'ont fait, sauf la Russie".On aurait pu croire que le débat allait être policé du fait de la sélection des enseignants. Il n'en a rien été.
Les interventions des ministres ont été plusieurs fois interrompues bruyamment. Les questions des enseignants énervés ont été applaudies, comme celle de ce professeur : "nous ne sommes pas écoutés, nous n'avons pas été écoutés sur la réforme du lycée, nous n'avons pas de reconnaissance de votre part. Nous en souffrons. Vous nous écoutez parce que vous avez peur de nous qui sommes dans la rue, et vous avez peur de la rue".
Edouard Philippe, qui l'avait annoncé en préambule, a quitté le débat vers 20 heures pour rentrer à Paris. C'est Jean-Michel Blanquer seul qui a continué les échanges avec les enseignants présents dans le gymnase du Lycée Georges de la Tour.
Les enseignants, grands perdants annoncés de la réforme
Si elle est menée à son terme, la réforme des retraites va particulièrement pénaliser les fonctionnaires.Leur pension ne sera plus calculée sur les six derniers mois d’activité mais sur l'ensemble de leur carrière. Les fonctionnaires seront lésés car leurs salaires sont relativement faibles et que les carrières évoluent lentement. Calculée sur les six derniers mois, leur retraite prenait en compte le fait qu'en toute fin de carrière leur salaire est meilleur. Calculée demain sur l'ensemble de la carrière, la pension sera automatiquement plus faible qu'aujourd'hui.
Afin de compenser les effets négatifs, la réforme prévoit de faire entrer les primes dans le calcul de leur retraite. Elles peuvent constituer 12% du traitement des enseignants du secondaire et 5,1% de celui des professeurs des écoles.