"Moi et mon père, on est innocents", a déclaré vendredi Daniel Legrand, un des acquittés de l'affaire d'Outreau, au dernier jour de son procès dans le dernier volet de ce dossier de pédophilie, juste avant que la cour ne se retire pour délibérer.
##fr3r_https_disabled##"Je le dis avec force, courage et dignité", a-t-il juste ajouté dans une très brève déclaration avant de se rasseoir. Le président a alors clos les débats de
ce procès entamé le 19 mai, avant de se retirer avec l'ensemble de la cour parmi lesquels les six jurés, quatre femmes et deux hommes. L'accusé encourt 20 ans de réclusion criminelle pour des accusations d'agressions sexuelles et viols sur enfants qu'il aurait commis avant ses 18 ans. Ces accusations n'avaient pas encore été jugées lors des procès de Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 et Paris en 2005 à l'issue desquels il avait été acquitté, comme 12 autres des 17 accusés, parmi lesquels son père, qui s'appelait Daniel Legrand également, et décédé depuis.
Les parties civiles qui défendent les enfants Delay, reconnus victimes de leurs parents et d'un couple de voisins en 2004, ont plaidé la culpabilité de Daniel Legrand, mais l'avocat général Stéphane Cantero a requis jeudi son acquittement au nom de son "innocence", et, comme à Paris en 2005, les avocats de la défense ont renoncé à plaider.
"J'espère que c'est la fin et qu'on me laisse tranquille une bonne fois pour toutes avec l'affaire Outreau", avait déclaré Daniel Legrand à la presse quelques minutes avant l'audience.
Dans son réquisitoire jeudi, l'avocat général Stéphane Cantero a demandé avec véhémence l'acquittement de Daniel Legrand, non pas au bénéfice du doute, mais parce qu'il "est innocent, parce qu'il n'a rien fait !". Comme à Paris en appel en 2005, les six avocats de la défense, la plupart anciens
conseils des acquittés d'Outreau, ont choisi de ne pas plaider.
"Jonathan (Delay, ndlr) n'est pas là parce que pour lui c'est compliqué en ce moment, ses nuits sont courtes (...) Quelle que soit la décision, il l'accepte",
a déclaré Me Patrice Reviron, l'avocat de ce jeune homme de 21 ans, dont les parents et un couple de voisins ont été condamnés dans l'affaire d'Outreau en 2004 pour les avoir violés, lui et ses frères, quand ils étaient enfants.
Fiasco
Treize des 17 accusés de cette affaire, parmi lesquels Daniel Legrand mais aussi son père, avaient été acquittés en 2004 et 2005 à l'issue de ce qu'on a surnommé le "fiasco judiciaire d'Outreau". Le président de la République Jacques Chirac leur avait même présenté des excuses. Mais Daniel Legrand ayant été renvoyé devant les assises pour une période où il était en partie mineur, seules les accusations portant sur sa majorité avaient été jugées.C'est l'association Innocence en danger qui, en 2013, a tenu à rappeler cet "oubli" au parquet général de Douai, à quelques semaines de la prescription.
Et le nouveau procureur général a choisi d'audiencer ce procès qui, en onze jours de débats et une cinquantaine de témoins, a semblé une "redite" complète des deux précédents.
"Ils se trompent"
Tous les "acquittés" encore vivants, les quatre condamnés pour les viols des quatre fils Delay (parmi lesquels leur mère Myriam Badaoui dont les multiples accusations dans l'instruction puis les revirements aux procès avaient fait basculer l'affaire) mais aussi l'ancien juge d'instruction Fabrice Burgaud, sont venus témoigner à Rennes. Si les avocats des parties civiles ont à de nombreuses reprises argué que ce procès avait le mérite de redonner la parole aux victimes dont les souffrances ont été escamotées par la place donnée aux acquittés, il était difficile de savoir, à la fin des débats, quel bénéfice en tireront les jeunes hommes que sont devenus Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, qui s'étaient constitué partie civile. L'avocat général a estimé que les accusations qu'ils ont portées à Rennes pour la première fois contre Daniel Legrand étaient le fruit de "souvenirs reconstruits", résultant de leur enfance de traumatismes et de viols mais aussi des violences psychologiques vécues lors de l'instruction et des procès. "C'est les respecter aujourd'hui que de leur dire qu'ils se trompent", a-t-il clamé.Mais Jonathan ne l'a pas vu ainsi: "Je me sens blessé... C'est une honte!", a-t-il réagi. "Il me dit que je me suis trompé de personne mais est-ce qu'il a le droit de me regarder dans les yeux et de me dire que je me suis trompé ?", a-t-il demandé. "Est-ce qu'il était là quand il y avait tous ces sévices à la maison ?"