Vendenheim : Un Alsacien spécialisé en menuiserie japonaise

Un menuisier de Vendenheim s'est lancé depuis près de 10 ans dans la fabrication de portes coulissantes et de meubles japonais. Encore peu connu en Alsace, il a surtout des clients en région parisienne, mais a été repéré par TV Tokyo, qui lui a consacré une longue émission et l'a invité au Japon.
 

Dans son atelier de Vendenheim, Alain Gasser crée de toutes pièces des shoji (portes coulissantes extérieures) et des fusuma (portes coulissantes intérieures). Un artisanat japonais ancestral que cet Alsacien a adopté avec grand bonheur. Il part du bois brut pour fabriquer ses cadres et ses baguettes, puis les assemble avant de les recouvrir de papier qu'il commande directement au Japon. En Alsace, il a aménagé un dojo, et créé une maison de thé dans le jardin d'un particulier. Mais jusqu'à présent, ses principaux chantiers se situent en région parisienne, en Allemagne et au Benelux. Pourtant, l'hiver dernier, il a été mis à l'honneur par TV Tokyo, en tant qu'artisan non-Japonais qui travaille à l'ancienne, dans les règles de l'art.     

Impossible de trouver l'entreprise Shoji si on n'en connaît pas l'adresse exacte. Aucun panneau côté rue, aucun fléchage. L'homme travaille dans la discrétion, et son savoir-faire reste confidentiel dans la région. Une fois la porte franchie, le visiteur découvre un artisan à l'œuvre, qui fait un maximum de choses à la main. Sur son établi, un grand cadre de bois complété de croisillons. "C'est un shoji, un panneau coulissant qui sert de 'fenêtre' dans les maisons japonaises traditionnelles, et donne sur l'extérieur", explique Alain Gasser. Les croisillons de bois sont recouverts de papier translucide. S'il opte pour du papier plastifié, plus résistant, il se sert de ruban adhésif double-face pour le fixer à la structure de bois. Mais pour le traditionnel washi, le papier de mûrier, improprement appelé 'papier de riz', il utilise de la colle nori, à base d'amidon de blé, qu'il fait venir du Japon. "L'embout a une forme particulière, qui s'adapte à la forme du croisillon grâce à une butée" précise-t-il. Lorsque le papier est encollé, il faut bien laisser sécher la colle, puis humecter le papier avec un vaporisateur, pour qu'il se tende.  


Autre produit-phare d'Alain Gasser : le fusuma, une autre forme de paroi coulissante. Plus opaque, le fusuma est destiné à modeler l'espace intérieur des maisons japonaises, et à servir de parois entre les pièces. Traditionnellement, il est recouvert de papier peint orné d'un grand motif peint, arbre ou paysage, mais il peut aussi être uni. Les clients d'Alain Gasser choisissent leur papier peint dans plusieurs catalogues d'un fournisseur tokyoïte, à qui le menuisier de Vendenheim passe ensuite commande.

Pendant des années, Alain réalisait de la menuiserie extérieure et de l'aménagement de magasins. Jusqu'à ce qu'un ami, passionné de bonsaï comme lui, rêve de se faire construire une maison de thé à la japonaise, et lui demande s'il se sentirait capable d'en fabriquer les shoji. Ce défi s'est rapidement mué en passion. Alain Gasser s'est formé sur le tas, dans les livres, puis en faisant des essais. "Au départ ça n'allait pas trop, confie-t-il, mais avec le temps, on prend le coup de main." Travailler le bois ne lui posait aucun problème. Mais pour le papier, il avait tout à apprendre, pour savoir comment chaque type de papier réagit. Or, "un lé de papier peint pour un fusuma vaut bien 150 euros, on n'a pas droit à l'erreur." L'ami, informaticien de formation, lui a créé son site internet, et il a rapidement basculé vers une production 100% de type japonais.

Seul (petit) problème : les papiers japonais ont tous une dimension standard, basée sur celle des tatamis. C'est-à-dire de 90 à 95 centimètres de large sur 1,80 mètres de haut, pas plus. Or, Alain Gasser travaille sur mesure, et en France, les dimensions des panneaux, hauteur comme largeur, sont souvent plus importantes. Il doit donc trouver des solutions, accoler deux lés de papier, et dissimuler le joint derrière une baguette intermédiaire. Mais les défis ne lui font pas peur.   

Il s'est aussi lancé dans la création de panneaux décoratifs ouverts, sans papier collé, entièrement faits de bois de frêne, de chêne et de cèdre rouge, et principalement commandés par des architectes ou des restaurateurs. Pour cela, il emploie la technique du kumiko, un treillis ornemental à base de petites baguettes de bois taillées en biseau et assemblées. Un travail de longue haleine, car il faut plus d'un millier de baguettes pour fabriquer un panneau, et d'innombrables heures de travail. Cette même technique lui permet de créer des lampes à poser, des appliques murales et des plafonniers. Des produits qu'il voudrait développer dans les mois qui viennent, car il pourrait les faire à l'avance, dans les périodes de creux entre deux chantiers, et si possible, les vendre en ligne.     

L'an dernier, une émission japonaise de TV Tokyo a pris contact avec lui. Une équipe de tournage est venue jusqu'en Alsace, pour le filmer chez lui, dans son cadre familial, puis au travail dans son atelier. "Cette émission veut intéresser les jeunes Japonais à d'anciens métiers. Ils recherchent donc dans le monde entier des gens qui pratiquent ce type d'artisanat, sans être eux-mêmes des Japonais", explique Alain Gasser. A l'issue de ce tournage alsacien, il a eu la surprise d'être invité à Tokoy, pour la suite, tous frais payés. Sur place, du 20 octobre au 5 novembre 2018, il a pu travailler avec un artisan spécialisé dans le shoji, puis avec un sculpteur sur bois, créateur de ranma, ces petits panneaux ouverts surmontant les fusuma. Côtoyer ainsi des artisans japonais qui pratiquent encore les gestes ancestraux, et découvrir leurs secrets de fabrication, a été une expérience mémorable – même si les caméras le suivaient constamment. "Pour comprendre la culture japonaise, il faut se sentir soi-même un peu japonais, avoue-t-il. Avec toutes les personnes que j'ai croisées, le courant a bien passé." Au final, il en a été tiré une émission de près d'une heure, diffusée en décembre dernier sur la chaîne tokyoïte.    

A dix minutes de son atelier, dans le jardin d'un autre ami passionné de bonsaï, Alain Gasser a construit une maison de thé dans le plus pur style japonais : avec des parois extérieures en shoji, et une décoration intérieure agrémentée d'un fusuma et d'un tokonoma, petite alcôve pour présenter un bel objet. Cette maisonnette lui sert de show room pour ses clients, et l'ami est heureux de pouvoir en profiter : "L'été c'est notre quartier général. Il n'y fait pas trop chaud, l'espace intérieur est harmonieux. Et l'hiver, j'y entrepose mes bonsaïs qui craignent le gel."

Pourtant, pour l'instant, les clients alsaciens ne sont pas légion. Ce qui fait sourire Alain Gasser : "Je suis probablement plus connu aujourd'hui au Japon qu'en Alsace ou en France."

 
 

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