A 70 ans, Carolyn Carlson fait plus que danser : elle court. Du Parc de la Villette où "We were horses", a fait le plein, à l'Opéra Bastille où son ballet culte "Signes" est repris du 3 au 15 juillet, la chorégraphe américaine, encore quelques mois à la tête du CCN de Roubaix, n'arrête pas !
Silhouette longiligne tout de noir vêtue, cheveux blonds encadrant un beau visage dont elle ne cherche pas à dissimuler les rides, elle supervise depuis quelques jours les répétitions de "Signes" à l'Opéra Bastille, concentrée sur les gestes des étoiles.
Agnès Letestu, qui fera ses adieux le 10 octobre prochain dans "La Dame aux camélias", prend le rôle pour la première fois. Marie-Agnès Gillot danse au contraire "Signes" depuis sa création en 1997. "C'est très spécial pour moi, c'est le ballet sur lequel j'ai été nommée étoile", se souvient-elle. "Et c'était aussi la première fois qu'une étoile était nommée sur un ballet contemporain à l'Opéra de Paris", dit-elle fièrement.
"Signes" a une place bien particulière dans le répertoire du Ballet de l'Opéra : création "totale" où fusionnent les toiles du peintre Olivier Debré, la chorégraphie de Carolyn Carlson et la musique originale de René Aubry, c'est une des pièces contemporaines les plus reprises avec "Le Parc" d'Angelin
Preljocaj (donné en décembre prochain).
"Un nouveau classique"
"C'est un nouveau classique", estime Colette Malye, répétitrice de "Signes" et fidèle de Carolyn Carlson. Le ballet est né du désir d'Olivier Debré de traduire en une série de tableaux les évocations que lui inspirait le sourire, ce premier "signe" du petit homme à son entourage. Son carton à dessins sous le bras, il est venu voir la directrice de la danse de l'Opéra Brigitte Lefèvre, qui a sollicité Carolyn Carlson. A partir des immenses toiles, Carolyn Carlson a conçu un ballet très fluide, où les mouvements des danseurs épousent les peintures et la musique de René Aubry.
"C'est énorme, le décor est... astronomique !" La chorégraphe, qui s'exprime dans une langue superlative empruntant autant à l'américain qu'au français, se souvient du transport par bateau des toiles pour une tournée au Japon. "Enorme !"
9 ans à la tête du CCN de Roubaix
Née à San Diego (Californie) de parents d'origine finlandaise, Carolyn Carlson a fait ses classes à New York avec le danseur Alwin Nikolais, mais c'est en Europe que s'est épanouie sa carrière. "J'ai fait la révolution en France, en Italie", s'exclame-t-elle. Entendez par là: la révolution de la danse contemporaine. Nommée chorégraphe-étoile à l'Opéra de Paris en 1974, elle anime pendant sept ans le Groupe de recherches théâtrales de l'Opéra.
Très attachée à la France, elle a fait don de 50 cartons de carnets, notes, croquis, photos, poèmes et calligraphies à la Bibliothèque nationale de France, qui en exposera une sélection du 10 décembre au 26 janvier. "Il fallait que ce soit en France, mon travail c'est ici", dit-elle, "même si
ma personnalité reste américaine". "Je ne suis pas cartésienne !", lance-t-elle.
Carolyn Carlson quittera en décembre le centre chorégraphique national de Roubaix, qu'elle dirige depuis 2004. Mais pas question de retraite: "Oh mais je danse toujours !", s'exclame-t-elle. Et d'évoquer sa prochaine création, en novembre 2014 au Théâtre national de Chaillot, sans compter la direction de l'Atelier de Paris, lieu dédié à la danse à la Cartoucherie du bois de Vincennes, et les tournées de sa compagnie. "J'ai ce cadeau d'avoir une
très bonne compagnie qui danse pour moi".