Triple épidémie dans le Grand Est : "tout cas supplémentaire est un casse-tête" pour le CHRU de Nancy

Alors que le pays fait déjà face à des vagues de bronchiolite et de covid-19, la grippe est passée au niveau épidémique ce mercredi 7 décembre dans le Grand Est. Une situation qui fragilise encore plus les services médicaux de la région.

Comme de nombreuses régions de France, le Grand Est est actuellement touché par trois épidémies virales respiratoires : la bronchiolite, la covid-19 et désormais la grippe saisonnière. Une grippe qui a d’abord frappé le pays à l’Ouest avant de s'étendre à d'autres territoires : "La France a d’abord été touchée par la Normandie et la Bretagne. Deux virus de la grippe circulent beaucoup, le H5N1 et le H3N2", explique le Pr Christian Rabaud, infectiologue au centre hospitalier régional universitaire de Nancy. "Le H5N1 est celui qui a été responsable de la grippe de 2009-2010, dite grippe mexicaine. Le H3N2 est plus ancien, plus classique. C’est plutôt celui-là qui circule actuellement". 

Une grippe qui arrive plus tôt que d'habitude cette année, remarque le professionnel : "Habituellement, la grippe n’arrive qu’en février ou en mars. Elle vient de se déclarer au moment où la 9e vague de la covid a repris il y a quelques jours". 

Concernant la grippe, "Nous sommes passés en phase épidémique cette semaine car on remarque une augmentation des indicateurs : une hausse des consultations aux urgences et auprès de SOS Médecins pour tous les âges", indique Morgane Trouillet, épidémiologiste pour Santé Publique France dans la région. "Du 28 novembre au 4 décembre, les consultations SOS Médecins pour grippe de tous âges représentaient 8% de leur activité dans le Grand Est. On note une augmentation de 0,5%, un peu moins importante, pour les passages aux urgences". 

Joseph Fabre, le président de SOS Médecins 54, constate ainsi que pour la seule journée de ce jeudi 8 décembre 2022, "à 7h du matin, toutes les consultations, 53 au total, étaient déjà prises jusqu’à 19h. Plus de 80% des motifs de ces consultations étaient la fièvre, la toux et toutes les infections de la sphère ORL. Le reste concerne des douleurs traumatologiques ou abdominales. 3 épidémies cumulées, c’est intense". 

"un casse tête

Pour Christian Rabaud, le virus de la grippe n'est pas plus coriace que lors des précédentes vagues épidémiques : "On le connait, il n’y a pas de mutation majeure qui nous inquiète. En revanche, la grippe n'a pas du tout circulé en 2020, peu en 2021, donc en dehors des personnes qui se vaccinent dans la population générale, certains n’ont pas rencontré le virus de la grippe depuis 2 ou 3 ans, chez eux l’immunité sera donc faible. On craint cette année que beaucoup de gens avec une immunité très basse, fassent une grippe plus significative. Pas forcément dramatique ou mortelle mais avec des cas plus lourds qui pourraient justifier une prise en charge hospitalière".

 

Les épidémies de grippe et de covid "pas majeures à ce stade". Mais dans l'Est de la France, la maladie du coronavirus connait cependant une reprise : "On observe une augmentation un peu plus légère du taux d’incidence pour tous âges", commente la spécialiste de Santé Publique France. "Les consultations SOS Médecins sont à un niveau stable et nous observons une légère hausse pour les passages aux urgences avec une réaugmentation des formes graves. Les indicateurs [...] restent sur des valeurs qu’on a déjà observé les années précédentes à la même période". 

Mais pour Christian Rabaud, qui est également le président de la commission médicale d’établissement du CHRU de Nancy, l'inquiétude grandit : "On ne peut pas dire que l’on voit arriver tous les jours 30 patients qui se présentent aux urgences et qui souffrent de covid ou de grippe, mais on en a quelques-uns tous les jours, au moment où l’hôpital est lui-même en grande tension. On manque énormément d’infirmières donc on a été obligés de fermer des lits parce qu’il n’y a pas assez d’infirmières pour s’occuper des patients. Les capacités d’un établissement comme le nôtre sont réduites de 5%. On a des lits fermés et une augmentation progressive de la demande. L’ensemble des deux génère une tension. Les infirmières et les médecins sont déjà surmobilisés parce qu’ils ne sont pas nombreux. On ne peut pas les sursurmobilisés encore ! Pour nous aujourd’hui, tout cas supplémentaire est un casse-tête".  

Du 28 novembre au 4 décembre, 15% de l’activité SOS Médecins dans le Grand Est était consacrée à la bronchiolite. Aux urgences, la même semaine, les consultations pour cette maladie représentaient 30 % de l’activité, soit 1 enfant sur 3 âgé de moins de 2 ans. 60% de ces consultations finissent en hospitalisation, selon les chiffres de Santé Publique France. "La pression reste très très forte en ce qui concerne le virus respiratoire syncytial (VRS) ou bronchiolite des petits. Mais si la situation semble ne plus se dégrader, même s’il n’y a pas plus de cas que la veille pour le moment, il y en a autant. L’ensemble de l’hôpital des enfants est mobilisé pour la prise en charge et l’hospitalisation des petits patients atteints. Étant donné que nous ne sommes pas encore sur la descente, l’hôpital reste encore très très très impacté par le nombre de cas de bronchiolite !". 

Un contexte épidémique et des chiffres que l'Agence nationale de santé publique explique par "un effondrement de l’observance des gestes barrières et une couverture vaccinale qui reste faible actuellement". 

Gestes barrières et vaccins 

Selon l'infectiologue : "Comme pour la covid, les symptômes de la grippe sont respiratoires : toux et atteinte pulmonaire. Avec les nouveaux variants, comme Omicron BA.5, la covid donne plus d'atteintes ORL : le nez qui coule ou par exemple la gorge irritée. Les 2 peuvent donc être difficile à différencier. Avec des tests rapides et performants en laboratoire ou les autotests disponibles chez les pharmaciens, on peut faire la différence. Si ça n’est pas la covid, c’est possiblement la grippe pour laquelle il existe aussi des tests", développe Christian Rabaud. 

Pour éviter les contaminations et l'engorgement des hôpitaux, le spécialiste rappelle les gestes à adopter : "Pour se prémunir de la grippe comme de la covid, ce sont les mêmes mesures puisque ce sont des virus respiratoires : port du masque, hygiène des mains et aération des locaux. Pour l’un comme pour l’autre, il existe un vaccin. Les gens se vaccinent peu. Il faut rappeler que toute personne qui veut se faire vacciner contre la covid peut le faire gratuitement. Prioritairement, les personnes de plus de 60 ans mais si vous avez plus de 45 ans, oui, vous êtes aussi candidat au vaccin". 

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