Santé : surmenage des médecins spécialistes en Lorraine, "il y aura quelques années difficiles à passer"

Pour la première fois, une étude de l'Union Régionale des Professionnels de Santé se consacre à l’activité des médecins spécialistes libéraux en Lorraine. Ils déclarent travailler en moyenne 55 heures lors d'une semaine de travail ordinaire.

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Les journées des médecins spécialistes sont de plus en plus longues. Et ils sont de moins en moins nombreux. Une enquête de l'Union Régionale des Professionnels de Santé de la région Grand Est souligne les dérives du temps de travail des médecins. 
Ainsi, la durée hebdomadaire de travail déclarée dépasse bien souvent les 55 heures par semaine. Une amplitude horaire journalière de dix heures minimum. Le docteur Thierry Bour est médecin ophtalmologiste en Moselle. Il est trésorier de l'URPS ML et membre du collège des spécialistes de l'URPS. Il répond à nos questions mardi 26 septembre 2023. 

L’augmentation du temps de travail a progressé de plus de 10 % depuis une vingtaine d’années. Au quotidien ça se traduit par des journées très longues.

Thierry Bour, médecin ophtalmologiste

L’activité hebdomadaire est répartie en moyenne sur 4,5 à 5 jours. Le temps de travail moyen est désormais de plus de 50 heures ? "La cause c’est d’abord l’augmentation de la population, mais également son vieillissement. L’augmentation du temps de travail a progressé de plus de 10 % depuis une vingtaine d’années. Au quotidien ça se traduit par des journées très longues. Et puis le temps partiel qui était pratiquée par environ 10% des médecins n’existe plus. Tout ça montre bien que tout le monde commence à être débordé".

L’accès aux soins des patients à la médecine spécialisée est désormais difficile ? "C’est quelque chose de continu depuis au moins une vingtaine d’années. Dans les années 90 il y avait largement assez de médecins et de spécialistes et à partir des années 2000, la crise a débuté. Par exemple, les ophtalmos ont vu leur temps de travail considérablement s’accroître. Il faudrait bien-sûr réduire la charge administrative. Dans l’étude on voit bien que l’on a de nouvelles missions, par exemple des missions de coordination, de formation continue et des commissions. Maintenant c’est vrai que cela se rajoute à nos consultations et c’est certain qu'il y a moins de spécialistes en France".

Un quotidien surchargé

On note dans l'étude d'une trentaine de pages, que 85% des médecins débutent leur activité entre 7h et 9h et 86 % finissent leur journée de travail entre 18h et 20h. 

L’enquête a mis en évidence des écarts d’activité dans la plupart des spécialités. Les raisons sont multiples : âge, mode d’activité, lieu et type d’exercice. On retrouve là encore les déserts médicaux ? "Oui on peut parler d’épuisement et même de surmenage. L’apparition de nouvelles techniques médicales impliquent un besoin de temps de consultation supplémentaire. Ça se traduit au quotidien par des journées trop longues et ça montre vraiment bien que tout le monde commence à être débordé avec une trop grande fatigue en fin de journée. Mais il va quand même falloir se vraiment se poser la question. En revanche, c’est vrai qu’avec le numérus clausus, on peut espérer un arrangement mais il y aura quelques années difficiles à passer".

Ainsi on peut constater que 68 % des anesthésistes débutent avant 7h et finissent à 19h, ce qui représente une amplitude de travail journalière de 12h.

Le docteur Anne Bellut est dermatologue et vénérologue en Meurthe-et-Moselle. Elle fait partie du collège des spécialistes de l’URPS Médecins libéraux du Grand Est. Elle aussi a participé à l'étude. "Aussi bien en médecine générale qu’en médecine spécialisée souvent, on nous dit que les femmes travaillent moins et que les jeunes ne travaillent pas beaucoup. Et bien ce n’est pas vrai. En tout cas notre étude prouve de façon très claire que la différence entre les jeunes et les vieux (plus de 50 ans ou moins de 50 ans) reste extrêmement faible", constate le docteur Bellut. "Pour les délais, on essaye de faire tout ce qu’on peut. Il est quand même difficile de répondre dans des délais convenables. On doit faire face à une demande médicale qui est de plus en plus présente".

Pour les délais on essaye de faire tout ce qu’on peut. Il est quand même difficile de répondre dans des délais convenables. On doit faire face à une demande médicale qui est de plus en plus présente.

Docteur Anne Bellut, dermatologue

L’enquête sur l’activité professionnelle des médecins spécialistes du Grand Est a été réalisée par internet au cours du 1er trimestre 2023.

Elle a été menée par l'Union Régionale Médecins Libéraux Grand-Est. Environ 30% des médecins spécialistes ont répondu à l’enquête et 33 spécialités se sont exprimées.

*Dans les tableaux les temps sont indiqués en minutes). 

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