A mi-chemin entre mille-feuille et gâteau marbré, de fines tranches de langue de boeuf fumée couchées sur du foie gras, pour une bouchée fondante au goût subtil : à Valenciennes (Nord), la Lucullus est la star de Noël.
Une alliance surprenante née dans les années 1930 à la demande d'un couple de Parisiens: venus à Valenciennes pour un enterrement, ils demandent à déguster une version plus raffinée de la traditionnelle langue régionale. Un restaurateur a l'idée d'y étaler du foie gras. La Lucullus est née.
Elle prend le nom d'un général romain connu pour son goût pour la bonne chère. A l'approche de Noël, l'atelier d'Augustin Motte, leader de la production de Lucullus, est en ébullition. Pendant la période des fêtes, cette société installée à Marly, en banlieue de Valenciennes, réalise 70% de son chiffre
d'affaires.
Fabriquée à la main
"On fabrique une trentaine de tonnes. Cela représente à peu près 300.000 actes d'achat et 900.000 assiettes, pour Noël", explique Augustin Motte, ingénieur agronome qui a racheté en 2009 l'entreprise familiale SAS Lucullus. Il faut cinq jours pour fabriquer une Lucullus. La langue de boeuf, 100% française, est fumée, puis cuite au court-bouillon où elle perd 60% de son poids. A l'arrivée, la viande a l'aspect d'un jambon rouge foncé.Coupée en fines tranches, la langue est couchée au fond de longs moules. Deux salariés au geste assuré étalent ensuite à la poche à douille de la mousse de foie gras, dont la recette, secrète, comprend des oeufs et un soupçon d'armagnac. "Aucune machine ne pourrait faire un produit aussi régulier, aussi bien, et on souhaite absolument garder ce tour de main qui fait la beauté du produit", souligne fièrement Augustin Motte.
Incontournable
La boutique attenante à l'atelier ne désemplit pas. "Ce que j'aime c'est son originalité par rapport au foie gras classique, avec la langue confite qui donne un autre goût", explique Aurélie, qui achète, pour 15 euros, une boîte de 250 grammes. "Incontournable, tous les ans je viens en prendre pour Noël", confie Dominique, une autre acheteuse.La Lucullus a même sa confrérie. Restaurateurs, traiteurs produisant eux-mêmes leur Lucullus: elle compte une dizaine de membres actifs qui la protègent des contrefaçons et font sa promotion. "Le Valenciennois, quand il fait sa Lucullus, il la fait avec amour et on ne retrouve jamais la même chose quand c'est fabriqué dans une autre région", affirme son grand maître, Claude Vanbesien.
Peu connue en dehors du Nord Pas-de-Calais
Si elle fait l'unanimité dans la région, cette spécialité est pourtant très peu connue dans le reste de la France. Encore moins à l'étranger. La faute à une production volontairement artisanale, selon Augustin Motte. "On souhaite le conserver comme un produit d'exception, un produit de fête", expliquele directeur général de cette PME de 12 salariés, qui produit au moment de Noël au maximum de ses capacités.
C'est parfois la présence même de langue de boeuf qui rebute le consommateur potentiel. "Aux Anglais on leur dit juste que c'est du boeuf fumé, et une fois qu'ils ont goûté, on leur dit que c'était de la langue. Généralement ils adorent", s'amuse Claude Vanbesien.
La Lucullus de Valenciennes pourrait même bientôt faire le grand saut : la société d'Augustin Motte a été approchée pour en produire une version halal, qui serait servie dans les palaces de Dubaï. Des discussions sont en cours.