Après une sécheresse hivernale, c'est une sécheresse printanière qui se fait actuellement ressentir dans le Grand est. Deux épisodes rapprochés qui montrent les effets du changement climatique avec des cours d'eau aux niveaux déjà très bas. Analyse du phénomène avec Claire Delus hydrologue à Metz.
Claire Delus est maître de conférences en géographie et hydrologue à Nancy. Les dernières données d'étiage qu'elle et ses collègues du LOTERR ont pu observer sur le terrain du bassin Rhin-Meuse ne sont pas forcément rassurantes :
"Les niveaux sont comparables à 2022 à la même époque dans la partie aval de la Moselle. A l'amont on est un peu au-dessus. Ce qu'il faut retenir c'est que les niveaux sont partout en dessous de la normale. Heureusement que les pluies des mois de mars et avril ont rechargé les nappes et les cours d'eau sinon la situation serait plus grave. Mais pour autant, ça ne présage de rien pour la suite, tout dépendra des conditions météo et actuellement on n’a pas de prévisions saisonnières claires au niveau des précipitations".
Sur cette carte, réalisée par Claire Delus et Didier François, tous deux hydrologues, on peut comparer le niveau des cours d'eau de 2023 sur le bassin Rhin-Meuse avec les autres années (1991-2022).
Le déficit d'eau le plus préoccupant concerne : la Meuse amont, toute la Moselle, la Meurthe et le Haut-Rhin.
Deux épisodes de sécheresse en six mois
La sécheresse printanière est une réalité dans notre région. Avant les orages de cette mi-juin à Metz, il n'avait pas plu depuis 37 jours, depuis le 12 mai exactement. Et début juin selon Météo Express, Nancy était la ville la plus ensoleillée de France.
Ces deux épisodes rapprochés de sécheresse hivernale et printanière, c'est la manifestation du changement climatique.
Claire Delus, hydrologue
"En février nous avions déjà eu un record historique avec 40 jours sans pluie enregistrés aux postes météo de Metz Frescaty et Nancy Essey. Dans la même année, on cumule deux évènements extrêmes. Ces deux épisodes rapprochés de sécheresse hivernale et printanière, c'est la manifestation d'un changement climatique qui se fait ressentir. Depuis 2018, chaque été on a une sécheresse, à part pour 2021, ça devient la norme.
On a déjà eu dans le passé des grandes périodes sans précipitations, jusqu'à 3 mois sans pluie ni rosée à la période médiévale, du 2 février au 2 mai 1514 en Lorraine ! Mais ce qui nous interpelle aujourd'hui, c'est la récurrence de ces épisodes".
Sur cet autre graphique, on peut comparer l'hydrométrie de 2023, à trois autres années de référence en matière de sécheresse : 1976, 2020 et 2022.
On observe que pour l'instant les records de manque d'eau (courbe violette) de 1976 n'ont pas été battus et que 2023 se situe pour le mois de juin en dessous de 2022 mais on visualise bien la sécheresse hivernale de février sur la courbe.
"Quand on regarde les arrêtés sécheresse, on est au même point que l'an dernier avec quelques départements en vigilance, la première étape avant l'alerte. Ces étapes sont basées sur le niveau des cours d'eau, sauf que ces seuils sont des normales qui ne correspondent plus à la réalité d'aujourd'hui. Il va falloir travailler sur ces questions pour les remettre à jour" précise l'hydrologue.
Des économies d'eau toute l'année
Les gestes citoyens au jardin et dans son logement sont désormais préconisés chaque été :
"Il faut comprendre que ces situations-là vont devenir la norme et que l'économie d'eau ce n'est plus sur une année en particulier, il faut apprendre à vivre avec ce climat qui change et à faire des économies d'eau sur le long terme. Mais les enjeux des usages de l'eau portent au-delà de la sphère domestique dans les usages agricoles et industriels qui peuvent avoir un impact sur les cours d'eau avec les prélèvements, ce sont des questions très sensibles", conclut Claire Delus.