Richard III : qui était ce roi controversé que nos voisins anglais vont inhumer en mars 2015 ?

Découverts sous un parking en 2012, les restes de Richard III, roi d'Angleterre du XVe siècle, seront inhumés le 26 mars 2015 en la cathédrale Saint-Martin de Leicester. Personnage controversé, dépeint comme un tyran sanguinaire par Shakespeare, il continue de déchaîner les passions Outre-Manche. 

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Il y 529 ans, quasiment jour pour jour, le 25 août 1485, Richard III, roi déchu d'Angleterre, était enterré en toute discrétion dans le monastère franciscain de Greyfriars, à Leicester. Trois jours plus tôt, il était tombé, les armes à la main, lors de la bataille de Bosworth, vaincu par les troupes de son rival Henry Tudor, qui lui succéda sur le trône sous le nom d'Henry VII. Un épisode tragique qui inspira un siècle plus tard à William Shakespeare cette célèbre tirade : "Mon Royaume pour un cheval !". 

Le monastère de Greyfriars fut dissous en 1536. Une légende a prétendu que la tombe du monarque avait été détruite à la même époque et ses os jetés dans une rivière voisine. C'est ce que les Anglais ont longtemps cru jusqu'à cette incroyable découverte effectuée en 2012 sous le parking d'un centre social de Leicester. Guidés par des vieux documents, des archéologues de l'université locale mirent au jour une tombe abritant un squelette bien conservé qu'une scoliose et des blessures de guerre rendaient immédiatement reconnaissable : celui de Richard III. Des tests ADN effectués sur des descendants du roi confirmèrent l'identité du défunt.

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Un monarque controversé dans une guerre de succession sanglante

Richard III est sans doute l'un des monarques les plus controversés de l'histoire anglaise, dépeint comme un tyran fourbe et sans scrupule par Shakespeare. Son règne a été court - deux ans seulement - et peu de documents le concernant ont été retrouvés par les historiens. Les seuls tableaux connus le représentant ont été réalisés après sa mort qui a marqué la fin de ce qu'on a appelé "la Guerre des Deux Roses". Un conflit dynastique sanglant entre deux branches des Plantagenêt, les York ​- symbolisés par une rose blanche - et les Lancastre - symbolisés par une rose rouge.


Tout remonte à 1399, lorsqu'Henry Bolingbroke, duc de Lancastre, détrône et fait exécuter son cousin Richard II, très contesté par les barons anglais. Une prise de pouvoir qui bafoue les règles de succession. Son fils, Henry V, confortera ensuite la lignée lancastrienne grâce à ses succès militaires, notamment lors la bataille d'Azincourt où la chevalerie française est anéantie. Mais alors qu'il est sur le point d'unir les couronnes de France et d'Angleterre, il meurt subitement à Vincennes en 1422. Son héritier est un bébé d'à peine un an, Henry VI. Un roi qui restera toute sa vie sous tutelle, en proie à des crises de démence, laissant libre cours aux luttes intestines entre lords anglais. Les conséquences pour le royaume sont terribles : l'Angleterre perd la Guerre de Cent Ans contre la France ainsi que ses possessions en Aquitaine et en Normandie. L'économie anglaise s'en trouvera durement affectée.


En 1455, le duc Richard d'York - cousin d'Henry VI et père du futur Richard III - décide de prendre les choses en main. S'emparant brutalement du roi lors de la bataille de Saint-Albans, il élimine les "mauvais conseillers" et s'impose comme "Protecteur". Fort de ses succès militaires, il revendique le trône mais est tué lors de la bataille de Wakefield en 1460. C'est finalement son aîné, Edouard, qui destitue Henry VI un an plus tard, et se fait couronner roi d'Angleterre sous le nom d'Edouard IV. Il a seulement 19 ans. 

Accusé d'infanticide 

Le futur Richard III, duc de Gloucester, a 10 ans de moins que son frère. Il s'impose au fil de son règne comme l'un des plus fidèles et valeureux lieutenants d'Edouard IV, qui doit lutter pendant près d'une décennie pour véritablement asseoir son pouvoir. Les prouesses du jeune Richard sur les champs de bataille lui valent une immense popularité, notamment dans le nord du pays où il a repoussé les assauts des Ecossais. Mais en 1483, sa vie et celle du royaume basculent. Edouard IV meurt et laisse comme successeur un jeune enfant de 12 ans, Edouard V. Craignant l'influence néfaste du clan Woodville, famille de la veuve du défunt roi, Elizabeth, de nombreux barons se tournent vers Richard que son frère avait déjà désigné comme régent sur son lit de mort. Le duc de Gloucester, âgé de 31 ans, va mener alors un véritable coup d'Etat, éliminant physiquement tout obstacle potentiel : Anthony Rivers, frère de la reine Elizabeth, et William Hastings, proche lieutenant d'Edouard IV, sont tour à tour exécutés.


Richard fait enfermer dans la Tour de Londres Edouard V et son frère Richard de Shrewsbury, âgé de 10 ans, et parvient à faire invalider le mariage d'Edouard IV et d'Elizabeth Woodville sous prétexte de "bigamie" : son neveu est ainsi déclaré illégitime, ce qui ouvre la voie à son couronnement le 6 juillet 1483 à Westminster sous le nom de Richard III. Plus personne n'entendra plus jamais parler des deux enfants. En Angleterre, tout le monde ou presque est convaincu que le nouveau roi a fait exécuter ses neveux. La rumeur veut qu'ils aient été étouffés dans leur lit pendant leur sommeil. Ils deviendront dans la mémoire collective les malheureux "Princes de la Tour". Cet épisode ternit considérablement la réputation de Richard III, y compris parmi les plus fervents partisans de la maison d'York (des squelettes, retrouvés lors de travaux à la Tour de Londres en 1674, seront désignés comme ceux d'Edouard et Richard, sans qu'on ait de preuve formelle d'identification encore aujourd'hui).


Certains se tournent alors vers un autre prétendant au trône, le comte de Richmond, Henry Tudor, 26 ans, vague descendant de la maison Lancastre par sa mère, Margaret Beaufort. Longtemps restée dans l'ombre, celle-ci va fédérer une large coalition autour de son fils, exilé en Bretagne depuis sa tendre enfance. Henry Tudor obtient même le soutien de la France qui met à sa disposition un bon millier de mercenaires pour débarquer au Pays de Galles. Persuadé de sa force et de sa supériorité au combat, Richard III pense anéantir rapidement ses adversaires lorsque les deux camps se font face à Market Bosworth, près de Leicester, le 22 août 1485. Mais la première charge de cavalerie échoue et les troupes royales se retrouvent prises à revers par les hommes de l'opportuniste Lord Stanley - beau-père d'Henry Tudor - qui a pris soin d'observer l'évolution de la bataille, bien à l'écart, avant de se lancer dans la mêlée et de choisir le bon camp. "Trahison ! Trahison !", hurlera Richard III, avant de s'effondrer sous les coups de ses adversaires. Son corps nu et ensanglanté sera exhibé quelques jours à Leicester avant son inhumation.

Les ossements parlent encore 529 ans après     

Aujourd'hui, 529 ans plus tard, les visiteurs du tout nouveau King Richard III Visitor Centre peuvent découvrir sous leurs pieds, à travers une vitre, la tombe exhumée en 2012. Ce musée a ouvert ses portes le 26 juillet dernier à l'emplacement du fameux parking de Leicester. On peut y découvrir entre autres une réplique complète du squelette et une étonnante reconstitution faciale effectuée à partir du crâne : Richard III présente un visage juvénile et paisible qui contraste avec l'idée terrifiante qu'on peut se faire du personnage.


Le véritable squelette, lui, a fait l'objet de nombreux examens scientifiques. On a ainsi découvert que Richard III avait sans doute succombé à un violent coup de hallebarde qui lui a fendu l'arrière du crâne, ce qu'indiquaient déjà certaines chroniques médiévales. Plus récemment, l'analyse de ses os a permis d'apprendre que le roi était un grand consommateur de vin et de mets raffinés


Le 26 mars prochain, le dernier roi de la dynastie Plantagenêt aura droit à de véritables funérailles en la cathédrale Saint-Martin de Leicester, qui seront retransmises en direct sur la chaîne britannique Channel 4. La Haute Cour de Londres a donné son feu vert au mois de mai, mettant fin à une bataille engagée par des descendants de Richard III qui demandaient qu'il soit enterré à York, son ancien fief, où il est toujours resté très populaire.
  

Vers une réhabilitation ?

Les "Ricardians" - comme on les appelle en Angleterre - sont aujourd'hui comblés. Plusieurs associations (The Richard III Society, The Society of Friends of King Richard III, The Richard III Foundation) ont longtemps milité pour la réhabilitation du monarque, s'appuyant sur les anciens travaux des historiens Horace Walpole (Historic Doubts on the Life and Reign of King Richard III, 1768) et George Buck (History of the Life and Reign of Richard III, 1646). Pour elles, la réputation de Richard III a été excessivement noircie sous le règne d'Henry VII et de ses successeurs, afin d'asseoir la légitimité - à l'origine très contestable - de la nouvelle dynastie Tudor. Le portrait détestable que William Shakespeare dresse dans sa célèbre pièce de théâtre, date de 1591, quand Elisabeth Ière, petite-fille du vainqueur de la Bataille de Bosworth, était sur le trône. Le dramaturge, sans doute soucieux de plaire à sa reine, aurait puisé son inspiration dans deux récits de référence, rédigés par les historiens "officiels" des Tudor, Polydore Vergil et surtout Thomas More, ex-chancelier du roi Henry VIII, fils d'Henry VII.
Certains "Ricardians" ont même remis en cause l'implication réelle de Richard III dans le meurtre de ses neveux, Edouard V et Richard de Shrewsbury. Ils avancent les noms d'autres "suspects" potentiels qui auraient commandité leur assassinat pour mieux compromettre et affaiblir leur oncle : Henry VII Tudor bien sûr, sa mère Margaret Beaufort ou encore Henry Stafford, duc de Buckingham, qui aida Richard III à prendre le pouvoir avant de se retourner subitement contre lui (le monarque le fit exécuter pour trahison en novembre 1483). D'autres prétendent que les deux princes ne sont pas morts à la Tour de Londres et ont été cachés à l'étranger. Fait troublant : dix ans après la mort de Richard III, un certain Perkin Warbeck parvint à mobiliser des troupes importantes pour débarquer en Angleterre et tenter de renverser Henry VII. Il prétendait être Richard de Shrewsbury, l'un des deux princes de la Tour. Qualifié d'imposteur par Henry VII, il fut capturé en 1497 et pendu deux ans plus tard.


Le mystère entourant la disparition d'Edouard V et de son jeune frère n'a toujours pas été résolu de nos jours. Récemment, l'Eglise d'Angleterre a refusé que des tests ADN soient pratiqués sur les ossements présumés des deux enfants, découverts dans la Tour de Londres au XVIIe siècle. Ils sont conservés à l'abbaye de Westminster, dans une urne sur laquelle il est inscrit : "étouffés par un oreiller sur ordre de leur perfide oncle Richard l'Usurpateur". La question de l'identité réelle de ces ossements reste sensible, l'actuelle reine d'Angleterre, Elisabeth II, étant elle-même une descendante d'Henry VII Tudor...
529 ans après sa mort, Richard III continue ainsi de déchaîner les passions et inspire plus que jamais les auteurs de fiction. Dans sa saga littéraire The Cousins' War, l'auteur à succès Philippa Gregory​ en fait un personnage romantique et bienveillant - très éloigné du bossu psychopathe shakespearien - poussé vers le pouvoir par sa mère Cecily d'York et son épouse Anne Neville. Ces romans ont été adaptés à l'écran à travers la série The White Queen, diffusée sur la BBC. Bientôt la télé publique britannique proposera une nouvelle adaptation - sans doute moins flatteuse - du Richard III de Shakespeare avec Benedict Cumberbatch (Sherlock​) dans le rôle titre. 
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