La décision d'Eurotunnel de ne pas renouveler son contrat avec la compagnie maritime MyFerryLink et de persister à vendre les bateaux en dépit d'une dernière décision judiciaire favorable, relance l'incertitude autour de l'avenir des quelque 600 salariés du pavillon tricolore.
Le groupe Eurotunnel ne renouvellera pas le contrat avec la Scop (coopérative) de la compagnie maritime MyFerryLink qui arrive à échéance le 2 juillet et qui assurait des liaisons entre la France et l'Angleterre, a indiqué jeudi Eurotunnel.
"C'est confirmé, nous ne renouvelons pas le contrat avec la Scop qui courait jusqu'au 2 juillet, nous avons envoyé le courrier officiel hier (mercredi)", a indiqué un porte-parole du groupe.
En 2012, Eurotunnel, qui exploite le tunnel sous la Manche, avait racheté les bateaux de l'ex-SeaFrance pour les louer à d'anciens marins de la compagnie regroupés dans la Scop MyFerryLink, qui assure des liaisons entre la France et l'Angleterre. Mais les autorités britanniques estiment que cette situation pose des problèmes de concurrence.
Mi-mai, la cour d'appel britannique avait pourtant donné raison à la compagnie maritime française, suspendant l'interdiction de desservir Douvres depuis Calais qui lui avait été imposée par les autorités de la concurrence du Royaume-Uni. Elle avait ainsi estimé qu'il n'y avait pas eu de fusion au sens juridique du terme entre Eurotunnel et MyFerryLink et que l'Autorité de la concurrence et des marchés (CMA) n'était pas compétente dans ce dossier.
Eurotunnel cèderait-il à la pression de la CMA britannique ?
Mais cette victoire de MyFerryLink sur le terrain juridique n'a pourtant pas "modifié la donne" pour le groupe Eurotunnel. "L'Autorité de la concurrence et des marchés continue à tenir une position contre la présence d'Eurotunnel sur le marché maritime du détroit", plaide Eurotunnel, soulignant que la CMA envisage toujours de déposer un recours devant la Cour suprême, l'organe judiciaire le plus élevé du Royaume-Uni."Pour une société privée avec des actionnaires privés, nous ne pouvons travailler dans cette incertitude", a ajouté le porte-parole du groupe, qui qualifie toutefois MyFerryLink de "grande réussite" commerciale. Eurotunnel a indiqué qu'elle avait reçu "plusieurs" offres de reprise pour la vente des bateaux à l'issue d'un second round de négociations ouvert le 11 mai et qu'elle continuait à les analyser, sans donner plus de détails.
Interrogation sur l'emploi
Certains syndicalistes estiment, eux, que les problèmes de gouvernance à l'intérieur de la Scop ont pu peser dans la décision du groupe franco-britannique de rompre avec la compagnie maritime.MyFerryLink avait été placé le 10 avril en sauvegarde judiciaire, après l'éviction du directeur général adjoint de la compagnie, Raphaël Doutrebente par le conseil de surveillance de la compagnie et son président Didier Cappelle. "Si on n'est pas capable de remettre le directoire tel qu'il était (...) il (Jacques
Gounon, PDG d'Eurotunnel) vendra et il vendra dans de mauvaises conditions pour nous", a déclaré Thierry Haxaire de Force Ouvrière (FO).
A l'occasion de l'assemblée générale d'Eurotunnel le 29 avril à Coquelles, M. Gounon avait rappelé que son groupe "avait été le seul à racheter les bateaux lors de la liquidation de Sea France et à proposer à la Scop Sea France d'exploiter ses navires". "Nous avions été les seuls à faire une proposition avec de l'emploi", avait-il dit.
Concernant les premières offres de reprise, le patron d'Eurotunnel ne les avait pas jugées "satisfaisantes", notamment sur la question de l'emploi, légitimant "un 2e round".
MyFerryLink exploite une flotte constituée de trois bateaux, le Rodin (construit en 2001 pouvant transporter 1.900 passagers/700 voitures ou 120 camions), le Berlioz (construit en 2005 pouvant transporter 1.900 passagers/700 voitures) et le Nord-Pas-de-Calais (fabriqué en 1987, 120 passagers/85 camions).
La compagnie française propose chaque semaine plus de 200 traversées uniquement entre Calais et Douvres, transportant des véhicules de tourisme
et des véhicules fret. Deux autres transporteurs maritimes, le Danois DFDS et le Britannique P&O, assurent des liaisons entre les deux ports.