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REPLAY. Joindre le deuil du conjoint à la parole dans un documentaire, une évidence pour son réalisateur après la mort de sa compagne

"Son foulard à mon cou" - Marie-Claude

Le décès d’un conjoint est une épreuve majeure. Comment faire face à la mort de la personne que l’on aime et qui a partagé notre vie ? Le réalisateur Jean-Michel Dury s’interroge sur son propre deuil et se fait le passeur de témoignages de veuves et de veufs bouleversants, mais aussi porteurs d’espoirs dans son documentaire "Son foulard à mon cou".

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(Mise à jour d'un article initialement publié le 20 septembre 2021) 

"Elle est partie il y a moins d’un an. Elle m’a laissé ce foulard. Je le porte à mon cou. C’est ma façon de l’emmener partout où je vais". Ces quelques mots sont le point de départ d’un voyage que le réalisateur Jean-Michel Dury entreprend à la suite du décès brutal de sa compagne. Un voyage pour revenir à la vie, une expédition à la rencontre de ceux et celles qui, comme lui, font face à la perte d’un compagnon. Un moyen pour lui de traverser l’épreuve du deuil, de mieux le comprendre.

La mort d’un compagnon de vie est un vrai bouleversement.  Après avoir existé dans le regard de l’autre, fait des projets en commun… c’est toute une vie à réorganiser, à réinventer. Pour les personnes touchées par la perte d’un conjoint, le chemin du deuil est une expérience extra-ordinaire, un apprentissage de la solitude.

Un parcours long et difficile jalonné de colère, de tristesse mais aussi de souvenirs heureux. Un processus de cicatrisation nécessaire qui se met en place après le traumatisme de la perte. Sur le forum "les Mots du deuil" Jean-Michel présente son projet de film et lance un appel à témoignages

Pierre, Christine, Marie-Claude et Elisa vont lui ouvrir leurs cœurs et lui permettre peut-être, de traverser cette épreuve douloureuse et de se relever. A Nice, Grenoble, Lyon et Paris les douleurs ont les mêmes couleurs.

Voici trois bonnes raisons de visionner "Son foulard à mon cou" le documentaire de Jean-Michel Dury en replay ci-dessus.

1. Pour savoir que l'on peut traverser le chaos

Au départ de l’être aimé s’installent l’incompréhension, la révolte et la colère, la tristesse, le déni voire la culpabilité. Le décès crée un vide et une douleur que l'on croit indélébiles. De marié on devient veuf, de couple on devient célibataire et à la douleur de la perte de l'être aimé s'ajoute l'absence du couple que l'on formait.

Christine a 46 ans. Son mari Sébastien décède en 2014 à l’âge de 38 ans d’une longue maladie. A la fin de sa vie, son mari est méconnaissable et son esprit n’est plus là, "malgré tout j’aurai préféré le garder éternellement dans cet état-là." Professeure des écoles, durant toute la période que va durer son deuil, cette mère de trois enfants ne cessera jamais de travailler, une façon pour elle de survivre à cette épreuve.

Elisa, 71 ans, perd son compagnon Serge en 2019 :  "après la mort de Serge, j’avais envie de mourir". Une obsession quotidienne pour elle.

De son côté, Marie-Claude qui a perdu Jacky son mari en 2018, confie à Jean-Michel "pour moi ce n’était pas pensable qu’il parte le premier".

Pierre, 55 ans, perd son épouse Isabelle en 2009, elle est âgée alors de 40 ans. Ils ont ensemble deux enfants de 13 et 9 ans : "mourir à 40 ans avec 2 enfants en bas âge, ce n’est pas juste…ça m’a mis fortement en colère !"

2. Pour survivre dans ce long combat entre la mort et la vie

Après la mort, un combat permanent s’engage entre le vide, l’absence et le manque physique de la personne disparue. Un combat entre l’intérieur et l’extérieur, fait de hauts et de bas dans la vie intérieure et la vie quotidienne. Un combat entre la révolte et l’acceptation, l’oubli et les souvenirs.

Quelquefois, la douleur surgit sur des petites choses comme ça !

Elisa

Quand Elisa reçoit Jean-Michel, elle prépare une ratatouille dans sa cuisine. C’est un plat qu’elle confectionnait en compagnie de son mari : "on se mettait autour de la table et on épluchait ensemble".
Cette recette, Elisa n’a pas pu la refaire pendant des années, trop liée à ces souvenirs. "Quelquefois, la douleur surgit sur de petites choses comme ça !"

Elle tient un journal intime dans lequel, pendant très longtemps, elle ne note que ses rêves.
Au moment du deuil, elle écrit énormément dans ce petit carnet. Cela lui permet de déposer des choses "pour les mettre à distance certainement". Une façon pour elle de crier ou pleurer sa douleur, sans contraintes. Elle trouve une liberté dans l’écrit intime qui n’est lu par personne. Dans ces carnets elle écrit avec deux couleurs. Une couleur est réservée aux mots qu’elle s’adresse directement à Serge "j’avais besoin de lui dire ce qui m’arrivait, ce que je ressentais".

Marie-Claude, qui vit avec un handicap physique rendant ses déplacements difficiles, ne pensait pas pouvoir s’assumer toute seule. Jacky était très prévenant avec elle et assumait de nombreuses tâches quotidiennes. A sa disparition, elle imagine difficilement "l’après" : "au début ce n’est même pas au jour le jour mais plutôt heure après heure".
Elle garde précautionneusement la centaine de lettres envoyées quotidiennement par Jacky en 1968  "j’ai dû les relire 3 ou 4 fois, ça m’a énormément aidé, je me suis remise dans une bulle, je n’étais plus dans le présent mais au moment où il les avait envoyées".

J'ai l'impression de ne pas avoir réfléchi pendant longtemps, d'avoir agi comme un robot avec les habitudes de vie pour gérer le quotidien.

Pierre

Quand Isabelle disparait, Pierre doit apprendre à se débrouiller seul pour élever ses enfants. Les difficultés d’éducation que rencontrent tous les parents lui ont permis de rester debout.

ll a l’impression d’avoir agi durant cette période "presque comme un robot, avec les habitudes de vie et la gestion du quotidien qui l’empêche de penser à lui". 

Pendant plus d’un an Christine compte les jours, les heures qui la séparent de Sébastien. Sa ligne de mire est le 12 juin de l’année suivante, date anniversaire de la mort de son mari. Arrivée à la date anniversaire, elle se rend compte que tout n’est pas réglé "j’avais fantasmé cette date comme une date à partir de laquelle le deuil avait fait son temps". Elle est désemparée et n’imagine pas revivre de nouveaux instants de bonheur si ce n’est par procuration, au travers de ses enfants. Profondément malheureuse, son objectif est de rendre la vie douce à ses enfants.

3. Pour apprendre à se réinventer sans l'autre

La traversée d’un deuil peut être révélatrice d’une force nouvelle qui ramène ces personnes à la vie.
Comment s’accorder le droit d’être à nouveau heureux, de revivre pleinement ? Comment vivre au présent sans oublier le passé ?

La vie d’adulte de Pierre a repris des années après, quand il a estimé qu’il pouvait laisser ses enfants seuls et prendre quelques heures, juste pour lui. Il s’engage alors dans un groupe de paroles sur Grenoble ce qui lui permet de déverser sa colère, ses angoisses : "je crois aujourd’hui que la parole est importante".Grand voyageur, il privilégie dorénavant les destinations dans des territoires vierges de toute présence d’Isabelle. Parmi ces voyages, l’Inde est le pays qui l’a le plus marqué : "c’est un monde qui me fascine et qui m’a ouvert"

J'ai un ange dans ma vie et un homme dans ma vie

Christine

Avec le temps, les 12 de chaque mois ont cessés d’être maudits pour Christine. Les images traumatisantes cessent de s’inviter, elle côtoie de façon plus douce son identité de veuve. Elle rencontre Hervé en 2015 "en le rencontrant je suis redevenue entière, j’ai retrouvé tous les plaisirs que l’on peut avoir à vivre". Christine avoue cependant avoir eu un sentiment de culpabilité, de trahison au début et a dû se battre contre cette pensée pendant un certain temps. Pour elle qui ne pensait pas que le bonheur était encore possible, elle vit maintenant sereinement "j’ai un ange dans ma vie et un homme dans ma vie."

Elisa réapprend à vivre de bons moments sans les partager avec personne :" je suis devenue une autre personne après ce qui m’est arrivé". Elle se réinvente complètement pour donner du sens à sa nouvelle vie. Si pendant des mois, tous souvenirs liés à son mari étaient source de douleur et de tristesse, petit à petit elle commence à se remémorer ces moments vécus avec douceur, sans effondrement : "un deuil comme celui-là c’est d’une extrême douleur mais c’est également un parcours initiatique".

Marie-Claude se bat au quotidien pour conserver au mieux son dynamisme. "Respirer pour ne pas en crever, c’était ma devise !" Après le temps où il faut survivre est arrivé le temps pour elle de vivre. Elle a appris à apprécier les petits bonheurs du quotidien et ne se lasse pas des parties de cartes enjouées qu’elle partage avec ses amis. 

Le deuil est une expérience universelle et chacun de nous devra, un jour ou l’autre, l’emprunter.
Un voyage long et difficile suivant un itinéraire aussi intime qu’incertain avec, au bout, l’apaisement et la renaissance. 

"Son foulard à mon cou" un film de Jean-Michel Dury écrit en collaboration avec Marc Weymuller
Coproduction France Télévisions / Real Productions / Les films du tilleul

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