Monseigneur Ravel a publié vendredi 7 septembre une lettre pastorale dans laquelle il dénonce l’omerta qui entoure les affaires d’abus sexuels au sein de l’Église de France. « Une gangrène » qui n’épargne pas le diocèse de Strasbourg.
"Mieux vaut tard"! C’est le titre de la lettre pastorale rédigée par Monseigneur Ravel et adressée vendredi 7 septembre aux prêtres et fidèles du diocèse de Strasbourg. Une lettre dans laquelle le prélat sort du silence en abordant la question des abus sexuels au sein de l’Église. "Je renouvelle aux victimes ici ma demande de pardon" écrit-il, en appelant à "un renouveau profond non seulement du comportement sacerdotal de certains prêtres, ce qui va de soi, mais de l’attitude de toutes les communautés en face de ces catastrophes". Un renouveau auquel le pape François avait déjà appelé, le 20 août dernier, dans sa lettre au peuple de Dieu.
Transparence totale ?
Pour l’archevêque, il en va de l’avenir de l’Église. Assumer son passé, pour mieux rebondir. "Un voile immense se déchire brutalement, voile jeté sur les comportements atroces d’un nombre certain de prêtres. Jusque-là, un seul un coin de ce voile avait été pudiquement soulevé sur certains abus sexuels, sous-estimés quant à leur nombre et quant à leur portée. Aujourd’hui on ne parle plus en dizaines de victimes mais en milliers". Et dans le diocèse strasbourgeois? Dans une interview accordée à France 3 Alsace, Monseigneur Ravel évoque une trentaine de cas de prêtres impliqués dans des affaires d’abus sexuels. Tout en précisant que le nombre de victimes reste difficile à évaluer. "Certains procédés de ces prêtres ont a priori fait plus qu’une victime". Selon l’archevêque les affaires les plus anciennes remonteraient à 1948. Elles sont pour la plupart prescrites, malgré tout certaines pourraient être prochainement portées devant la justice. D’autres pourraient encore s’inscrire au présent. "Je ne suis pas sûr que ces types de procédés et de crimes n’existent pas encore" confie-t-il, tout en ajoutant "nous devons nous demander ce qui s’est passé et où en sommes-nous".
Un examen de conscience collectif et personnel aussi, Luc Ravel évoquant sa propre naïveté. "La naïveté de celui qui a été élevé pendant 28 ans dans une abbaye au fond de l’Ardèche, qui savait qu’il y avait des scandales dans l’Église mais qui ne pensait pas à une telle ampleur. Aujourd'hui depuis 4/5 ans, les médias, les révélations successives (…) ont montré que c’est un mal beaucoup plus large que prévu".
Pour aboutir à quoi ? L’Église semble encore chercher ses réponses. Au-delà d’un renouveau, le prélat voudrait trouver ses solutions qui aboutissent à la création d’une charte de bonne conduite "comprise et à laquelle tout le monde adhère". Concernant les interrogations de fond portées au sein même des paroisses, notamment celle concernant le célibat des prêtres, Monseigneur Ravel refuse d’y voir un quelconque lien avec les actes de pédophilie. "Ce n’est pas tant le célibat que la solitude qui est aujourd'hui le vrai problème des prêtres" affirme-t-il.
De son côté, La Parole Libérée, une association d'aide aux anciens du groupe scout saint luc victimes de pédophilie, regrette "une réaction tardive" mais qui reste, selon elle, "une bonne chose". "Le clergé français commence à prendre conscience de tout ça, à s'en inquiéter un peu. Pour lui, la conséquence directe c'est la perte de fidèles, c'est la perte de l'influence catholique." réagit François Devaux, son président.
Reste effectivement pour le diocèse de Strasbourg, à enrayer la vague de débaptisations qui le secoue. Il y a quelques jours, Bernard Xibaut chancelier du diocèse de Strasbourg évoquait avoir reçu plusieurs lettres de fidèles qui "qui avaient déjà apostasié dans leur cœur" écœurés par les récents propos du pape sur l’homosexualité mais aussi par les affaires de pédophilie.
Retrouvez l'intégralité de l'interview de Monseigneur Ravel.