Dans l'Aisne, pour lutter contre les discriminations à l'embauche, le dispositif des emplois francs est relancé

La préfecture de l'Aisne relance le dispositif des emplois francs. Il s'agit d'aides financières versées aux entreprises ou aux associations qui recrutent des habitants des quartiers classés prioritaires. Car "en fonction des adresses, les employeurs sont plus ou moins réticents à embaucher".
 

Le mardi matin 7 juillet à Laon, deux femmes, tout juste embauchées comme conductrices de car par la société de bus STDM de Laon sont au centre de toutes les attentions. Elles vivent dans des quartiers de l'Aisne bénéficiant de la politique de la ville, et leur emploi est en partie financé par le dispositif d'emplois francs. 

Un dispositif méconnu

L’objectif pour la préfecture de l'Aisne qui organise cette rencontre avec la communauté d’agglomération du pays laonnois est de faire une piqûre de rappel sur ces emplois francs sous-utilisés. Le but est de séduire les chefs d'entreprises et responsables associatifs qui ne connaîtraient pas encore ce coup de pouce financier de l'État pour inciter le monde de l'économie à recruter des habitants des quartiers classés prioritaires. 
 

"Nous n'étions pas au courant qu'elles étaient éligibles à cette aide aux emplois francs"

Linda Camus cheffe de secteur, société de bus STDM

Il y a encore du chemin à faire pour faire connaître ces aides financières en faveur des quartiers. Linda Camus est la cheffe de secteur du dépôt de Laon qui gère le parc de 21 cars qui sillonnent l'agglomération de Laon, où une vingtaine de salariés travaillent. C'est elle qui a recruté ces deux femmes. L'une, âgée de 37 ans, est originaire du quartier Léon Blum de Soissons. La seconde, 51 ans, vit dans le quartier Champagne à Laon. Mais la cadre s'étonne de ne pas avoir été informée de ces aides financières avant de les embaucher et de les former : "Nous n 'étions pas du tout au courant qu'elles étaient éligibles à cette aide aux emplois francs, explique-t-elle. C'est Pôle Emploi qui nous a informés. Ça n'est que du plus mais en aucun cas ça n'a été un critère d'embauche". Elle complète : "Nous sommes ouverts à tous. On ne s'occupe pas de ces aides. On ne recrute pas sur les adresses, ni les noms ni la couleur de peau mais sur la compétence".

Même constat du côté de Marylise Dambrine. Cette mère de famille de quatre enfants est l'une des deux conductrices embauchées par la STDM. Elle vient tout juste de signer un CDI après une reconversion professionnelle. Ancienne employée dans des grandes enseignes de prêt-à-porter, elle a changé de métier suite à une maladie. Heureuse d'avoir pu décrocher cet emploi de conductrice de car après avoir réalisé une formation, elle aussi ignorait l'existence des emplois francs : "Je n'étais pas au courant des emplois francs, je trouve que c'est une bonne idée pour l'embauche. Mais il faut que les chômeurs et les entreprises le sachent plus" .

Vivre dans les quartiers prioritaires, un frein à l’accès l’emploi 

Le dispositif est censé corriger une forme de discrimination des habitants vivant dans les quartiers les plus difficiles. Le taux de chômage y est bien plus élevé qu'ailleurs en France. Dans l'Aisne, il est de  25 % . C’est deux fois et demi le taux de chômage national. Selon certaines études récentes, le fait de vivre dans ces quartiers constitue en soi un frein à l’accès l’emploi. Dans ces quartiers bénéficiant de la politique de la ville, les difficultés d’accès à l’emploi touche toutes les personnes : les plus jeunes, les plus âgées comme les plus diplômées.

La réalité est criante, selon le secrétaire général de la préfecture de l'Aisne : "En fonction des adresses, les employeurs sont plus ou moins réticents à embaucher". Changer les mentalités est difficile mais possible précise-t-il : selon lui, les employeurs ne recrutent pas une personne pour bénéficier d’une prime complète "mais celui qui pourrait avoir une hésitation, si en contrepartie, il y a la prime il hésitera moins". D’où la nécessité de faire connaître un dispositif qui ne l’est pas suffisamment du côté de l’employeur, comme des personnes à la recherche d’un emploi. 

"Pour un CDI, l’État verse 5000 euros par an pendant 3 ans et pour un CDD de plus de 6 mois, c’est 2500 euros pendant 2 ans"

Pierre Larrey, secrétaire général de la préfecture de l'Aisne
 

Les emplois francs et les aides financières qui les accompagnent ne sont pas négligeables  pour les chefs d’entreprises ou responsables associatifs  : "Pour un CDI, l’état verse 5000 euros par an pendant 3 ans et pour un CDD de plus de 6 mois, c’est 2500 euros pendant 2 ans", explique le secrétaire général de la préfecture de l'Aisne. Il met également en avant les atouts d'un dispositif simplifié :  "Le seul critère, c’est l’adresse, l’employeur peut se trouver dans n’importe quelle région de France. Pas de critère d’âge, pas de niveau de diplôme. C’est assez rapide à la mise en place dès la signature du contrat de travail. L' aide arrive deux mois après la signature du contrat de travail".

Dans l’Aisne, moins d’emplois francs signés en 2020 qu’en 2019 à cause de la crise sanitaire

D’abord mis en place dans la métropole lilloise puis dans certaines régions françaises dont les Hauts-de-France entre le 1er avril 2018 et fin décembre 2019, les emplois francs ont été généralisés à l’ensemble des régions depuis le début de l’année 2020. En Picardie, 44 quartiers prioritaires sont éligibles au dispositif.

Jusque là, dans les Hauts-de-France, les objectifs fixés par le ministère du Travail avaient été atteints par rapport aux autres régions. "La première année, l’objectif était d’atteindre 4209 emplois francs dans les Hauts-de-France, 4408 ont été signés. Dans l’Aisne, 225 contrats avaient été conclus en 2019", rappelle Pierre Larrey.
 

Mais en 2020, il y a un vrai ralentissement dans les Hauts-de-France. Le but est d’atteindre 4700 emplois francs. Aujourd’hui, leur nombre dans chacun des cinq départements de la région est encore faible :
  • dans l’Aisne il y en 301;
  • 2714 dans le Nord;
  • dans, l’Oise 438;
  • dans le Pas de Calais, 974;
  • et la Somme 273.

"Il y avait une bonne dynamique jusqu’en mars et en raison de la crise sanitaire, cela a diminué. Nous sommes très loin d’il y a un an. On aurait dû en signer 2260 à cette même période, nous n’en sommes qu’à 1500. Et dans l’Aisne, il y a un peu plus de retard qu’ailleurs", complète Pierre Larrey.

Les emplois francs : comment ça marche ?

Il s’agit d’une aide financière versée à tout employeur, entreprise ou association si celui recrute un demandeur d’emploi ou un jeune suivi par une mission locale vivant dans les quartiers les plus fragiles. Les conditions à remplir pour bénéficier de l'aide de l'État sont précises : 
  • Embaucher un demandeur d’emploi, inscrit à Pôle emploi, ou un adhérent à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui réside dans l’un des quartiers faisant partie de l’expérimentation ;
  • Embaucher cette personne en CDI ou en CDD d’au moins 6 mois entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2019 ;
  • Ne pas embaucher une personne ayant fait partie de l’entreprise dans les 6 mois avant sa date d’embauche ;
  • Ne pas avoir procédé, dans les 6 mois précédant l’embauche, à un licenciement pour motif économique sur le poste à pourvoir.

C'est Pôle Emploi qui gère les dossiers.

Dans le département de l’Aisne, les emplois francs sont possibles dans 17 quartiers prioritaires répartis dans 9 villes : Saint-Quentin, Soissons, Laon, Château-Thierry, Hirson, Chauny, Tergnier, La Fère et Villers-Cotterêts :
 
Dans l’Aisne, les habitants des quartiers prioritaires représentent 39 000 habitants. C’est 7 % de la population du département.
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