Louis Ladurelle, né en 1890 à Ranguevaux en Moselle, a connu les deux guerres mondiales puis le bagne de Cayenne où il fût le bourreau officiel. Un livre retrace l'incroyable destin du "Grand méchant Louis".
C'est le récit d'une vie où les faits réels côtoient la légende, avec un vrai "méchant". Il est écrit à quatre mains, celles de Sébastien Bonetti, journaliste au Républicain Lorrain et d'Ernest Varnier, historien amateur (au sens noble du terme) et fondateur de l’association "Patrimoine et mémoires".
"Si tu n'es pas sage, je te donnerai à Ladurelle, le coupeur de tête"
Jeune, Ernest Varnier entend les vieilles personnes de Ranguevaux (Moselle) parler avec crainte d'un certain Louis Ladurelle. Cet ancien habitant du village avait même une réputation de croquemitaine dont on menaçait les enfants pas sages : "j'ai appris que c'était quelqu'un qui avait été au bagne, qui était bourreau. Lorsqu'un gamin était dissipé ou qu'il faisait des conneries, on lui disait : Ouh là là, toi, je te donne à Ladurelle, le coupeur de tête !"
Il n'en fallut pas plus pour décider Ernest Varnier à se lancer dans une véritable enquête. Pendant dix ans, l'amoureux du patrimoine local va écumer les archives civiles et militaires afin de retracer la vie agitée et peu banale de ce mosellan né en 1890 à Ranguevaux. Une histoire qui épouse les soubresauts de la Grande : l'annexion de la Moselle, les deux guerres mondiales, l'Occupation, enfin le crime, le bagne et la fonction d'exécuteur des hautes-oeuvres de Justice, autrement dit : bourreau à Cayenne.
Un miraculé !
Né en Moselle annexée, dans une famille pauvre, il traverse la frontière par les bois pour ne pas porter l'uniforme allemand. Incorporé dans l'armée française, il combat au Chemin des Dames où son régiment est décimé puis à Verdun où son régiment est massacré. Il déserte et échappe au peloton d'exécution. Pendant l'Occupation, il participe aussi à la Résistance armée dans le maquis, "un miraculé !" s'écrit son petit-neveu qui vit en Gironde.
Son parcours dans la vie civile témoigne aussi d'une instabilité permanente avec beaucoup de zones d'ombre, il fera de la prison plusieurs fois.
Les rumeurs sont assassines autant que son crime
Ernest Varnier, co-auteur du livre "Le Grand méchant Louis"
Avec "Le grand méchant Louis", Sébastien Bonetti et Ernest Varnier ne visent pas la réhabilitation du personnage mais veulent "remettre l'église au milieu du village". Etablir les faits et rendre à Louis Ladurelle son vrai visage, débarrassé des rumeurs et des contre-vérités : "Les rumeurs sont assassines autant que son crime".
Car Ladurelle a tué sa compagne. Ouvrier à l'usine chez De Wendel, il sort de l'hôpital après une blessure et surprend la dame en galante compagnie avec des clients dans un café de Knutange. Il l'égorge avec son rasoir. Condamné à la perpétuité, il est envoyé au bagne de Cayenne. Ernest Varnier apporte cette précision : " Il a écouté le verdict au garde-à-vous". Un impulsif respectueux des Autorités...
Au bagne, il accepte la place de bourreau devenue vacante. Fonction risquée car le bourreau était aussi condamné à mort... par les autres détenus, lesquels n'hésitaient pas à l'occire à la première occasion. Louis Ladurelle va manoeuvrer la "bascule à charlot" jusqu'à la fermeture du bagne votée en 1938 et effective en 1946 puis son rapatriement en métropole.
L'homme revient en Lorraine et comme tout se sait, il traîne une solide réputation de coupeur de têtes. Il n'est pas question de retourner à Ranguevaux, son village natal, ce que Ernest Varnier déplore : "ce que je regrette, c’est que ce type là ait été rejeté par le village lorsqu’il est sorti du bagne, c’est ça qui me rend triste."
Louis Ladurelle, "le monstre", l' épouvantail pour les enfants pas sages a fini sa vie seul. Il meurt à Villerupt en 1966.
"Le Grand Méchant Louis" de Sébastien Bonetti avec la collaboration d'Ernest Varnier est édité chez L'Harmattan.