C'est une première. Après plusieurs mois d'enquête, Zero Waste France et son groupe local Zéro Déchet Strasbourg viennent de porter plainte contre des franchises locales de grands groupes de l'agroalimentaire. Motif, le non-respect de l'autocollant Stop pub.
Les particuliers qui ont apposé un autocollant Stop Pub sur leur boîte aux lettres peuvent le constater. Les catalogues de réclames finissent quand même par s’y empiler, avant généralement d’atterrir illico presto… à la poubelle.
Un non-respect des droits des citoyens de la part des distributeurs, qualifié de « massif » par l’ONG Zero Waste France et chiffré en 2016 par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Dans une étude, l’Ademe avait révélé qu’environ 13,6 kilos par habitant d'imprimés non sollicités sont distribués en France chaque année, soit plus de 30 kg pour un foyer de trois personnes (près de 900.000 tonnes par an). Des imprimés qui finissent par alourdir le bilan déchets du pays mais qui auraient aussi des impacts plus globaux non négligeables sur la production de papier, la consommation d'eau, ou encore la production d'encre.
"Il y a un sentiment d’impunité de la part des annonceurs qui n’est pas normal, s’indigne Simon Baumert cofondateur de Zéro déchet Strasbourg, l’antenne alsacienne de Zero Waste France. Quand on prend conscience de la pollution de l’air qui est engendrée par la combustion des prospectus, c’est inacceptable. Il faut impérativement arrêter. Pour vous donner une image, si on économisait l’équivalent de ces 30 kilos de papiers non souhaités, par foyer, on sauverait deux arbres", renchérit Dominique Verreman, membre de Zéro déchet Strasbourg.
Mais alors, l’autocollant Stop Pub est-il inefficace ? "Non, affirme Dominique Verreman, il permet tout de même de réduire de 93% les apports en publicités, et il ne cesse de se répandre ». Popularisé en France en 2004 par le ministère de l'Ecologie et du Développement Durable à l'occasion du premier plan national de réduction des déchets, le fameux logo vert sur fond blanc aurait déjà été distribué à plus de 9 millions d’exemplaires dans l’Hexagone.
Strasbourg, première ville à mener l’enquête
Au sein de l’Eurométropole de Strasbourg, 30% des foyers en sont équipés. Mais ici comme partout, qu’ils le veuillent ou non, les habitants croulent sous les catalogues commerciaux en tout genre. "Le problème n’est pas plus important à Strasbourg qu’ailleurs, mais ici nous sommes les premiers à avoir lancé la contre-offensive", lance avec fierté Simon Baumert.En novembre 2017, Zéro Déchet Strasbourg a créé un groupe Facebook et lancé le hashtag #balancetapub pour recueillir les témoignages. Une initiative reprise depuis par plusieurs autres antennes locales françaises. Cette collecte de commentaires et de photos de boîtes aux lettres surchargées malgré le refus de leurs propriétaires, a permis à l’association de mener l’enquête sur les enseignes dérogeant au Stop Pub, et d’établir un classement. Grandes marques de l'alimentation, de la restauration, de l'ameublement et agences immobilières figurent régulièrement en tête. Complétée par la réalisation d’un constat d’huissier chez un particulier, l’enquête vient d’aboutir à une seconde initiative, bien plus sérieuse, la saisine du tribunal de grande instance de Strasbourg.
Une plainte visant les franchisés locaux d’Intermarché et de Pizza Hut
L’annonce officielle a été faite ce jeudi 30 août. Zero Waste France et son entité strasbourgeoise Zero déchet Strasbourg, ont en effet annoncé porter plainte contre des franchisés strasbourgeois d’Intermarché et de Pizza Hut, pour non-respect « massif » de l’autocollant Stop Pub. "Une première en la matière", selon l’ONG, qui précise dans un communiqué : "les sociétés contre lesquelles l'action est engagée ont été identifiées comme contrevenant de façon très importante au STOP PUB à Strasbourg. Elles ont été alertées à de multiples reprises à ce sujet. La difficulté de prouver effectivement cette contravention nous a également amené à agir contre les sociétés contre lesquelles nous détenons le plus de preuves, et en particulier un constat d'huissier, et qui ont à nouveau distribué des prospectus dans des boîtes aux lettres équipées après prise de contact par courrier."Selon Thibault Turchet, responsable des affaires juridiques au sein de l’ONG, "le non-respect du STOP PUB constitue clairement une infraction pénale. Cette action est une première du genre : elle a vocation à faire respecter les droits des très nombreuses personnes qui nous interpellent régulièrement à ce sujet".
L'article R633-6 du code pénal dispose en effet clairement que : "[...] est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe le fait de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation".
Que risquent vraiment ces sociétés?
Sur le fondement de l'article R633-6, si des poursuites sont engagées par le procureur de la République et qu’elles sont reconnues coupables, les entreprises risquent une amende maximale de 450 euros. Pas de quoi les ébranler ?"C’est vrai, mais cette plainte c’est pour rappeler à toutes les enseignes et aux distributeurs que la loi est la loi et que les consommateurs ont le droit de ne pas avoir de publicité. Dans tous les cas, c’est une première action qui montre que nous sommes déterminés et nous pensons qu’elle sera répliquée dans d’autres villes » argumente Dominique Verreman.
Les membres de Zero déchet Strasbourg, qui continuent d’organiser régulièrement des distributions d’autocollant Stop pub dans les rues de la capitale alsacienne préviennent. Les citoyens se mobilisent pour faire respecter leur choix et ne lâcheront rien. Ces derniers sont d’ailleurs incités à aller chercher leur autocollant au sein de leur mairie ou bien à contacter l’association pour s’en procurer gratuitement.