L'évêché du diocèse de Nancy et Toul vend l'église Notre-Dame-de-Franchepré à Jœuf. Des habitants de l'ancienne cité sidérurgique se mobilisent. Ils veulent conserver l'édifice construit en 1910 par la famille De Wendel au cœur du quartier ouvrier qui a vu naître Michel Platini.
Lundi 15 juillet 2024, le soleil brille sur le quartier de Génibois à Jœuf (Meurthe-et-Moselle) dominé par l'imposante église Notre-Dame-de-Franchepré. Roger Martinois historien local et André Corzani le maire de la ville nous servent de guides. Passé le vestibule où s'envolent quelques feuilles mortes déplacées par le courant d'air, nous découvrons une vaste nef silencieuse, comme figée dans le temps. Elle peut accueillir jusqu'à 1.500 personnes.
L'édifice, de part ses dimensions et la richesse de son mobilier, évoque un passé faste, aujourd'hui révolu : "les dernières obsèques célébrées ici étaient celles d'Aldo, le père de Michel Platini, le 19 décembre 2017" explique André Corzani. La famille Platini est originaire du quartier ouvrier de Génibois. Michel Platini, le célèbre footballeur, a même été enfant de chœur dans cette église.
Une église édifiée par la famille De Wendel
Construite à l'initiative de la famille De Wendel, les célèbres maitres de forges, l'église Notre-Dame-de-Franchepré domine la cité ouvrière de Génibois depuis 1911, année de sa consécration. Les haut-fourneaux des aciéries de Jœuf sont éteints depuis 1989, mais la mémoire industrielle est encore vivace.
Si Jœuf perdait son église, elle perdrait son âme.
Roger Martinois, président du Cercle pour la Promotion de l'Histoire de Jœuf.
Notre-Dame-de-Franchepré est mise en vente par l'évêché de Nancy-Toul. Des habitants et la municipalité se mobilisent pour récupérer et conserver le bâtiment et éviter la dispersion de son riche mobilier.
Éviter la dispersion du mobilier et des œuvres
Le Cercle pour la Promotion de l'Histoire de Jœuf est à l'initiative de la mobilisation. Roger Martinois est historien et le président de cette association : "on ne peut pas imaginer qu'un jour, elle disparaisse du paysage, Même si elle n'est plus un lieu de culte, elle doit rester au milieu de la cité. De très nombreux Joviciens y ont été baptisés, s'y sont mariés". L'édifice a été officiellement désacralisé par décret le 7 juin 2024.
L'église présente quelques particularités intéressantes : la charpente apparente est en acier revêtu de bois. Nous y découvrons aussi un chemin de croix en émaux de Limoges, don de la Famille De Wendel. Déposé et stocké à l'arrière du chœur, personne ne connait son destin. Roger Martinois craint la dispersion du mobilier :"il y a aussi l'orgue réalisé par un célèbre facteur, la chaire, les vitraux, les statues, nous ignorons ce qu'ils vont devenir. Seront-ils réinstallés quelque part ?, entreposés dans un sous-sol ? où pire, vendus. Le bâtiment sans ces objets, ce ne serait plus pareil".
500.000 euros d'argent public pour la restauration
Victime des outrages du temps, L'église avait déjà fait l'objet d'un premier sauvetage en 2002. 500.000 € d'argent public, ainsi que 80.000 € collectés auprès de donateurs avaient été mobilisés pour la restaurer.
Respecter le lieu et son histoire
André Corzani, le maire de Jœuf, estime qu'au vu des efforts financiers déjà consentis par les Joviciens, l'édifice devrait être cédé à la municipalité : "il faut nous mobiliser pour sauver une deuxième fois Notre-Dame-de-Franchepré. Comme il y a eu cet investissement conséquent de la population jovicienne et même d'amis au-delà de la commune, il me parait logique de demander à Monseigneur l'évêque, une cession pour l'euro symbolique".
L'évêque du diocèse de Nancy et de Toul, Monseigneur Pierre-Yves Michel, a fait savoir, dans un récent courrier adressé à l'édile, qu'il espère que "l'usage à venir respectera le lieu et son histoire". Les deux hommes ont convenu de la possibilité de se rencontrer dans un avenir proche pour discuter de l'avenir de l'ex-église devenu bâtiment profane. Quant à son réemploi, des projets patrimoniaux et culturels sont déjà envisagés.