La fermeture du puits de la Houve à Creutzwald (Moselle) le 23 avril 2004 signe la fin de l’exploitation du charbon en France. Dix ans auparavant, un pacte charbonnier avait acté la fermeture de toutes les mines de l’Hexagone. Retour sur la fin d'une épopée industrielle et humaine.
Appelés à la bataille du charbon pour relever la France de l’après-guerre, les mineurs voient leur aura peu à peu se ternir dans les décennies suivantes. En 1982, le gouvernement de gauche décide de fermer les puits, sans fixer de calendrier précis. Les grèves et les mobilisations se succèdent jusqu’en 1987. En Lorraine, les premiers signes annonciateurs d’une baisse drastique de l’activité apparaissent en 1984, avec l’arrêt de l’embauche des mousses sortis des centres d’apprentissage.
Nous avons signé le pacte parce que nous savions que nous ne pourrions obtenir mieux sans qu’il y ait mort d’homme.
François DossoAncien président du syndicat des mineurs CFDT de Moselle
La CFDT dégaine en premier en septembre 1987. Le combat sera rude. En Angleterre, leurs homologues ont mené une lutte d’un an, de mars 1984 à mars 1985, en vain. Le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher ne cède rien : vingt puits sont fermés. Les mineurs belges vendent des autocollants de soutien prophétiques : "le combat des mineurs anglais d’aujourd’hui peut être votre combat de demain".
Actions de guérilla
Pendant six ans, la CFDT mène dans le bassin houiller lorrain ce qu’elle considère comme "des actions de guérilla", selon François Dosso, alors président du syndicat CFDT Mineurs : grèves surprises en début de poste, blocage des puits, "sensibilisation" des élus politiques locaux. Le 24 novembre 1993, c’est l’intersyndicale qui appelle à manifester à Illange et à Metz. Tout commence au péage de Saint-Avold : une voiture de police est renversée. Au port d’Illange, les mineurs mettent le feu à des stocks de charbon d’importation : "le charbon de la honte et de la misère" raconte un ancien mineur qui se trouvait sur place.
Les mineurs, plusieurs centaines, décident ensuite de converger vers Metz, direction l’hôtel de région et la préfecture de la Moselle qui se trouve à deux pas. L’affrontement est très violent : 300 mineurs armés de manche de pioche s’opposent à des policiers dépassés, seulement armés de matraques et de boucliers. Une quarantaine de fonctionnaires sont blessés. Les manifestants tentent d’incendier l’hôtel de région. Pendant plusieurs heures, la situation est indécise. Sous l’œil des caméras, la Lorraine assiste à un déchaînement brutal, que la région n’avait plus connu depuis les événements de Longwy en 1979 et 1984.
Le pacte charbonnier
Le gouvernement de droite a entamé des négociations avec les organisations syndicales depuis plusieurs mois. D’autres actions se poursuivent jusqu’au 14 décembre 1993. Gérard Longuet, alors ministre de l’Industrie et président de la région Lorraine, annonce la nomination d’un médiateur. La CFDT suspend le mouvement. Les négociations aboutissent le 20 octobre 1994. Les syndicats, à l’exception de la CGT, signent le pacte charbonnier qui permet à la majorité des mineurs de partir à la retraite dès 45 ans, s’ils ont 25 ans d’ancienneté, en percevant 80 % de leur salaire : "nous avons signé le pacte parce que nous savions que nous ne pourrions obtenir mieux sans qu’il y ait mort d’homme" raconte aujourd’hui François Dosso.
Des armes
Dans la foulée des événements du 24 novembre 1993, la Préfecture de la Moselle a reçu… des armes. Pour permettre aux fonctionnaires de se défendre en cas de nouvel assaut des mineurs. Une armoire forte a été installée pour les stocker. Elle n’a jamais servi, ni même été ouverte : dix ans après, les clés restent introuvables !