Pénurie d'énergie : la centrale à charbon de Saint-Avold va redémarrer

Six mois après son arrêt, la centrale thermique Emile Huchet de Saint Avold en Moselle s’apprête à relancer sa tranche à charbon début octobre 2022, certainement le lundi 3. Propriété du groupe privé Gazelenergie, elle répond à la demande du gouvernement d’augmenter la production d’électricité en France. Quoi qu’il en coûte ?

L’hexagone doit faire face à une crise énergétique complexe. D’abord, une partie du parc nucléaire est à l’arrêt, pour respecter les calendriers de maintenance ou en raison de problèmes de corrosion sur les circuits de refroidissement. D’autre part, l’approvisionnement en gaz russe est en forte baisse, et il oblige l’État à diversifier ses sources en urgence.

Et même à faire feu de tout bois : le redémarrage de la tranche à charbon de la centrale Emile Huchet en Moselle a été annoncé le 26 juin dernier par le ministère de la Transition Ecologique. La date de reprise opérationnelle a été fixée au 1er octobre par l’industriel qui possède la centrale, Gazelenergie, mais selon nos sources, c’est plutôt le lundi 3 octobre que la centrale pourra de nouveau produire de l’électricité avec du charbon.

Officiellement, on nous dit qu’on ne tournera que jusqu’au 31 mars 2023, mais si on doit continuer un hiver de plus, nous aurons besoin de compétences supplémentaires

Jean-Pierre Damm

Délégué syndical FO Gazelenergie

Pour permettre le retour de la production d’électricité, la centrale devra importer du charbon… qui ne viendra plus de Russie, même s’il en reste un stock de 20.000 tonnes sur place selon Jean-Michel Mazalerat, le président de Gazelenergie, cité par nos confrères du Républicain Lorrain. La tranche consomme entre 5000 et 6000 tonnes de charbon par jour, qui viendront également de Colombie, d’Australie et du Kazakhstan.

D’une puissance de 600 MW (Megawatt) Emile Huchet représentait, à son arrêt en mars 2022, moins de 1% de la production française d’électricité. La tranche à charbon couvre un tiers de la consommation des ménages du Grand Est selon Jean-Michel Mazalerat, cité par nos confrères.

Avec le retour des retraités

Des primes conséquentes, de l’ordre de 4000 à 5000 euros par mois en plus de leur salaire, ont été promises aux salariés qui accepteraient de revenir travailler dans la centrale. Ces primes hors-normes ont été obtenues car le groupe Gazelenergie devrait selon nos sources gagner 150 millions d’euros avec ce redémarrage.

Selon Force Ouvrière, syndicat majoritaire sur le site, 68 salariés sont présents actuellement pour travailler au redémarrage. Ils étaient 87 au 31 mars 2022. Jean-Pierre Damm, délégué syndical et élu au CSE de Gazelenergie, estime que l’entreprise devrait d’ores et déjà former des salariés dans la perspective de l’hiver 2023 : "officiellement, on nous dit qu’on ne tournera que jusqu’au 31 mars 2023, mais si on doit continuer un hiver de plus, nous aurons besoin de compétences supplémentaires. La cinquantaine de salariés qui a accepté de revenir a entre 55 et 60 ans, ils ne souhaiteront pas tous prolonger".

Le chantier de remise en marche des installations aurait déjà coûté dix millions d’euros. Jean-Pierre Damm (FO) est confiant : "même si on estime que l’arrêt ne s’est pas fait dans les meilleures conditions, le travail de maintenance, aidé par des entreprises sous-traitantes, se déroule correctement". Il confirme que la mise sous tension n’a pas encore été testée à ce jour : "il pourra y avoir des problèmes au redémarrage, comme on en connait souvent, surtout après un arrêt de six mois, il n’est pas certain que nous atteignons une pleine puissance dès la première semaine".

Le contre-exemple allemand

Redémarrer un outil arrêté, même pendant quelques mois, constitue un défi industriel. Pour preuve, l’Allemagne voisine a toutes les peines du monde à relancer ses centrales au charbon. Davantage impacté encore par la pénurie de gaz russe, le pays a entrepris de remettre en fonctionnement 27 centrales à charbon selon France 24, mais une seule aurait effectivement redémarré : par manque de personnel principalement, mais aussi en raison de la vétusté d’installations qui ne sont plus entretenues et se dégradent très vite.

Le gouvernement dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz estime pouvoir rendre compatible ce redémarrage avec la sortie du charbon, qui reste fixée à 2030 outre-Rhin. En dehors de la centrale Emile Huchet, la France possède une autre centrale en Loire-Atlantique, à Cordemais.

L’esprit du redémarrage de Saint-Avold se veut lui aussi temporaire, et pourrait ne pas aller au-delà de cet hiver selon le gouvernement français. Ce qui fait bondir la présidente du groupe Les Ecologistes à la Région Grand Est, Eliane Romani, que nous avons joint par téléphone : "cette solution est un pis-aller qui illustre parfaitement le manque d’anticipation et d’ambition du gouvernement en matière de politique énergétique. Nous avons davantage besoin d’un plan de sobriété, et de développement massif des énergies renouvelables : la France est le pays européen qui a le plus de retard en la matière".

La communication du groupe Gazelenergie n’a pas répondu à notre demande de précisions sur les conditions de redémarrage de la centrale de Saint Avold.

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