Pass sanitaire/droit du travail : "c’est à l’employeur de veiller au respect des obligations" dit Antoine Loctin, avocat

Avec une situation qui continue de se dégrader à cause du variant Delta, la vaccination massive apparaît comme l’unique issue à la crise. À compter du 30 août, les salariés des entreprises de transport et des établissements recevant du public devront présenter un pass sanitaire.

L’application de la loi prévoyant l’extension du pass sanitaire soulève un certain nombre d’interrogations. Le personnel des établissements recevant du public reste le premier concerné. Ainsi, les salariés et les dirigeants des cafés, restaurants, foires, grands magasins ou transports publics devront être en mesure de présenter un pass sanitaire à partir du 30 août. Il peut être validé par un certificat de vaccination, un test négatif au Covid-19 de moins de 72 heures ou un certificat d’immunité pour les personnes ayant eu le Covid-19 il y a moins de six mois. Antoine Loctin est avocat spécialisé en droit public à Nancy. Jeudi 19 août, il répond à nos questions. 

 

1 – Quelles sont les limites entre le droit du travail et droit des libertés ?

Normalement, il s’agit plus d’une imbrication que de limites entre le droit du travail et certains principes fondamentaux. En effet, le droit du travail est l'ensemble des règles juridiques applicables aux relations entre employeurs privés et salariés à l'occasion du travail. Celui-ci est gouverné par des principes fondamentaux. Certains très connus : l’on peut citer la liberté syndicale, le droit de grève ou l’interdiction de discrimination au travail.Le contexte actuel du pass sanitaire il pourrait mettre en relief des problématiques liées notamment au droit à la vie privée dont l’une des composantes est le secret médical, à la liberté de la presse ou encore à la liberté d’entreprendre, etc.

À titre d’exemple, un vendeur ou un commercial  qui n’a pas de pass sanitaire et devant se rendre à une visite ou sur un lieu soumis à un tel pass ne pourra pas faire son travail. Il en va de même pour un commercial devant se rendre sur une foire ou un salon pour vendre un produit ou rencontrer des partenaires (liberté d’entreprendre dont le corollaire est la liberté du commerce et de l’industrie). La liste n’est pas exhaustive et les cas sont multiples.

Ces situations peuvent entrainer des répercussions plus ou moins graves. Et pour cause, l’employeur du commercial, pour reprendre l’exemple précédent, pourrait éventuellement sanctionner son salarié puisque le travail sollicité ou le chiffre prévu n’a pas été réalisé en invoquant notamment la possibilité de faire un test PCR et leur gratuité. L’on voit une nouvelle limite d’ailleurs tirée du secret médical puisque dans une telle configuration l’employeur saura que son salarié n’est pas vacciné. Cette question sera d’autant plus délicate qu’il est prévu que les tests PCR deviennent payants. Et à priori ce n'est pas à l'employeur de payer le test. 

2 – Quelles sont les obligations, en dehors des professions déjà connues, pour les personnes qui travaillent en déplacement comme les commerciaux, les vendeurs, etc…

Il n’existe à proprement parler pas d’autres obligations que celles liées au respect des gestes barrières, au port du masque lorsque cela est exigé, à une jauge dans les lieux limités en terme de densité, selon les cas au télétravail, et, désormais, au pass sanitaire pour les travailleurs devant se rendre sur un lieu où le pass est exigé. Comme on vient de le voir, le pass sanitaire, même s’il n’est exigé que dans certains lieux ou pour certains salariés, aura un impact indirect pour un plus grand nombre de travailleurs. En résumé et il faut en avoir conscience, le pass sanitaire ne se limite pas aux personnes auxquelles ils s’imposent, ni aux lieux dans lesquels il est imposé.

On voit une nouvelle limite tirée du secret médical puisque dans une telle configuration l’employeur saura que son salarié n’est pas vacciné.

Antoine Loctin, avocat en droit public

3 – Au travail le pass-sanitaire relève-t-il uniquement de l’employeur ? Et si je suis confronté dans le cadre de mon travail à une demande de présentation puis-je refuser ?

Pour les personnes auxquels celui-ci est rendu obligatoire, c’est à l’employeur de vérifier le pass sanitaire. Ensuite, deux choses l’une :

- soit, vous faites partie des personnes pour lesquelles le pass sanitaire est obligatoire. Dans cette hypothèse, vous pouvez refuser mais vous vous exposez à des difficultés notamment à la suspension de votre contrat sans rémunération ;

- soit, vous ne faites pas partie des personnes pour lesquelles le pass sanitaire est obligatoire. Dans cette hypothèse, aucun pass sanitaire ne peut vous être demandé. Reste qu’il n’est pas interdit de penser que certains employeurs, par zèle ou crainte d’une éventuelle responsabilité, s’engageront dans cette voie au titre de leur obligation d’assurer la sécurité de leurs salariés. Néanmoins, cette possibilité me semble minime puisque cela imposerait aux salariés de divulguer des informations couvertes par le secret médical sans que cela ne soit exigé.

4 - Quels travailleurs seront concernés par le pass sanitaire à la rentrée ?

Seront concernés les actifs des établissements qui reçoivent du public : les salariés et dirigeants des cafés, restaurants, foires, grands magasins ou transports publics devront être en mesure de présenter un passe sanitaire valide à partir du 30 août.

L’obligation vaccinale concerne pour l'instant les personnels soignants et non soignants des hôpitaux et maisons de retraite, les professionnels et bénévoles auprès des personnes âgées, y compris à domicile, ainsi que les pompiers ou les ambulanciers. A partir du 15 septembre cette obligation sera étendue aux gendarmes.

 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité