Une affaire de harcèlement sexuel secoue le monde scolaire à Nancy. Un professeur de géographie du lycée Poincaré de Nancy été mis en examen, lundi 7 octobre pour "harcèlement sexuel" sur une de ses élèves. Témoignage d'une lycéenne.
Un professeur de géographie d'une cinquantaine d’années du lycée Henri Poincaré à Nancy a été mis en examen lundi 7 octobre 2019 pour harcèlement sexuel sur une élève de première. Le procureur de la république précise que la victime indiquait que l'enseignant avait tenté de l'embrasser à une reprise et qu'il s'agit d'échanges de messages dont certains à caractère sexuel entre ce professeur et une élève mineure âgée de 17 ans.
Mais visiblement, depuis quelques jours, de plus en plus de témoignages dénoncent les agissements sexistes de ce professeur. Sonia (le prénom a été changé pour les besoins de l'enquête) a 16 ans. Elle est élève au lycée Poincaré en première. Avec ses copines elle a connu le professeur mis en examen. Sa comparution devant la justice est une libération. Maintenant elle peut enfin parler. Elle se sent en sécurité.
"Pendant le cours, souvent il passait sa main dans mon dos et même parfois un peu plus bas que le dos. J’avais une copine et il la raccompagnait souvent à son arrêt de bus dès qu’elle était seule. Souvent il voulait savoir en détail ce qui se passait dans notre vie, dans la vie des élèves mais qu’avec les filles, comme si il avait peur des garçons", dit Sonia la voix émue.
Omerta
"Alors, il ne s’adressait qu’aux filles. Il me mettait souvent une petite tape dans le dos et dans le bas du dos. On n’en parlait beaucoup entre nous, on se disait "on entend des choses il n’est pas très net”. Il me faisait peur surtout quand il s'arrangeait pour que je reste seule avec lui. Je me souviens, j’avais une copine qu'il a vraiment harcelé pendant un an, à tel point qu’on faisait toujours en sorte qu’elle ne reste jamais seule."Les élèves sont longtemps restées silencieuses. "On a bien sûr essayé d'en parler mais le regard des autres est plus fort. On avait peur que les autres, les adultes, pensent qu'on raconte des histoires. Maintenant on se sent un peu soulagées car on a besoin d’en parler, à nos parents, à un psychologue. Ça fait du bien d’en parler car on se rend compte qu’on est jamais à l’abri. Au bout de plusieurs mois de harcèlement, j’ai fini par en parler."On n'osait pas en parler car on avait peur qu’on nous prenne pour des folles
-Sonia, 16 ans, élève au Lycée Poincaré.
Les parents de Sonia sont eux aussi informés. Pour l'instant c'est surtout la colère qui l'emporte. Comment avoir laissé un professeur dans les couloirs du lycée avec un tel comportement ? Voilà les questions qu'ils se posent. Le lycée a fait un signalement au procureur.
Le procureur de la République précise dans un communiqué que l'enseignant a été placé en garde à vue. Il a été mis en examen pour corruption de mineur par une personne mise en contact avec la victime par un réseau de communications électronique, propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée, harcèlement sexuel et agression sexuelle par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction. Il a été placé sous contrôle judiciaire. Il a interdiction d'exercer une fonction en lien avec des mineurs. Une cellule d’écoute psychologique a été mise en place au lycée Poincaré mardi 8 octobre.
"Il y a trois émotions qui peuvent empêcher de parler : le sentiment de culpabilité, la peur du jugement et la honte" : Véronique Sibiril, pédospychiatre
"Les jeunes filles avaient peut-être peur lorsqu'elles croisaient ce professeur. C'est cette répétition, insidieuse, qui va poser un problème. Il y avait une part d’étonnement et une confusion des sentiments.""Normalement il ne devrait pas y avoir de traumatisme même s'il faut rester vigilant, ajoute le pédopsychiatre Sibertin-Blanc. ll est de toute façon important d’en parler car les filles peuvent avoir le sentiment de culpabilité inversée. C'est pour cela qu'il est important que l'enfant comprenne que ses parents sont là pour le protéger et le défendre. Au lycée, la direction avait certainement peur pour sa réputation. Avec encore une fois un sentiment de honte."
Enfin, selon le docteur Véronique Sibiril, pédopsychiatre au Centre Médico-Psycho-Pédagogique de Nancy, "il y a trois mécanismes qui peuvent empêcher de parler : la peur, un sentiment de honte et une culpabilité inversée, surtout si il y a eu un processus de séduction par une figure d'autorité". Elle ajoute :"ce type de situation doit être traité dans le respect de l'intimité des victimes mais aussi de l'entourage personnel et professionnel du présumé agresseur".