Des équipes en grande souffrance et des hôpitaux saturés. Les services d’urgence mosellans de Thionville, Sarreguemines et Saint-Avold sont touchés par une cascade d'arrêts maladie. Des préavis de grève menacent également Metz et Forbach. Le plan blanc est déclenché dans la majorité des hôpitaux de Moselle.
Des services d’urgences débordés, un manque de personnels de santé récurrent et des professionnels surmenés. Dans plusieurs hôpitaux en Moselle, le plan blanc est déclenché et les soignants sont placés en arrêt maladie pour épuisement physique et psychologique. Comme partout en France, les services d’urgence des hôpitaux du département sont à bout de souffle et protestent contre leurs conditions de travail.
38 des 51 aides-soignants et infirmiers des urgences de Sarreguemines en arrêt maladie
À l’hôpital Robert-Pax de Sarreguemines (Moselle), les congés maladie pleuvent depuis 24 heures. L’écrasante majorité des personnels de santé du service des urgences, qui “souffrent de syndrome anxio-dépressif”, sont en arrêt pour protester contre leurs conditions de travail, 23 infirmiers sur 33, 15 aides-soignants sur 18 et un médecin. Le plan blanc est déclenché depuis le mercredi 4 janvier.
Tous les jours, on laisse des personnes sur des brancards pendant des dizaines d’heures, parfois jusqu’à 96 heures
Emmanuelle Seris, cheffe du service des urgences de Sarreguemines et secrétaire générale de la section syndicale d’AMBU
Une situation intenable pour de nombreux professionnels. “Il n’y a toujours pas assez de lits dans les hôpitaux et de médecins généralistes, tout le monde se retrouve dans les services d’urgence qui sont saturés. Tous les jours, on laisse des personnes sur des brancards pendant des dizaines d’heures, parfois jusqu’à 96 heures”, déplore Emmanuelle Seris, la cheffe du service des urgences de Sarreguemines et secrétaire générale de la section syndicale d’AMBU (Association des Médecins Bienveillants des Urgences).
Le service des urgences de Thionville toujours fermé
Même constat à l’hôpital Bel-Air de Thionville (Moselle) où la quasi-totalité des infirmiers et aides-soignants des urgences de l'hôpital ont été placés en congé maladie. Selon les syndicats, depuis le 30 décembre 2022, 55 des 59 employés du service des urgences sont en congé maladie. Le plan blanc a été déclenché sur le CHR Metz-Thionville et le service des urgences de Thionville est fermé.
La majorité du personnel ne souhaite pas reprendre le travail dans ces conditions
Éric Schneider, infirmier anesthésiste et représentant Sud-Santé au CHR Metz-Thionville
Le recrutement 6 aides-soignants et 6 infirmiers supplémentaires, annoncé mardi 3 janvier 2023 par la direction du CHR de Metz-Thionville, ne convainc pas. “Le personnel est sceptique face à cet effet d’annonce, les conditions sont floues et les postes ne seront pas pérennes, dès que la crise sera passée, ces postes disparaîtront. La majorité du personnel ne souhaite pas reprendre le travail dans ces conditions. On ne sait toujours pas si le service va rouvrir normalement la semaine prochaine, ça ne sera surement pas le cas”, explique Éric Schneider, infirmier anesthésiste et représentant Sud-Santé au CHR Metz-Thionville.
À Metz, l’hôpital de Mercy qui récupère les patients de Thionville débordé
Dans la région messine, les urgences de l’hôpital de Mercy sont complètement débordées par l’afflux de patients. L’établissement de santé qui fait lui aussi partie du centre hospitalier régional de Metz-Thionville récupère, par ruissellement, les patients de l'agglomération de Thionville, où le service d’urgences est fermé. Déjà saturées, les urgences risquent “l’implosion".
Leur activité a explosé car ils récupèrent tous les patients des environs de Thionville, ça risque de craquer
Éric Schneider, infirmier anesthésiste et représentant Sud-Santé au CHR Metz-Thionville
La situation inquiète de plus en plus les personnels soignants. “L’hôpital de Mercy commence à être en tension, leur activité a explosé car ils récupèrent tous les patients des environs de Thionville, ça risque de craquer. La seule chose qu’on demande, c’est avoir des lits en aval, mais ça n’est pas le cas. Les médecins urgentistes de Mercy n’en peuvent plus et nous ont demandé de poser un préavis de grève local”, souligne le représentant Sud-Santé au CHR Metz-Thionville, Éric Schneider.
Une partie du personnel en arrêt maladie à Saint-Avold
Toujours en Moselle, les urgences de Forbach et de Saint-Avold, en grève, s'enfoncent dans la crise et déclenchent leur plan blanc le jeudi 6 janvier. Des activités sont déprogrammées pour libérer des lits. Comme ailleurs, les professionnels de santé dénoncent l'inaction du gouvernement et des conditions de travail toujours plus difficiles. À Saint-Avold, une partie du personnel est aussi en arrêt maladie.
Je n'ai jamais vu autant de personnes aux urgences, les locaux ne sont pas adaptés au flux, il n'y a pas assez de lits
Éric Beyn, infirmier aux urgences de l'hôpital de Saint-Avold depuis 23 ans
Cet infirmier travaille aux urgences de Saint-Avold depuis 23 ans. C'est la première fois de sa carrière qu'Éric Beyn est confronté à une situation aussi critique. "C'est quelque chose de complètement inédit, je n'ai jamais vu autant de personnes aux urgences, les locaux ne sont pas adaptés au flux, il n'y a pas assez de lits", insiste l'infirmier, en arrêt maladie.
Appel à la grève illimitée au niveau national dès le 10 janvier
Pour les syndicats, il s’agit d’une nouvelle preuve accablante de la crise des hôpitaux en France. Au niveau national, ils appellent à la grève illimitée à partir du 10 janvier. “C’est pareil partout en France, le système de santé en France est complètement dépassé. On n’a aucune perspective, le terrain n’est pas entendu par le gouvernement. Il n’y a pas assez de médecins et de personnels de santé, c’est le résultat des politiques d’austérité menées ces 15 dernières années”, affirme Emmanuelle Seris, secrétaire générale de la section syndicale d’AMBU.
De son côté, François Braun, ministre de la Santé et ancien chef du service des urgences du CHR Metz-Thionville, a promis des annonces sur la refondation du système de santé, en ville comme à l'hôpital, dès janvier.