Outreau : Jonathan Delay affirme que Daniel Legrand a "abusé" de lui

Au deuxième jour du procès de l'affaire d'Outreau, Jonathan Delay a clairement accusé Daniel Legrand. 

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"Est ce que Daniel Legrand fait partie des gens qui ont abusé de vous ?" "Oui. Je sais qu'il était là, je peux l'assurer. Je ne suis pas là aujourd'hui devant vous pour mentir" Ces mots sont ceux de Jonathan Delay, l'une des victimes de l'affaire d'Outreau. Appelé à la barre au deuxième du 3ème procès d'Outreau, il a clairement affirmé que Daniel Legrand faisait partie des personnes qui étaient avec ses parents et d'autres adultes, lors de séances de sévices sexuels. Il avait 7 ans au moment des faits. 

- "J'ai certaines images où je le vois chez mes parents"
- "Ces images vus les avez en tête depuis combien de temps ?
- "Depuis toujours"



Jonathan Delay a également laissé entendre que d'autres personnes pourraient être accusés avant ensuite de refuser de répondre aux questions du président de la Cour d'Assises. Il a en revanche reconnu avoir indiqué, pendant l'instruction au début des années 2000, alors qu'il avait six ans, qu'il ne connaissait ni Daniel Legrand ni son père homonyme, décédé en 2012, qui était, comme le fils, un des 13 acquittés d'Outreau. "J'ai été écouté par plusieurs personnes à plusieurs moments, plusieurs reprises, pendant je ne sais combien de jours... On m'a demandé de répondre à un certain
nombre de questions... S'en est suivi deux procès où +ils+ sont quasiment tous sortis et acquittés
", a également déclaré Jonathan Delay.

Jonathan Delay avait promis des révélations ce mardi à l'ouverture du procès : "Y'a des choses, on va devoir s'expliquer, ça c'est certain...Ce lundi, à la barre, Daniel Legrand, 33 ans, s'était emporté : "Je le connais pas, son âge à l'époque des faits, je veux pas le savoir, je veux pas m'intéresser à ce gosse-là (...) : moi aussi je suis à plaindre, c'est pas un long fleuve tranquille..." Avant de conclure : "Je sais même pas ce que je fais ici..."

Jonathan Delay a aussi réitéré le récit du meurtre d'une petite fille, évoqué par lui lors de l'instruction: il a réaffirmé que le corps avait été caché sous
son lit. L'enquête, disjointe du dossier, sur cet homicide n'a jamais permis de retrouver de corps ou d'indice de disparition: elle a fait l'objet d'un non lieu
en 2007. Outre les souffrances endurées pour les viols et violences réitérés que ses parents et un couple de voisins lui ont fait endurer dès son plus jeune âge, ainsi qu'à ses trois frères, Jonathan a aussi exprimé le profond sentiment d'injustice qu'il a retenu de l'instruction puis des deux procès de 2004 et 2005. 

"Vous êtes une victime ?"

"Vous êtes une victime", s'est attaché à le rassurer le président Dary. De même le représentant du ministère public, Stéphane Cantero, s'est attaché à le rassurer sur son statut de victime qui "ne fait aucun doute" avant de rappeler: "mais aujourd'hui il s'agit de Daniel Legrand, qui a été acquitté deux fois pour les viols" qu'il était accusé d'avoir commis après ses 18 ans.

"Je ne mens pas", a fermement répondu Jonathan Delay. "Je ne sais même pas ce que j'ai à gagner de venir ici". "Vous êtes victime de vos parents, on ne l'a pas assez dit, victime de Delplanque t Grenon (le couple de voisins condamnés, ndlr)... et pour vous il en manque ?", lui a aussi demandé Me Frank Berton, un des avocats de Daniel Legrand. "Bien sûr", a répondu Jonathan, "acquitté ne veut pas dire innocent, j'ai le droit de le dire ?".

Ce matin, audition des enquêteurs

Ce mercredi matin, le tribunal avait plongé dans le brouillard de l'instruction de l'affaire Outreau mercredi à Rennes, au deuxième jour du procès de Daniel Legrand, en se penchant sur les auditions des enfants Delay, violés par leurs parents, à l'origine de ce dossier il y a 14 ans. Daniel Legrand - dont le père homonyme, décédé en 2012, était comme lui un des 13 acquittés d'Outreau - est poursuivi pour des accusations de viols retenues contre lui en 2003 à l'issue de l'instruction initiale de l'affaire d'Outreau, menée par le juge Fabrice Burgaud, mais qui n'avaient pas encore été jugées pour la période où il était mineur.

Un premier policier enquêteur, en charge de l'audition des enfants, est venu témoigner mercredi matin, faisant ressurgir dans la salle d'audience bretonne la brume angoissante de l'enquête, en relatant les premières auditions des enfants victimes, dans les limbes de l'enquête, début 2001.
Lorsqu'ils sont entendus pour la première fois début 2001, les fils de la famille Delay, âgés de 10, 8, 6 et 4 ans seulement, dénoncent des faits de viols et de violences de la part de leurs parents et de "familiers", se souvient Didier Wallet, alors responsable de la brigade des mineurs de Boulogne-sur-mer.

Ils dénoncent leurs parents et un couple de voisins, qui ont depuis lors avoué et ont été condamnés pour les avoir violés. Les enfants dénoncent aussi d'autres personnes parmi lesquelles plusieurs des futurs acquittés et même un adulte, handicapé si lourdement qu'il sera d'office écarté de la suite de l'enquête. Le nom de Daniel ou Dany Legrand n'apparaît pas à ce stade. Puis, au fil des auditions de ces enfants, de leurs assistantes maternelles, puis
d'autres enfants qu'ils ont aussi désignés comme victimes, le nombre d'enfants comme d'adultes entendus, va exploser, passant à plusieurs dizaines.

"Concentration phénoménale de pédophiles?"

"N'avez vous pas eu le sentiment que ce quartier d'Outreau avait une concentration phénoménale de pédophiles?", interroge le président Philippe Dary. "Bien sûr, mais c'était 80% de nos affaires..." de mineurs, se souvient M. Wallet. Pour expliquer le phénomène, le policier invoque "l'alcoolisme et le fait
que de nombreux parents avaient déjà fait l'objet d'agression sexuelle par des familiers...
".

Loin d'être blasé, M. Wallet se souvient d'une "période assez difficile, vu les déclarations que nous faisaient les enfants (Delay)...". "C'était une des rares
fois qu'on avait pu entendre autant d'agressions sur des enfants, pas seulement des pénétrations...
", ajoute-t-il. Chez les parents Delay seront découverts "des centaines de cassettes pornographiques" ainsi que des "ustensiles pornographiques".

Et pour mener cette enquête, qui s'ajoute à plusieurs dizaines d'autres dont il est chargé dans le même temps, ses moyens sont dérisoires: "On manquait d'ordis, on avait une voiture pour 15 (...) on était quatre pour traiter cette affaire-là (...) et même à un moment à deux... Sans compter tous les autres dossiers". Au fil de l'enquête, des albums photos sont montrés à certains enfants et à d'autres, non, selon une logique qui étonne le président, comme certains avocats de ce procès. En outre seront présentés souvent des "catalogues (photos) avec que des gens concernés" par l'enquête, et non pas mélangés avec des personnes non impliquées, s'étonne Me Patrice Reviron, avocat de Jonathan Delay. "C'est le juge (Burgaud) qui m'a dit de faire comme cela...", répond M. Wallet.
3ème procès
Le dossier d'Outreau, portant sur un réseau pédophile présumé, a éclaté en février 2001. Mais après deux procès, à Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 puis en appel à Paris fin 2005, l'affaire débouche sur un "fiasco judiciaire" avec l'acquittement de 13 personnes sur les 17 mises en examen, après parfois trois ans de détention provisoire.

Devenu adulte handicapé, Daniel Legrand fils suit un traitement antipsychotique lourd et a évoqué mardi, au 1er jour de ce procès de 3 semaines, le cauchemar que lui a fait vivre cette affaire.
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