"Absurde!", "fausse logique!": Dominique Strauss-Kahn a haussé le ton mercredi, au deuxième jour de son audition par le tribunal correctionnel de Lille,
s'indignant que la rudesse de ses pratiques sexuelles puisse être considérée comme une preuve à charge.
"Je commence à en avoir un peu assez", lâche DSK, se tournant, avec un regard glacial vers Me David Lepidi, avocat de parties civiles dans ce procès pour proxénétisme aggravé. "Les comportements que j'ai (...) n'ont de sens que s'ils impliquent que cela nécessite d'avoir des prostituées, ce qui est absurde", tonne-t-il. "Sauf à vouloir me faire comparaître devant les juges pour pratiques dévoyées, ce qui n'existe plus", fait remarquer DSK, dans une allusion à la sodomie, au cours de cette 8ème journée du procès Carlton.
L'ancien directeur du FMI est sur la sellette depuis l'ouverture de l'audience, à mi-parcours de ce procès de trois semaines entamé le 2 février. Sa "brutalité" dans les relations sexuelles rapportées par plusieurs participantes aux soirées incriminées ne s'explique-t-elle que parce que ces femmes étaient des prostituées et qu'il le savait?
"Je dois avoir une sexualité qui par rapport à la moyenne des hommes est plus rude", reconnaît-il. "Que certaines femmes ne l'apprécient pas, c'est leur droit, qu'elles soient prostituées ou pas". Il encourt jusqu'à dix ans de prison et 1,5 millions d'amende s'il est reconnu coupable de l'accusation de proxénétisme aggravé, pour laquelle il est poursuivi aux côtés de 13 autres prévenus. Aussi, ne prend-il pas à la légère l'effet qu'a pu produire le témoignage de Jade, ancienne prostituée qui s'est portée partie civile.
Elle fond en larmes, lorsqu'on lui demande d'expliquer ce qu'il s'est passé dans la chambre d'hôtel bruxelloise de DSK, après une soirée dans un club échangiste belge en automne 2009.
Peu de respect
Jade évoque, avec difficulté, un moment "plus que désagréable quand j'ai tourné le dos à M. Strauss-Kahn". "Chaque fois que je vois sa photo, je revis cet empalement de l'intérieur qui me déchire dedans, parce qu'aucun client n'aurait jamais fait ça", souffle-t-elle. Le président du tribunal Bernard Lemaire tique sur le terme de "client". "Si j'étais libertine il m'aurait quand même posé la question", dit-elle.Jade reprend ses esprits et réitère: "Pour m'avoir infligé ce qu'il m'a infligé, il ne pouvait avoir que peu de respect pour moi". Mais DSK nie. A plusieurs reprises. "La pratique sexuelle peut ne pas plaire à Jade, elle peut appeler ça de l'abattage, mais cela ne veut pas dire que ce sont des prostituées", martèle-t-il, dénonçant "la logique fausse continuelle" de l'accusation dans le dossier, qui suppose que "vu les pratiques sexuelles du monsieur, il faut des prostituées".
Les explications de DSK sont directes, il ne se reprend jamais, ne se démonte pas, ne faisant pas varier sa version d'un iota, malgré les questions répétées
du tribunal, du ministère public ou des avocats des parties civiles.
Photo dans le bureau du FMI
La tension est plus forte que la veille lors des premiers témoignages de Jade et d'une autre ancienne prostituée ayant eu une relation avec DSK. Lorsque l'un des avocats partie civile reprend le terme d'"agression", pour qualifier les rapports de DSK avec certaines jeunes femmes, Me Henri Leclerc bondit de son banc et lui réplique sévèrement: "M. Strauss-Kahn n'est pas accusé de cela".A propos de Jade, DSK explique encore que sur quatre épisodes en sa présence (le Murano à Paris, le club belge, l'hôtel bruxellois, puis un voyage à Washington), il "ne se passe rien" à trois reprises. "Et on voudrait me dire qu'elle était là pour moi et que je devrais m'en rendre compte?", s'exclame DSK.
Ainsi à Washington, Jade n'aura que des préliminaires avortés avec DSK, avec qui elle dit avoir tissé "une certaine amitié".