L'ancien juge d'instruction Fabrice Burgaud a une nouvelle fois défendu vendredi à Rennes, avec difficultés, son instruction de l'affaire Outreau, à la barre du procès d'un des 13 acquittés d'Outreau, Daniel Legrand, accusé de faits de pédophilie non jugés, commis avant ses 18 ans.
Après avoir exposé le fil de son instruction de 2001 et 2002 d'une voix un peu mécanique pendant plus de trois quarts d'heure, via un écran de vidéoconférence, le magistrat Fabrice Burgaud, 43 ans, a été mis en difficulté à plusieurs reprises par les questions incisives du président de la cour Philippe Dary, qui a rappelé qu'il était lui-même un ancien juge d'instruction.
Cheveux courts, le poids de dix ans de plus sur son visage tant médiatisé au milieu des années 2000 lorsque son instruction s'était soldée par un "fiasco judiciaire" et l'acquittement de 13 des 17 accusés, c'est les mains souvent crispées que Fabrice Burgaud a dû s'expliquer, et convenir, presque pour la première fois, de plusieurs faiblesses dans son travail. "Daniel Legrand fils est mis en examen sans période de faits", a d'abord souligné Philippe Dary. "Sur le territoire national, ça n'a aucun sens !" s'est-il exclamé. "Comment peut-on se défendre face à des accusations qui ne sont pas marquées dans
le temps ?" s'est interrogé le président.
"Ni Dany, ni Belges"
"Il aurait été préférable de préciser des périodes...", a admis Fabrice Burgaud avant d'ajouter: "Je pense que ce n'était pas possible par rapport aux auditions qu'on faisait..." Parmi "tous ces enfants (avec lesquels, ndlr) Daniel Legrand dit avoir été en présence" en les désignant sur des photos, lors de ses aveux temporaires au cours de l'instruction, a poursuivi Philippe Dary, "aucun (interrogé à leur tour, ndlr) ne désignera Daniel Legrand de quelque manière que ce soit (sur photos)... Ça interpelle ?" a poursuivi le président sans lui laisser de répit et sans que Fabrice Burgaud, cette fois, ne se défende.Philippe Dary a ensuite pointé le fait que, dans la plupart des cas, les albums photos qui étaient présentés aux personnes interrogées, victimes ou agresseurs présumés, ne comprenaient que des personnes impliquées dans le dossier. Elles n'étaient pas mélangées avec des personnes étrangères aux faits, comme cela se pratique d'ordinaire dans les enquêtes de police pour déceler les déclarations fantaisistes.
Fabrice Burgaud en a rejeté la faute sur les services de police, avant d'admettre qu'il aurait été "plus souhaitable" de panacher. "Je leur faisais confiance (aux services de police, ndlr) avec le peu d'expérience qui était la mienne... C'est vrai que quand ils (les albums photos) sont arrivés, j'aurai pu demander à ce qu'on les reprenne", a ajouté l'ancien juge d'instruction.
Reprenant le chef de mise en examen de Daniel Legrand, accusé de viols et agressions sexuelles nommément sur les quatre fils Delay, le président s'est étonné que ces quatre enfants soient "les seuls à qui on ne montrera pas de photos..." de Daniel Legrand et de son père, pour voir s'ils pouvaient les reconnaître. "Un élément de réponse, c'était aussi d'éviter la multiplication d'auditions sur des enfants très jeunes... Je ne les ai entendus qu'une seule fois..." a fini par répondre, après un silence long et embarrassé, Fabrice Burgaud.
Le président a enfin relevé la mise en cause de "+ces+ Daniel Legrand, qui ne sont ni +Dany+ Legrand, ni Belges, ni patrons de sex-shop...", alors que c'était ainsi que Myriam Badaoui, la mère des enfants Delay, avait décrit un des hommes, et non deux en même temps, qu'elle accusait d'avoir participé aux viols de ses enfants.
Daniel Legrand comparaît à Rennes depuis le 19 mai pour viols et agressions sexuelles sur les enfants Delay, pour la période où il était âgé de 16 à 18 ans, jamais jugée. Il a en revanche été acquitté, avec 12 autres des accusés d'Outreau, des accusations de viols postérieurs à sa majorité.
Son père, homonyme et également acquitté, est décédé en 2012.