L'étude de l'INSEE Grand Est de décembre 2019 montre que le Pôle Métropolitain Frontalier du Nord Lorrain, créé début 2019 autour de huit intercommunalités, vit une situation contrastée sur le plan de son économie et de son marché du travail en raison de la présence du Luxembourg.
A première vue, l’emploi frontalier est une bouffée d’oxygène indispensable au marché du travail lorrain. En fournissant un salaire à plus de 100 000 actifs, le Luxembourg viendrait au secours des secteurs sinistrés par l’arrêt des mines de fer et le déclin de la sidérurgie, notamment dans le nord de la région et plus particulièrement dans le Pôle Métropolitain Frontalier du Nord Lorrain. Dans les faits, l’étude récente de l’INSEE Analyses de décembre 2019 montre une situation contrastée.
L’emploi présentiel pas à la hauteur
Selon les économistes, l’emploi peut être distingué en deux catégories, présentiel ou productif : "les activités présentielles ont pour objet la satisfaction des besoins des personnes présentes dans le territoire, les habitants comme les touristes. Les activités non présentielles, aussi appelées productives, sont celles qui produisent des biens majoritairement consommés en dehors du territoire ainsi que des services dédiés à ces entreprises de production".Ce que montre l'étude de l’INSEE, c’est à la fois que l’emploi présentiel dans le Nord de la Lorraine, même s’il est en augmentation, ne suffit pas à satisfaire les besoins locaux, tirés par les salaires des frontaliers, mais aussi que le Luxembourg capte une bonne partie de ces emplois pour son propre marché du travail : "pour 100 habitants, le Nord Lorrain ne compte que 17 emplois présentiels, contre 24 dans le Grand Est".
Mono industrie
Même si l’industrie ne fournit plus la majorité des emplois dans le Nord Lorrain comme en 1975, elle emploie toujours 18% des actifs. Aujourd’hui, elle se concentre principalement dans plusieurs gros établissements de plus de 1000 salariés, ce qui "contribue ainsi fortement à la spécialisation des territoires dans des activités productives" comme la production d’acier ou d’électricité, et l’automobile. Mais "cette forte spécialisation industrielle ne profite cependant pas aux activités complémentaires à l’industrie. Ainsi, le contrôle et les analyses techniques, le commerce de gros, les transports, l’entreposage et la logistique, y sont moins présents que dans le Grand Est. L’écosystème des activités est en effet peu favorable à l’installation d’activités complémentaires à l’industrie, car les entreprises en place ont spécialisé leurs établissements dans la production, avec en corollaire moins de fonctions de direction, de R&D et de fonctions commerciales".Là aussi, le Luxembourg fait figure d’épouvantail en captant la plupart des potentiels locaux, et à plus forte raison dans ce qui fait la spécificité de son économie, la banque et la finance.
Le Luxembourg amplificateur des secteurs en difficultés
C’est la thèse de l’étude, qui conclut ainsi : "la proximité du Luxembourg pourrait avoir un effet amplificateur sur les évolutions d’emploi de secteurs très en difficulté, notamment dans le commerce, les transports et la construction spécialisée. Plus gros pourvoyeur d’emplois, le commerce de détail a une évolution atone dans le Nord Lorrain, en léger décrochage par rapport à l’évolution de la France de province".Après avoir fustigé la mono industrie du fer et de l’acier, et ses conséquences lors du déclin de ces deux secteurs à partir de la fin des années 70, la Lorraine du Nord retrouve paradoxalement avec le Luxembourg une économie assez proche, de type coloniale, avec des travailleurs qui vont chercher leur emploi ailleurs, et des industries portées par la production de matières brutes peu ou pas transformées sur place, ce qui réduit encore un peu plus la création d’emploi.