Sept policiers de la BAC de nuit de Nancy jugés pour harcèlement et injures racistes, "la brigade est passée à côté d'un drame"

Ils traitaient un ancien collègue de la brigade anticriminalité de nuit de "bougnoule" et en harcelaient d’autres. Sept policiers de la BAC de Nancy sont rejugés par la cour d'appel, pour harcèlement moral et injures racistes. Jeudi 23 mars, le parquet demande des peines allant de deux ans à quatre mois de réclusion avec sursis.

Ils sont tous là. Au premier rang de la salle de la cour d'appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Ils sont sept policiers de la brigade anticriminalité de nuit de Nancy. Jeudi 23 mars 2023, ils écoutent le réquisitoire de l'avocat général, Jean-Jacques Bosc. Des flics de la BAC, une unité rendue célèbre par Gilles Lellouche dans le film BAC-Nord de Marseille.

Aujourd’hui l'affaire que la justice doit étudier en appel avait démarré à Nancy en 2018. Du racisme et du harcèlement. "Ils sont arrivés dans le service entre 2007 et 2015", dit Jean-Jacques Bosc, avocat général. Ils comparaissent tous libres. Leurs avocats sont assis devant eux, face à la cour, le président et ses deux assesseurs. A gauche, il y a les parties civiles.

Oui il est  raciste. Les propos "le bicot est incompétent. Le bicot ne nous a pas manqué" ne sont pas tolérables

Jean-Jacques Bosc, avocat général

Dans son réquisitoire Jean-Jacques Bosc donnera les états de service et le CV de chacun. Des belles carrières pour la plupart, jusqu'à l'affaire.

Bougnoule, bicot et harcelèment

Puis il reprend les faits un par un. Policier par policier. Franck L. est poursuivi pour harcèlement, et injures à caractère raciste. L'avocat général dans le micro répète les propos. "Le bicot c’est un incompétent. Le bicot ne restera pas longtemps. Vous voyez bien qu’il n’est pas à sa place le bicot". Ensuite, il parle d'un autre policier. "Pour lui je vais prendre un peu plus de temps. Il était chef de service par intérim. Le tribunal doit prendre ça en considération. Oui il est raciste. Les propos "le bicot est incompétent. Le bicot ne nous a pas manqué" ne sont pas tolérables". Puis il rappelle que pour que les faits soient constitués il faut qu'il y ait répétition. "Et là c'est le cas".

Et ainsi de suite. Pendant deux heures. "Parfois c'est même au-delà du harcèlement". Jean-Jacques Bosc terminera son réquisitoire en demandant des peines allant de deux ans de prison avec sursis et interdiction de toute intégration dans la fonction publique, à quatre mois avec sursis et un an d'interdiction d'exercer le métier de policier.

Une enquête menée en 2018 par l'Inspection générale de la police nationale avait révélé un "système de harcèlement organisé et de racisme décomplexé". Lundi à l’ouverture de l’audience  le président avait rappelé que Saïd B. était le "premier magrébin à intégrer le service". C'est dans ce contexte qu'il entend ses collègues dire à son sujet: "Je ne veux pas être dans le groupe du bougnoule".

Au fil de mes investigations, j'ai découvert un véritable système de harcèlement organisé. C'est la première fois que je suis confrontée à cela

Une enquêtrice de l'IGPN

A l'issue de l'audience, Frédéric Berna, avocat de Saïd B. considère que "le réquisitoire est parfaitement adapté à la situation. C'est très difficile pour lui aujourd'hui. Il a dû quitter la BAC, il est désigné comme le traitre parce qu'il a déposé plainte. Il est insulté : "le bicot ne restera qu'une vieille blatte pourrie esseulée qui essaye d'échapper comme il peut à la désinfection". Ça n'est pas tolérable"

La "meute" de la BAC de nuit de Nancy 

Mercredi une enquêtrice de l'IGPN est venue décrire à la barre ce qu'elle qualifie de véritable système. "Au fil de mes investigations, j'ai découvert un véritable système de harcèlement organisé, dit-elle. C'est la première fois que je suis confrontée à cela". Puis elle estimera que la brigade "est passée à côté d'un drame".

Laurent-Franck Lienard est avocat à la Cour d'Appel de Paris. Il est spécialisé dans la défense des membres des forces de l’ordre, police, gendarmerie. Il est l'avocat de l'un des policiers. "Je défends la police et les gendarmes depuis 31 ans. Ce dossier est affligeant. Affligeant pour la police, affligeant pour l'enquête". Et il ajoute : "mais ils restent tous des frères d'armes, des collègues et ils seraient venus défendre leur collègue Said en cas de besoin. Les policiers ont tout le temps peur et je vais demander la relaxe".

Aujourd'hui, l'un d'entre eux est révoqué de la police nationale, les autres sont placés par l'administration en congés maladie. L'un a fait une dépression, et ils ne touchent plus que 40% de leur salaire. En première instance le tribunal correctionnel avait prononcé des peines de 6 à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et des interdictions. Le procès doit durer jusqu'à vendredi. 

 

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