Depuis 2015, une réplique grandeur nature d'un char St-Chamond trône à l'Historial de la Grande Guerre à Péronne dans la Somme. Démontée pour cause de travaux dans la cour, elle est actuellement remontée par les élèves du lycée Le Corbusier de Tourcoing, dans le Nord, qui l'ont conçue il y a 6 ans.
Depuis 2015, il accueille les visiteurs de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne dans la Somme. Dans la cour, une réplique grandeur nature en polystyrène d’un char Saint-Chamond de la Première Guerre mondiale est devenue l’un des objets phares du musée.
Mais à l'été 2020, des travaux de rénovation sont entamés dans la cour. Le char, doit être démonté. "À la différence d'un vrai véhicule que vous pouvez faire rouler, un objet en polystyrène d'une tonne, si vous le bougez, il casse, explique Hervé François, le directeur du musée. Donc il a fallu le démonter parce que la cour était vraiment en chantier : on devait tout y refaire".
Une semaine pour tout remonter
Les pièces sont stockées en attendant la fin des travaux et la possibilité de remonter le char à sa place. Mais le Covid-19, la crise sanitaire et les différents confinements sont passés par là. "Les travaux ont pris du retard et il y a eu le confinement des lycéens etc, regrette Hervé François. Et il y a peu de temps, les élèves ont pu revenir pour remonter le char."
Depuis le 21 juin, 7 élèves du lycée Le Corbusier de Tourcoing sont à Péronne "pour tout remettre en place et aussi un peu en état. Donc le char va réapparaître pour le plus grand plaisir des visiteurs parce qu'on en a eu qui nous disaient que c'était dommage qu'il ne soit plus là !"
Une semaine de travail sera nécessaire aux étudiants et à leur professeur pour le recoller, le repeindre, le reconstituer.
Le char Chamond est installé pour la première fois dans la cour de l’Historial en 2015. "Ce char, c'est l'histoire d'une rencontre entre le musée et les jeunes de ce lycée professionnel. Ils l'avaient déjà installé à Lille. Mais il avait vocation à ne pas durer. C’était une œuvre éphémère. Et je m'étais dit que ce serait bien qu’il reste. Comme on n’avait pas d’éléments massifs au musée, je l’ai fait venir ici", raconte Hervé François.
Une première vie
Car ce fac-similé en polystyrène de décoration a eu une première vie. À l'origine de ce projet de char grandeur nature éphémère, un professeur d'histoire-géographie du lycée Le Corbusier de Tourcoing dans le Nord. "Au moment du centenaire de la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale étant à son programme, il avait lancé un appel à la classe de graphisme décorateur qu'on avait en commun : est-ce qu'il serait possible de construire un char de la Première Guerre mondiale pour les portes ouvertes du lycée, raconte Thierry Duponcheel, enseignant dans la section BMA, graphiste en lettre et décor. Les élèves sont venus m'en parler dans l'atelier. On a regardé si on avait la place, la matière... On a étudié tout ça. Je suis allé voir mon proviseur, il a dit banco !"
Il a fallu 9 mois de travail entre le moment où l'idée est née et la première exposition du char : "des militaires, des anciens de l'armée sont venus nous montrer des documentaires. Il y a eu plusieurs cours faits sur le Saint-Chamond pour savoir comment il fonctionnait, comment ça se passait à l'intérieur et quel modèle choisir."
Le modèle choisi 62467, qui, en 14-18, portait le nom de Min p'tit Quinquin, est un char Saint-Chamond qui a vraiment existé et qui a combattu dans le Nord-Pas-de-Calais. "Les formes, les couleurs, tout a été guidé par des gens qui étaient experts : des retraités, des colonels. On a fait les choses dans les normes." Les étudiants ont néanmoins fait un gros travail de recherche, de maquettage et de calculs mais pas seulement : "ils se sont également chargés des commandes, l'appel aux fournisseurs, les devis. C'est le but d'un lycée professionnel que d'approcher du domaine professionnel de A à Z."
Modèle unique
Mais ce projet d’étude a rapidement dépassé les murs du lycée de Tourcoing, "il y a eu des fuites !", s’amuse Thierry Duponcheel.
Des fuites activées par le bouche à oreille : l'information qu'un projet d'envergure se prépare au lycée Le Corbusier se propage jusqu'à la ville voisine de Roncq. Les organisateurs de la Rétro'mécanique, un rassemblement de véhicules anciens et militaires, demandent à exposer à leur tour le char comme pièce maîtresse de la manifestation. "C'est la première sortie de notre char. Après ça, à partir d'une page ouverte par les élèves sur un forum dédié à 14/18 pour raconter l'aventure, on l'a exposé dans d'autres endroits la première année du centenaire : la mairie de Tourcoing, la fac de Lille 3, détaille Thierry Duponcheel. Hervé François, le directeur de l'Historial, a entendu parler de cette histoire. Il est venu voir notre char et il en est tombé amoureux !"
C'est comme ça que l'unique réplique grandeur nature du Char Saint-Chamond M1 s'est retrouvée dans la cour du musée de Péronne.
Il n’existe plus qu’un seul modèle de char Saint-Chamond au monde à Saumur "mais c'est un M3".
Objet pédagogique
Entre la première installation dans l’atelier du lycée et le remontage de 2021, plusieurs équipes d'élèves ont travaillé à ce projet sur plusieurs années. "Ce n'est pas évident de faire travailler des élèves qui n'ont pas été sur le projet d'une année à une autre mais c'est tellement grand qu'ils sont tous hyper motivés", se réjouit Thierry Duponcheel.
À Péronne, cette semaine, certaines pièces ont été refaites : "le canon et les mitrailleuses avaient été faits à l'origine en carton parce que ça devait être une présentation éphémère de deux ou trois mois. Mais comme ça a bien vécu, on a refait ces pièces en métal, en plastique ou en bois. Ce qui permet une durabilité beaucoup plus accrue".
"Tout le monde est bluffé par le réalisme de l’engin, avoue Hervé François. C’est devenu un objet pédagogique à part entière" Car même le nom d’origine de l’engin est peint à l’identique de l’original. Il faut dire que le métier de graphiste décorateur qu'apprennent les élèves engagés dans cette aventure s'appelait à l'origine le métier de peintre en lettres. À l'époque, le peintre en lettre réalisait le camouflage, la personnalisation et les inscriptions des chars de guerre.