PORTRAIT - Ardennes : Madeleine, 100 ans, sa robe de mariée confectionnée dans le parachute d'un soldat en 1944

A quelques jours de sa centième année, l'Ardennaise Madeleine Raveaux, une ancienne résistante de la guerre 39-45, se souvient avec émotion de ses missions d'agent de liaison, de son mariage avec Robert et de sa robe de mariée taillée dans le parachute d'un aviateur.
 

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On s'était dit rendez-vous pour ses 100 ans, à Bazeilles dans les Ardennes. A 9h, en ce mardi brumeux de fin d'automne, une dame m'attend sur le perron, devant le numéro 24 de la rue de Flamenville. C'est Lysiane, l'une des quatre filles de Madeleine qui m'a invité à rencontrer sa mère, une personne hors du commun, avec son histoire tout aussi étonnante.

En poussant la porte de sa chambre, c'est un grand sourire qui m'accueille. Madeleine Raveaux, née le 27 décembre 1919, affiche le visage paisible des bonheurs simples : celui de recevoir de la visite et de partager de beaux moments. Dans sa petite robe à fleurs, sa coiffure bien mise et son maquillage discret, cette grande dame semble passer les années avec l'insolente fraîcheur des centenaires d'aujourd'hui.

Nul besoin de forcer sa voix ou de se tordre devant elle pour faire de grands gestes, Madeleine entame de suite la conversation et vous renvoie au but de votre visite. D'un ton calme et aidée par sa fille pour quelques petits rappels, elle nous confit:
"J'étais l'aînée d'une famille de quatre enfants et c'était juste après la Première Guerre mondiale. C'était difficile à l'époque. Aujourd'hui, je suis bien ici, j'ai des activités, je regarde tout ce qui se passe à la télé". 

Moi, en mon temps, j'ai défendu la France pour tout le monde, j'étais agent de liaison. J'ai connu là-bas mon mari qui faisait la même chose sous le nom d'emprunt Louis Chevet. On était des résistants.
-Madeleine Raveaux, ancienne résistante

 

J'ai rendez-vous avec un agent de liaison

Avoir 20 ans en 1939 n'était pas le gage d'un avenir prometteur. Madeleine vivait sa jeunesse dans le café familial tenu par ses parents à Coulon ,sur la commune de Graçay, à 25 kms de la ligne de démarcation passant par Vierzon, dans le département du Cher.

Avec un père brancardier durant la première guerre mondiale et un oncle mort sur les champs de bataille en héros, Madeleine connaissait bien les ravages de la guerre. Cette même famille deviendra, comme le café de la laiterie, un lieu de résistance non loin de la zone libre envahie par les allemands.
Fin 1943 début 1944, les groupes de résistants s'organisent dans la région Indre/Cher. A 24 ans, la jeune fille débute ses actions de résistance aux profits des maquisards et réfractaires locaux en les ravitaillant essentiellement en nourriture." (Archives Frédéric Masson. Dosches)

La famille Chodet, les parents de Madeleine, accueilleront ainsi, dès le 6 juin 1944, les responsables de la résistance locale dans leur café, une à deux fois par semaine pour des réunions clandestines.

Madeleine deviendra un agent de liaison efficace au service  du maquis FTP de Dun-le-Poilliers, (l'un des premiers et plus gros de France).

Des agents tous risques se rencontrent

Pendant cette période  chaotique, d'autres jeunes gens entrent en résistance. Robert Raveaux, la vingtaine lui aussi, deviendra une personne importante dans la vie de Madeleine. Ils se rencontrent  pour le meilleur, et loin du pire, un 14 juillet 1944.

Lui aussi revient de loin avec son évasion du train  qui devait le conduire en septembre 1943 sur les côtes de la Manche pour le STO, (Service du Travail Obligatoire). Profitant d'un bombardement alliés aux alentours de Gramont, il s'échappe et se réfugie dans le Cher où il sera employé clandestinement dans une scierie proche du café de Madeleine.

Robert va ainsi rencontrer Madeleine pour la première fois lors d'une opération de dynamitage du pont de Reuilly, avec ses 30 kilos d'explosifs transportés à vélo. C'est en apercevant une colonne allemande au loin qu'il décide de se cacher dans le café des parents de Madeleine; les deux jeunes gens se rencontrent et débutent une grande histoire ensemble.
Le café deviendra une plaque tournante de la résistance, et la famille Chodet cachera régulièrement des armes, des munitions, des explosifs dans le tas de fumier voisin.

 

Une robe tombée du ciel

La date du mariage était fixée au 13 octobre 1945, mais les deux tourtereaux n'avaient pas les moyens, de s'offrir leurs beaux habits d'apparat. Madeleine nous raconte comment un aviateur anglais, en grande difficulté dans son secteur en 1944, lui permis de profiter de son parachute abandonné. 

On surveillait souvent le largage des parachutistes et la nuit, on faisait des signes avec nos lampes aux avions pour faciliter l'opération. On a récupéré le parachute d'un officier anglais qui était tombé près de chez nous.
- Madeleine Raveaux, centenaire et ancienne résistante

 

"Le parachute était en soie car seuls les officiers avaient des parachutes en soie. Ceux des soldats n'étaient qu'en simple toile ordinaire. C'était en forme de parapluie et c'est moi qui l'ai décousu, car le début, le tour, était en fil rouge et c'était la partie la plus longue. C'est une couturière qui m'en a fait une robe et je l'ai gardé pendant toutes ces années."

Vous avez un-nouveau-message

Madeleine, la jeune mariée, redoubla d'efforts pour apporter son aide au groupe FFI Indre-Est. Il fallait être prudent et ingénieux durant cette période pour  passer la ligne de démarcation et entrer en zone libre. L'œil pétillant de malice elle nous explique son mode de fonctionnement à l'époque:" Je travaillais pour un certain Paul, le lieutenant Paul, c'était un nom d'emprunt."

Un jour, j'ai profité que les allemands se disputaient sur le passage de la zone libre pour passer des messages, des plis, cachés dans les rouleaux de mes cheveux.
- Madeleine Raveaux, agent de liaison durant la résistance en 1944


 "J'avais de longs cheveux noirs alors je pouvais les cacherJe ne lisais pas les messages, c'était des liaisons d'un maquis à l'autre ou chez des gens appartenant à la Résistance. J'ai faits cela jusqu'en septembre 1944."
 

Un retour aux sources pour la messagère

Assise dans son salon, au milieu de ses photos souvenirs, Madeleine garde une vision positive sur toutes ces années. Elle n'oublie pas toutes ses aventures forcées par le destin, "tout ce qui a pu ainsi servir la France" comme elle aime le rappeler. 

Mais pour elle, la découverte n'est pas terminée, et son prochain souhait sera de retourner, en famille,  sur les lieux de mémoire de sa résistance à elle, aux abords de la forêt de Vernusse non loin de Graçay, histoire d'y voir, peut-être encore, l'ombre d'une jeune fille, aux boucles porteuses de messages.
 
 
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