Après la gare et la Caisse primaire d'assurance maladie, c'est la trésorerie d'Ars-sur-Moselle qui s'apprêterait à fermer ses portes. L'occasion pour les maires de communes mosellanes concernées par la désertion des services publics de protester contre ce processus dit "inéluctable".
Saisissant l'opportunité donnée par l'annonce de la possible suppression des trésoreries de proximité, plusieurs maires de communes mosellanes se sont unis d'une même voix mercredi 12 juillet 2017 pour s'insurger contre la désertion des services publics dans les zones périphériques.
"La goutte qui fait déborder le vase"
La politique de rigueur poursuite par le gouvernement d'Edouard Philippe oblige le ministère de l'Action et des Comptes Publics à effectuer certains ajustements au sein des communes.
La Direction générale des finances publiques (DGFiP) a pris la décision de lancer des concertations visant la fermeture de trésoreries dans plusieurs communes (Ars-sur-Moselle, Moyeuvre-Grande, Gandrange, ...) et de transférer la gestion comptable et financière à d'autres Centres des Finances Publiques, notamment ceux de Maizières-lès-Metz et de Montigny-lès-Metz.
En plus des économies budgétaires réalisées, la DGFiP justifie cette mesure en affirmant qu'elle autoriserait
La plus grand prise en compte par le comptable des préoccupations des élus, une plus grande capacité à mieux y répondre, ainsi que le renforcement de sa fonction de conseil.
Pour les maires des communes interessées c'est la goutte qui fait déborder le vase. Unis, ils entrent en "résistance".
La colère des maires de communes touchées par cette mesure
Mercredi 12 juillet 2017, plusieurs maires de communes concernées par la possible suppression de trésoreries de proximité se sont regroupés pour exprimer leur colère.
Selon eux, c'est une "politique à courte vue" : sur une brève période, des économies seront réalisées mais des charges nouvelles pèseront sur les communes. Tour-à-tour, les maires énumèrent les critiques :
- Les personnes âgées et les précaires vont être les plus touchés par la suppression de la trésorerie de proximité. Le maire de Moyeuvre-Grande, René Drouin, explique : "cette décision aggrave la fracture sociale : les plus pauvres n'ont pas internet, pas de moyens de se déplacer, pas de chéquiers".
- La dimension humaine du service public est mise de côté : Frédéric Levée, maire de Gorze, assure que les régisseurs de la trésorerie connaissent non seulement le territoire mais aussi les habitants de la commune, qu'ils côtoient quotidiennement. Cette proximité permet d'assurer un meilleur service.
- Le maire d'Ars-sur-Moselle, Bruno Valdevit rappelle de manière caustique les préoccupations environnementales du Président de la République et affirme que cette mesure est anti-écologique : "on oblige des populations à se déplacer vers les centres villes en voiture parce que les transports publics ne déservent pas assez bien ces communes".
- Il y a un "effet boule de neige" : la suppression des services publics a un impact sur l'attractivité de la ville, à la fois pour les habitants mais aussi pour les commerçants. A Ars-sur-Moselle, la gare est définitivement fermée depuis le 17 décembre 2016, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie est devenue une permanence en février 2017, le Leader Price de la rue Foch a plié boutique et la Poste est menacée de devenir une agence postale. Voyant la vie sociale de leur commune se réduire, les maires craignent finalement de les voir devenir des "cités-dortoirs".
Un problème plus large : la désertification des services publics
Si depuis les années 1980 on assistait à la décentralisation importante des services publics, la tendance actuelle est à la "re-centralisation" par nécessité économique. L'urbanisation, le développement des transports et la démocratisation de l'accès à internet favorisent une concentration des services publics dans l'épicentre urbain et la suppression de leurs antennes dans les zones périphériques.Pour le maire d'Ancy-sur-Moselle, Gilles Soulier, la centralisation des services publics est le résultat d'une erreur d'analyse. Il vaudrait mieux faire des communes comme Ars-sur-Moselle ou Moyeuvre des "bourgs relais" chargés d'assurer un lien entre la ville et la périphérie rurale.
Selon les élus présents, la désertion des services publics a pour conséquence l'abstentionnisme et le vote pour des partis extrémistes. Le maire de Gandrange explique "On éloigne le citoyen de la chose publique, donc de la République". A Ars-sur-Moselle, le taux d'abstention au second tour des élections législatives était de 71,05 %.
Pour conclure la conférence de presse, le maire de Moyeuvre rappelle la formule du président de la Communauté des Communes du Pays Orne Moselle, Lionel Fournier :
Les territoires en déshérence créent des citoyens en désespérance.
Plusieurs maires n'entendent déjà pas respecter la décision de la Direction générale des finances publiques. Ils vont interpeller les députés du département mais aussi les citoyens de leurs communes.
Le directeur de la Direction départementale des finances publiques de la Moselle, Hugues Bied-Charreton, nous a demandé un droit de réponse :