Jacques Rançon, déjà condamné à perpétuité pour deux meurtres, vient d'avouer en garde à vue l'assassinat et le viol d'Isabelle Mesnage en 1986. "Le tueur de la gare de Perpignan", originaire de Hailles (80), aurait-il aussi tué les quatre "disparues de l'A26" entre 1985 et 1988 ?
"C'est un tel coup de tonnerre, qu'il faudra régler ces affaires", affirme Me Corinne Herrmann, avocate pénaliste spécialisée dans les affaires non résolues. Ce coup de tonnerre, ce sont les aveux de Jacques Rançon, qui a reconnu mardi 18 juin durant sa garde à vue à Béziers l'assassinat et le viol d'Isabelle Mesnage le 28 juin 1986. Ces affaires, ce sont des meurtres sans coupable qui hantent la Picardie.En effet, pour Me Herrmann, il est légitime de relancer ou d'accélerer les investigations à la lumière des révélations récentes de Jacques Rançon : "devant un tueur en série, il faut toujours revenir au berceau de ses crimes et s'intéresser aux affaires de la région".
Elles s'appelaient Sophie Borca, Christel Oudin, Marie-Thérèse Borde et Ghislaine Charlier.
La chronique judiciaire les a baptisées les "disparues de l'A26", leurs meurtres ayant suivi l'avancée des travaux de construction de cette autoroute sur un tronçon entre Saint-Quentin et Laon dans l'Aisne.
Sophie Borca
Sophie Borca avait 16 ans en mai 1985, lorsqu'elle disparait à la sortie du collège-lycée Henri-Martin de Saint-Quentin. Le corps de l'adolescente est découvert quelques semaines plus tard dans un bois à Homblières, une commune proche. L'information judiciaire a abouti à un non lieu en 2006.Christel Oudin
Le 17 novembre 1985, une autre élève du collège-lycée Henri-Martin de Saint-Quentin disparaît entre Moy-de-l'Aisne et Brissy-Hamégicourt dans l'Aisne. Christel Oudin, 13 ans, est finalement retrouvée morte à Anguilcourt-le-Sart sur le chantier de l'autoroute A26 par un conducteur d'engin.Dans cette affaire, close sur un non-lieu ordonné par la justice en 1989, les chances de retrouver l'assassin sont minimes : les éléments matériels du crime ont disparu et la jeune fille a été incinérée.
Après un long combat judiciaire, Me Corinne Herrmann, qui défend les familles Borca et Oudin, a obtenu en 2012 la réouverture des dossiers. Les vêtements de Sophie Borca, sous scellés judiciaires, ont été réexaminés permettant la découverte de plusieurs traces ADN.
Certaines d'entre-elles correspondent-elles au profil génétique de Jacques Rançon ? "Toutes les comparaisons n'ont pas encore été faites", précise Me Herrmann, tout en atténuant l'importance de l'ADN : "dans l'affaire Parrish, il n'y a pas de traces ADN de Michel Fourniret et pourtant c'était lui." [ndlr : Joanna Parrish était une jeune Britannique de 20 ans retrouvée le 17 mai 1990 dans une rivière à Monéteau (Yonne), après avoir été violée, battue et étranglée ; le tueur en série Michel Fourniret a avoué sa culpabilité en février 2018]. "Il faut aussi vérifier l'emploi du temps de Jacques Rançon au moment du meurtre."
Marie-Thérèse Borde
Le 30 juin 1988, Ghislaine Charlier, 43 ans, était sortie pour faire un jogging. Le lendemain, on retrouve son cadavre dans un fossé de la commune de Montigny-en-Arrouaise dans l'Aisne.Selon Jean-Marc Ducos, journaliste au Parisien, invité de Jacques Pradel sur RTL en septembre 2013, "la première autopsie conclut à un accident de circulation", relevant un choc violent à la tête et des marques suspectes dans le dos. Mais toujours selon lui, "le corps a été bougé et retourné (...), le médecin légiste là-dessus est formel". Aucune trace d'agression sexuelle n'est constatée.
Ghislaine Charlier
Ce n'est pas sur le chantier, mais sur l'aire de Saint-Brice, en fonction depuis un peu plus d'un an que disparaît Marie-Thérèse Borde le 23 octobre 1988. Ce dimanche, cette représentante de commerce est en route pour une affaire à Reims. On retrouve sa voiture, vide ; on relève des traces de sang.Une semaine plus tard, Marie-Thérèse Borde est découverte sans vie par des chasseurs dans un bois à Ployart-et-Vaurseine au sud de Laon, à plus de trente kilomètres de l'aire de Saint-Brice.
Close en 1993 par un non-lieu, l'enquête a été rouverte le 5 juillet 2016 par le procureur de Laon. A l'époque, le commissaire Hervé Gac, responsable de la Police judiciaire de Picardie, révèle que "différents témoignages peuvent intéresser [les enquêteurs]. Notamment, des éléments qui ont une force intéressante pour le dossier". Ces témoignages accréditeraient la piste d'un auteur originaire du secteur. Un appel à témoin est même lancé.
Les aveux de Jacques Rançon durant sa garde à vue à Béziers sont le résultat du "travail extraordinaire des enquêteurs, des juges et du parquet d'Amiens saisis en octobre et qui obtiennent des aveux en juin", selon Me Herrman. Une efficacité, qui, on l'espère, enclenchera une dynamique de réussite dans les affaires non résolues.