Monique Fritz, un combat pour la sécurité routière, en mémoire de sa fille Laurence

En 2001, Laurence Fritz, 25 ans, meurt dans un accident de voiture. Sa famille crée une association de prévention, puis une autre, d'aide aux victimes de la route, et lutte pour faire évoluer les pratiques et les mentalités. Dix-huit ans plus tard, sa mère Monique raconte ce combat dans un livre.
 

"Il y a 18 ans, j'ai commencé à tout noter, notre vécu au jour le jour, et ma perception des choses", explique Monique Fritz. Dix-huit ans plus tard – l'âge de la maturité -  le temps est venu pour elle de publier ce journal de bord, dans lequel beaucoup d'autres familles endeuillées par un drame de la route peuvent se reconnaître. Dans la seconde partie de son livre, Monique raconte en détails le combat qu'elle mène depuis avec son mari et son fils, à la recherche de vérités tous azimuts, dans le domaine de la sécurité routière. Afin d'éviter à d'autres le drame qu'ils ont vécu, le drame de vies "broyées dans l'indifférence générale".
 


En 2001, une nuit de novembre, Laurence Fritz perd sa jeune vie sur une route du Bas-Rhin. Dès les premières heures suivant le drame, sa mère Monique commence à tout noter. Le choc, face à l'inacceptable. La souffrance, indicible. Mais aussi l'absence d'empathie et de professionnalisme des forces de l'ordre lors de l'annonce du décès. Le piteux état de la morgue où ils vont voir leur fille, sous une maison de retraite. La maladresse puis le silence des proches. La révolte, les questionnements. Une mise par écrit pour "poser, extérioriser la violence subie."
 


18 ans plus tard, il est temps pour elle de partager cette expérience par le biais d'un livre. "Le temps d'y réfléchir, et d'en faire quelque chose pour les autres". Même si elle n'a pas attendu tout ce temps pour transformer son deuil en courage, et son désespoir en force de lutte, au profit d'autrui.


Depuis 18 ans, un combat pour la vérité et pour les autres


Car très vite, à peine quelques semaines après la mort de Laurence, les questions surgissent : pourquoi des arbres plantés aussi près de la route où Laurence a péri ? Pourquoi n'y a-t-il pas de glissière de sécurité ? Quelles mesures concrètes sont prises pour améliorer la sécurité routière ? Pourquoi l'Education nationale offre-t-elle seulement trois jours de congés pour la perte d'un enfant ? Quelle est la place du deuil dans la société ? Après un tel drame, "le regard sur la société change du tout au tout, explique Monique Fritz, et on commence à se demander qui ment."

Elle reprend donc la plume, en quête de vraies réponses. Ecrit d'innombrables lettres et mails aux hommes politiques, à l'Education nationale, à l'administration. Insiste, téléphone, recommence, tant qu'elle se heurte à des silences ou de la langue de bois. Dix-huit ans plus tard, bon nombre de ses questionnements restent ouverts : "J'attends toujours la réponse de l'Education nationale concernant le nombre d'heures obligatoires d'enseignement de la sécurité routière dans les collèges et les lycées", confie-t-elle. Le best of de ces courriers et de leurs (non-) réponses figure dans la deuxième partie du livre.  


Deux associations : pour la prévention, et l'aide aux victimes


A peine quelques mois après l'accident, Monique, son mari Nicolas et leur fils Thomas créent aussi l'association Laurence Fritz, destinée à faire de la prévention routière. Durant plusieurs années, ils éditent le "Journal de Laurence", un outil  d'information et de réflexion dans lequel ils publient en vrac des données recueillies et des analyses très fouillées sur les zones de sécurité, les articles de loi sur la sécurisation des routes, ou les comportements des usagers.  
 


Mais rapidement, ils comprennent que plusieurs associations font de la prévention, alors que personne ne s'occupe des victimes blessées et de leurs familles. D'où la création, dès 2004, de l'association, AIVAR (Association d'Aide aux Victimes des Accidents de la route). Totalement indépendante, elle propose des aides juridiques, mais aussi un soutien psychologique, dont un groupe de parole où les personnes peuvent partager leurs préoccupations et leur souffrance.


Un groupe de parole pour les familles de victimes


Depuis sa création, l'AIVAR a pu apporter son soutien à plusieurs centaines de personnes. Certains parents de jeunes tués sur la route participent depuis des années au groupe de parole, qui se retrouve régulièrement dans les locaux de l'établissement scolaire La Providence à Strasbourg, où Monique Fritz était enseignante durant 36 ans. "C'est la solidarité de tout un groupe qui t'aide à remonter la pente, explique l'un des participants. Même si pour moi, la mort de ma fille, c'est comme si c'était hier. Je ne la surmonterai pas."
 
 

Des actions de prévention et de réels changements


Les participants qui le souhaitent peuvent aussi s'initier à l'art-thérapie, dessin, écriture ou musique. "Ça fait du bien, ça apaise" précise Charles Dudenhoeffer, vice-président de l'AIVAR. "Une personne extérieure ne peut pas ressentir ce qui se passe en nous, après les épreuves traversées. Mais l'art est pour ainsi dire un refuge, et un mode d'expression qui peut nous aider."
 


En outre, l'AIVAR poursuit son travail de prévention, en préférant les actions symboliques et les messages positifs aux images chocs qui peuvent rebuter. Parmi les manifestations organisées par l'association : des chaises vides disposées place Kléber à Strasbourg, une par personne victime d'un accident de la route dans le Bas-Rhin sur une année. "Parfois il y en a 40, parfois 60, explique Monique Fritz. Les passants en voient donc le nombre en un coup d'œil." D'ordinaire, dans les rubriques "faits divers" des journaux, il est fait mention d' "un tué" ou d' "un blessé grave". "Mais si on les additionne, ça en fait beaucoup. Et leur chaise restera toujours vide, une vie entière."

En vue des prochaines élections municipales, l'association prévoit aussi d'interpeler les candidats sur les actions envisagées en matière de prévention routière. L'idée est de leur soumettre l'exemple d'Oslo, capitale de la Norvège qui, grâce à une politique volontariste, a presque réussi à atteindre son objectif de 0 tués sur les routes. Ce regard par-delà les frontières alsacienne est essentiel pour l'AIVAR. A force de persévérance, l'association a réussi à faire changer une loi au niveau national. Elle s'inquiète aussi des 1,2 millions de personnes tuées sur les routes à l'échelle mondiale. "Et nous avons réussi à faire instaurer une zone de circulation à 30 kilomètres à l'heure au Burkina Faso", se réjouit Thomas Fritz, le frère de Laurence.  
 


L'ensemble des actions déjà menées, et des courriers déjà envoyés par Monique Fritz pourrait bien lui servir de base à un second livre. Pour l'instant, elle vient de présenter le premier à la librairie Kléber à Strasbourg, afin de faire connaître ce combat le plus largement possible. "Et ça va continuer tant que je vivrai", promet-elle.
 
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