Olwisheim : du schnaps pour valoriser les fruits et préserver les vergers

L'association des producteurs de fruits d'Olwisheim (Bas-Rhin) propose à ses membres de distiller leurs fruits pour les valoriser. Grâce au savoir-faire du "loueur d'alambic", le schnaps produit est de qualité, et les distillateurs amateurs nombreux à en profiter.
 

Préserver les vergers qui entourent les communes. Telle est la finalité de l'association des Arboriculteurs et producteurs de fruits d'Olwisheim et environs, qui met à la disposition de ses membres un pressoir à jus, un pressoir à huile de noix et, depuis 18 ans, un alambic. Pour aider les bouilleurs de cru amateurs à s'en servir, Hubert Pierson, l'un des membres de l'association, s'est formé à la distillation par le biais de nombreux stages. Depuis, cet "amateur averti" propose des stages, déplace parfois son alambic (qui est mobile) jusque chez des clients plus éloignés. Et, surtout, accueille la plupart d'entre eux directement dans sa petite distillerie, installée à côté de sa maison.


"Quand ça sent bon, je viens faire un coucou"



A Olwisheim, c'est devenu une habitude. Près de soixante jours par an, des effluves parfumés s'échappent de la cour de Hubert Pierson. Une chaude odeur de fruits fermentés et des vapeurs d'alcool viennent chatouiller les narines des passants. Ces jours-là, certains n'hésitent d'ailleurs pas à pousser la porte du petit hangar orné du panneau "S'Olsner Brannhiesel" (la distillerie d'Olwisheim). "Hubert est connu dans le village, et quand ça sent bon, je viens lui faire un coucou" avoue l'un de ses voisins. Pour le simple plaisir de pouvoir mettre un doigt sous le filet transparent qui coule de l'alambic, et de le lécher.  

Mais pas question de s'éterniser, car les jours de distillation, Hubert ne chôme pas. Son rôle est de seconder et conseiller les bouilleurs de cru amateurs venus pour distiller leurs propres fruits. Et l'alambic est rechargé une demi-douzaine de fois dans une même journée. En effet, ce "Schnellbrenner" (alambic rapide, à une passe) permet d'accélérer la cadence. Un alambic ordinaire nécessite deux passes : la première sert à produire du flegme, un liquide très fruité mais peu alcoolisé, et la seconde transforme ce flegme en schnaps. Mais dans l'alambic d'Olwisheim, équipé d'un déflegmateur, tout se fait en un seul passage.


Un alambic à une passe



Cet alambic a été acheté il y a une vingtaine d'années par l'association des Arboriculteurs et producteurs de fruits d'Olwisheim et environs. Pour le faire fonctionner de façon optimale, Hubert Pierson, membre de l'association, a effectué plusieurs stages qui lui permettent désormais de transmettre son savoir à d'autres. Son premier objectif est "de faire de la qualité". Il se souvient de encore de l'eau de vie produite par son père, "toujours décevante… Mais après des années, j'ai compris pourquoi" sourit-il.


Les secrets de Hubert



Le secret d'un bon schnaps ? une bonne matière première. Que ce soit du marc (résidus de raisins restés dans le pressoir, et mis à fermenter dans un fût), des fruits fermentés (pommes, mirabelles…) ou des fruits ou plantes peu sucrés macérés dans de l'alcool, la qualité est indispensable. "Si la matière première est bonne, elle produit moins de méthanol que si elle est acide ou oxydée" précise Hubert.    

Autre secret : l'élimination des premiers décilitres, voire des premiers litres qui s'écoulent de l'alambic. En effet, cette "tête", trop alcoolisée, chargée en méthanol, n'a pas bon goût et peut altérer l'ensemble de la production. Or, se souvient Hubert, "les anciens en jetaient à peine un gobelet" c'est-à-dire bien trop peu. Pour lui, pas d'hésitation. "A la rigueur, la "tête" peut servir à nettoyer des outils", ou se masser les genoux, mais rien d'autre.
 
 


Le "coeur" se situe entre la "tête" et la "queue"

Le bon schnaps, le produit noble, c'est le "cœur", qui s'écoule après la "tête". Son taux d'alcool de départ varie selon le type de fruits ou de macérat : vers 75% d'alcool pour la mirabelle, 65% pour du marc ou 62% pour de la pomme. Le taux en est régulièrement vérifié à l'aide d'un alcoomètre, et diminue au fur et à mesure. "Nous, on s'arrête vers 50%, précise Hubert Pierson. Le reste, la "queue", on peut soit le réutiliser (le reverser dans la cuve lors de la distillation suivante) ou le jeter. Mais nous, on coupe la tête, on prend le cœur et on coupe la queue."    
 


Entre le poêle à surveiller (il faut régulièrement remettre du bois), la cuve à charger en début de processus, puis à vider et nettoyer à chaque fin de cycle, le produit ("tête", "cœur" et "queue") à surveiller de près, et tout ceci une bonne demi-douzaine de fois, la journée de travail est intense. Mais ces temps de distillation offrent aussi de beaux moments de convivialité. Les "clients" qui viennent distiller apportent généralement le repas. Et tandis que la "tête" s'écoule lentement, ils trouvent le temps de se sustenter.
 

Ceux qui distillent apportent le repas


Une table est rapidement installée et dressée à côté de l'alambic, et les vivres déballés. Hubert, souvent invité, profite d'une grande variété de menus: "L'été, certains font des barbecues. La semaine dernière, on avait une choucroute. Sinon, c'est du baeckeoffe, des lasagnes… On a aussi un client qui apporte du gibier, car c'est un chasseur."
 
 


Tout est déclaré aux impôts

Une journée type commence tôt et finit tard, sans compter le nettoyage. Il arrive souvent que deux distillateurs se relaient, l'un de 7h à 13h, l'autre de 13h à 19h. Et pas question de lambiner et perdre de précieuses minutes. Car l'horaire exact – tout comme le volume et le type de fruits à distiller – est déclaré aux impôts, et les services des douanes peuvent faire des contrôles à tout moment. A l'issue de la distillation, il faut aussi remplir un formulaire avec précision, afin de permettre de calculer les taxes. En effet, sur les dix premiers litres d'alcool pur produits, l'Etat accorde 50% de rabais. Mais ensuite, il en coûte près de 18 euros (17,8659 très précisément) par litre.
 

Un engouement en hausse

Pourtant, le montant des taxes ne semble pas être un frein. Les journées de formation proposées par Hubert réunissent jusqu'à cent curieux, qui ne s'étaient jamais servis d'un alambic, ou se contentaient d'observer leurs parents ou grands-parents lorsqu'ils étaient jeunes. Et la qualité du schnaps qu'il contribue à produire attire une centaine de bouilleurs de cru amateurs qui viennent parfois de loin, région de Saverne ou vallée de la Bruche, pour distiller leurs fruits à Olwisheim.   


Le schnaps se bonifie durant six mois



Mais durant la distillation, pas question de se servir un petit verre. La seule tolérance est de lécher un doigt préalablement passé sous le filet de "cœur" qui s'écoule de l'alambic. En effet, le schnaps tout frais produit n'est pas encore au mieux de sa forme, et bien trop alcoolisé. Selon la méthode des anciens, il devra encore reposer six mois pour se bonifier, et de préférence dehors, pour subir les alternances de froid et de chaud. Et pour finir, il sera coupé d'un peu d'eau faiblement minéralisée et faiblement calcaire, afin d'abaisser son taux d'alcool à 45°.  
 
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