Diffusé sur Arte mardi 29 mars, le documentaire "Nucléaire : une solution pour la planète ?" évoque directement les rejets radioactifs qui pourraient intervenir en cas d’incendie généralisé dans le sous-sol argileux du futur site d’enfouissement de Bure (Meuse).
Un morceau de roche argileuse chauffée sur une gazinière qui éclate bruyamment en petits morceaux : l’expérience filmée par la documentariste Ghislaine Buffard pointe un risque précis, resté jusque-là relativement dans l’ombre. Ce documentaire a été diffusé par Arte, mardi 30 mars 2022.
Dans le débat autour du futur site d’enfouissements de déchets nucléaire de Bure, qui doit accueillir ses premiers "colis" en 2035, la question de la possible contamination radioactive se concentre dans le documentaire de nos confrères sur un élément : l’enfouissement prévu de 18% de déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) "bitumés".
Car ceux-ci présenteraient un risque plus élevé d’incendie en raison de leur composition : l’un des experts plusieurs fois cité, François Besnus, directeur de l'Environnement de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN) affirme notamment "qu’il ne faudrait pas stocker de déchets inflammables (…), un incendie généralisé provoquerait à l’extérieur une quantité de radioactivité significative".
De la dangerosité de l'argile à haute température
Selon un autre expert présent dans le documentaire, "l’argile est connue comme étant une roche qui a une capacité très limitée de conduire les températures". En clair : chauffée, elle explose. Comment les tunnels du Centre industriel de stockage géologique (Cigeo), renforcés par du béton, peuvent-ils résister en cas de sinistre par le feu ? Marcos Buser, présenté comme un expert de l’enfouissement des déchets radioactifs, prédit à l’écran, "une fissuration intense en cas d’incendie".
L’expérience de deux autres sites d’enfouissement, celui de Wip aux Etats-Unis, et d’Asse en Allemagne, font dire à l’expert suisse qu’"aucun projet n’a fonctionné", en évoquant notamment le stockage profond outre-Rhin où 125.000 fûts radioactifs déposés, entre 1967 et 1978, dans une ancienne mine de sel ont contaminé l’eau et les nappes phréatiques, "un désastre environnemental et un gouffre financier". Pourtant, en 2014, celui-ci se déclarait favorable… "au stockage en profondeur des déchets hautement radioactifs".
Le collectif Stop Cigeo a réagi par un communiqué à la diffusion du documentaire dans lequel il s’interroge sur "ces nouveaux éléments (qui) indiquent que cette même roche constitue en réalité un facteur de risque supplémentaire qu'il serait irresponsable d'ignorer. Quel est le statut de ces nouveaux éléments ? Pourquoi apprenons-nous seulement aujourd'hui des informations aussi capitales pour la sûreté du stockage, alors que la roche de Bure est analysée depuis deux décennies ?".
La réponse de l'ANDRA
Interviewé dans le documentaire, le directeur Environnement de l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs (Andra), Sébastien Crombez, nous confirme ses propos. En introduction du film, il affirme que "dans le contexte géologique français, la meilleure solution (pour l’enfouissement des déchets radioactifs à vie longue de haute et moyenne activité) c’est le site de Bure".
Concernant les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) "bitumés", il précise qu’ils ne feront pas partis des premiers à être enfouis dans la phase 1.
Selon lui, l’expérience menée au-dessus de la gazinière ne prédit en rien le comportement des futures installations de Cigeo en cas d’incendie : "la transposabilité" de ce que l’on voit à l’écran ne tiendrait pas au regard du dispositif mis en place progressivement pour limiter les risques, notamment la future disposition des colis radioactifs lors du stockage.
Si l’on en croit l’Andra, un incendie ne devrait donc pas pouvoir se propager de manière généralisée : "aucun des scénarios que nous étudions ne prévoit une mise à l’abri des populations", explique Sébastien Crombez, "le risque est pris en compte dès le départ du projet, mais la propriété de la roche ne peut pas être mise en cause comme un facteur direct d’incendie".
La demande d'autorisation de création de Cigeo par l'Andra doit être déposée devant l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) cette année. Une mise en service avec l'arrivée des premiers colis de déchets de moyenne activité à vie longue est prévue pour 2035. Les déchets de haute activité à vie longue sont attendus pour 2080. L'Andra affirme que la réversibilité du stockage, c'est à dire la possibilité de retirer les colis, est garantie jusqu'en 2150.