Fin des blagues : Carambar a piégé tout le monde, marrant ou choquant ?

Poisson d'avril avant l'heure, l'annonce de la fin des blagues Carambar était un canular, un coup de com' mis en orbite sur le web par la marque et qui a piégé la presse. Est-ce une réussite totale ? La marque risque-t-elle un retour de bâtons ? Les journalistes doivent-ils être vexés ?

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La communauté des gourmands et des grands enfants portait déjà le deuil des histoires inscrites au dos des emballages jaunes et roses, quand l'agence de pub à l'origine du coup a lâché lundi sa (deuxième) bombe: toute l'affaire, lancée jeudi, ne visait qu'à faire parler des singuliers caramels en forme de bâton. Pari pour le moins réussi.

"On pensait garder l'affaire jusqu'au 1er avril, mais face à un tel succès on a décidé d'y mettre un terme ce matin, les meilleures plaisanteries étant les plus courtes", a dit à l'AFP l'un des concepteurs de ce coup de marketing viral, Farid Mokart, cofondateur de l'agence Farid & Fred.

Point de départ: un "kit" soigneusement pensé, adressé à "une centaine d'influenceurs" -blogueurs, personnalités actives sur Twitter, émissions de télé branchées (dont Le Petit Journal, sur Canal+)- pour annoncer la fin des blagues, remplacées par des quizz éducatifs: un petit cartable et des crayons de couleur accompagnaient des Carambar new look dans leurs emballages sérieux, avec des questions d'histoire-géo, de maths...
"Le communiqué de presse joint expliquait en citant des études, qu'on apprend mieux en mangeant", reprend Farid Mokart. "On pensait que plus ce serait gros, plus ça passerait".

Marketing viral

Bingo. La toile s'enflamme, Twitter relaie en accéléré, radios et télés enchaînent les micro-trottoirs d'adeptes désespérés. Les plateaux et les journaux les plus sérieux s'en mêlent dans la foulée. Et s'emmêlent à leur tour. "Personne n'a demandé à voir les études", reconnaît-on chez Farid & Fred. Ce qui en dit long sur la confusion des genres, estime le conseiller en communication Frédéric Houssay: "En s'appuyant sur des blogueurs qui ne sont pas des journalistes, le marketing viral a entraîné les métiers de l'information dans cette confusion", dénonce-t-il, en déplorant "un journalisme qui n'a plus le temps de la vérification".

Une affaire extrêmement grave ?

"Les blogueurs sont des communicants d'influences, ce ne sont pas des journalistes", insiste-t-il. "Le marketing viral permet de confondre publicité et information. Mais ce qui arrive en provenance de communicants a-t-il valeur d'information? cette pratique est-elle assimilable au journalisme?" interroge-t-il. Pour Frédéric Houssay, l'affaire est "extrêmement grave, même s'il ne s'agit que de bonbons".
Dans le Plus du Nouvel Obs, la journaliste Aude Baron affirme : "Force est de reconnaître que nous nous sommes faits avoir car, même si beaucoup d'articles restaient prudents, de nombreux titres étaient formulés à l'affirmative, alors que l'article en lui-même relayait l'information au conditionnel (sur Le Plus par exemple ou LeMonde.fr). Or on le sait, c'est le titre que le lecteur retient. Nous avons donc manqué de prudence à cet égard."

Sur Twitter, des journalistes ou spécialistes de la com' s'interrogent d'ailleurs depuis ce matin sur la pertinence de la stratégie de Carambar.
Le journaliste David Abiker est l'un des plus virulents sur son blog : "L’affaire en dit long sur la diffusion généralisée de la pensée unique laquelle sert les intérêts des multinationales. Que les plus vulnérables soient chaque année victimes du caramel suce-nommé (caries, dents déchaussées, obésité, inflation démentielle du prix en 40 ans - je l'ai connu à 5 centimes de franc le Carambar) ne semble pas inquiéter nos rédactions et nos communicants plus que ça. Que des marques de presse de renom s’ingénient à se poser en teckels de l’ultra-libéralisme dont Carambar est un acteur important sur le marché de la confiserie ne dérange personne."

Les "erreurs" de Carambar


Même certains professionnels de la com' commencent à pointer les petits hics de cette campagne de communication. Charles Antoine Colomb, Directeur Conseil du pôle Brand Marketing, chez Ogilvy Public relations, pointe ainsi sur son blog "les erreurs de Carambar" :

• Carambar a fait un coup de pub en utilisant le canal des relations médias, réservé à l’information. La règle de base lorsqu’une marque parle à des journalistes est de ne pas mentir, jamais. Or c’est ce que Carambar a fait.
• La deuxième erreur est de jouer sur la crédibilité des marques et des dispositifs de communication. Tout a été pensé et très bien pensé sans laisser aucune brèche. Face à une opération aussi millimétrée, le doute n’était pas possible.
• La troisième erreur est de miser sur la crédulité des journalistes ou du moins sur leur capacité restreinte à recouper, faute de temps et de moyens, les informations fournies.


Les concepteurs de ce poisson de mars refusent de dramatiser ainsi: pour eux, "la même question peut être posée dans d'autres domaines et il ne s'agissait que d'un divertissement médiatique", orchestré avec soin depuis six mois pour "quelques centaines de milliers d'euros": "Rien à voir avec l'investissement d'une campagne traditionnelle", assure Farid Mokart.


Un coup de fouet pour la marque ?


Quant à la confiserie Carambar, elle expliquait lundi avoir voulu "donner un coup de fouet à la marque" et avoir reçu en retour "des milliers de preuves d'amour" des consommateurs militant pour la sauvegarde des blagues.
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