Silvia Lasala, chercheuse à l’Université de Lorraine, a décroché une bourse européenne pour son projet REACHER. Elle fait partie des 397 lauréats du ERC Starting Grant 2021. Sa recherche porte sur une conversion prometteuse de l’énergie.
"Personne n'a jamais conçu une réaction avec les caractéristiques thermochimiques que l'on veut mettre en œuvre. C'est une première ! " C'est un véritable challenge pour Silvia Lasala, maîtresse de conférences à l'Université de Lorraine, chercheuse au LRPG et enseignante à l'ENSIC.
Et cela la motive encore plus. Elle vient de décrocher 1,5 million d'euros pour un projet à haut risque, mais aussi à fort potentiel. Une bourse européenne attribuée par l'ERC (Européean Research Council) dans le cadre du Starting Grant 2021. Ce dispositif favorise les défricheurs, ceux qui vont s'aventurer assez loin pour potentiellement faire une découverte majeure tout en prenant aussi un gros risque. Silvia Lasala a proposé le projet REACHER (Reactive fluids for intensified thermal energy conversion).
C'est la première fois que l'on transforme, simultanément, deux formes d’énergie, l’énergie chimique et l'énergie thermique
Silvia Lasala, maîtresse de conférences Université de Lorraine, chercheuse au LRPG
Silvia Lasala nous explique : "Le projet REACHER permettra de découvrir pour la première fois le potentiel de l'exploitation de l'énergie chimique dans des cycles thermodynamiques". La scientifique a l'intuition que ce potentiel permettra de produire plus d'électricité à partir d’une source de chaleur résiduelle ou d'une source d'énergie thermique renouvelable ou, encore, obtenue d’un processus de combustion. Et cela dans de nouvelles installations, de taille largement inférieure aux centrales actuellement utilisées. Elles seraient bien plus efficaces.
Le concept n'est pas facile à appréhender pour le commun des mortels. Mais, imaginez une centrale à charbon. La combustion produit de la chaleur, qui est transformée en électricité. Et ce grâce à un vecteur d’énergie qui, aujourd’hui, peut être de l’eau, du dioxyde de carbone ou encore de l’air. "Ces fluides absorbent la chaleur dans une chaudière et la convertissent en travail mécanique dans une turbine, qui fait tourner un alternateur pour produire de l’électricité. Aujourd’hui, lors de ces transformations énergétiques du fluide, les molécules qui le composent ne modifient pas leur structure moléculaire, mais, seulement, le niveau d’agitation des molécules".
Silvia Lasala et son équipe vont explorer une autre façon de voir les choses : "Dans ce projet, on va étudier et tenter de découvrir des fluides qui permettent d’utiliser leur énergie chimique, c’est-à-dire des molécules qui se dissocient et se réassocient rapidement et de manière réversible pendant ces transformations. Cela permettra d’exploiter, simultanément, l’énergie thermique et chimique de ces nouveaux vecteurs d’énergie.". La scientifique a déjà travaillé sur cette thématique et publié des articles.
"C'est la première fois que l'on transforme, simultanément, deux formes d’énergie, l’énergie chimique et l'énergie thermique. On ne le fait jamais dans les procédés de conversion de l'énergie. On a toujours la transformation d'un type d'énergie vers un autre. Par exemple, on sait transformer de la chaleur en travail mécanique dans nos voitures et dans les centrales thermiques. On sait aussi transformer de l’énergie chimique en électricité comme dans des batteries. De la même manière, on sait transformer de l’énergie chimique en chaleur avec la combustion ; de l’énergie mécanique en électricité avec les alternateurs hydrauliques et éoliennes".
On produit beaucoup plus d'électricité
Silvia Lasala, maîtresse de conférences Université de Lorraine, chercheuse au LRPG
"La somme, de ces deux effets, a un impact important : plus d'énergie libérée. On produit beaucoup plus d'électricité. On a besoin de moins de travail pour comprimer le fluide et on libère plus d’énergie quand on le détend dans la turbine. On gagne au niveau du compresseur et au niveau de la turbine. Mais on peut perdre en rendement si l’on ne modifie pas la structure du cycle thermodynamique. Justement, une partie du projet vise à obtenir les cycles thermodynamiques optimaux pour ce type de fluide". Le défi réside dans l'approche : "je veux qu'elle libère cette énergie. On part du résultat qu'on va obtenir pour trouver la molécule qui va pouvoir répondre à ce défi".
Pour Silvia Lasala, les applications sont de trois ordres : "la première concerne "n'importe quelle conversion de chaleur en électricité. On utilise la chaleur générée par les combustibles, nucléaire, gaz naturel ou charbon. On aurait besoin de beaucoup moins pour obtenir le même résultat, car le rendement serait bien plus élevé. Et on pourrait réduire la taille des installations. On pourrait aussi récupérer de la chaleur résiduelle perdue des industries pour la convertir de façon efficiente en électricité. Enfin, on pourrait améliorer les performances de la pompe de chaleur grâce à l’utilisation de ces nouveaux fluides réactifs. Ce qui permettrait de réduire le travail demandé par le compresseur et d'augmenter l'échange thermique".
Une grande partie de la bourse servira à recruter une équipe
Silvia Lasala, maîtresse de conférences Université de Lorraine, chercheuse au LRPG
"Une grande partie de la bourse servira à recruter une équipe : deux doctorants, trois post-doc et deux collègues du laboratoire LRGP (LIEN). Une équipe de huit personnes. Une partie de l'argent de la bourse permettra aussi des investissements dans des machines performantes comme un Spectromètre Raman qui coûte cher".
Pendant ces cinq ans, l'équipe de Silvia Lasala devra présenter des rapports intermédiaires et publier ses résultats. Il n'y a pas d'obligation d'aboutir à une découverte majeure. Silvia Lasala est convaincue que cette nouvelle voie pourrait permettre d'apporter des solutions à nos besoins en énergie qui ne cessent de croître.