L'histoire du dimanche - Jean de La Fontaine, l'illustre enfant de Château-Thierry

Il est mondialement connu pour être l'un des plus grands fabulistes de tous les temps. Mais qui sait que Jean de La Fontaine est né à Château-Thierry dans l'Aisne ? Une ville à laquelle il est resté attaché toute sa vie.

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On la surnomme la Cité des fables, ce n'est pas pour rien. Il y a 400 ans cette année, Château-Thierry voyait naître son plus illustre enfant : Jean de La Fontaine. La date de naissance du fabuliste est d'ailleurs connue de manière assez approximative. "Nous possédons son acte de baptême au musée, enregistré le 8 juillet 1621. Mais à l'époque, on enregistrait seulement les baptêmes, très rapidement après la naissance. Il est donc né le 8 ou la veille, le 7", explique Nicolas Rousseau, directeur du pôle muséal de Château-Thierry, comprenant le musée Jean de La Fontaine.

Jean de La Fontaine naît et habite dans l'hôtel particulier construit en 1559 et acheté par ses parents, Charles de la Fontaine et Françoise Pidoux, lors de leur mariage en 1617. 

Jean de La Fontaine est issu d'une famille de marchands-drapiers en voie d'anoblissement. Son père, Charles, est maître des eaux et forêts, une sorte d’ingénieur. Le poète passe ses premières années à Château-Thierry. "On sait qu'il est allé à l'école à Château-Thierry. On en a la trace par un de ses amis de collège François de Maucroix qui sera son ami toute sa vie", précise Martine Picard, enseignante à Château-Thierry et auteure de Tout sur La Fontaine ou presque

Jean et son jeune frère Claude vivront une enfance heureuse dans cette grande maison de pierres blanches située dans une étroite ruelle qui s'appelle à l'époque la rue des Cordeliers. "Après le collège, il continue ses études à Paris. Il passe un an et demi à l'oratoire pour devenir prêtre, mais finalement suit des études de droit et obtient un diplôme d'avocat. Autour de ses 20 ans, il fréquente les cabarets, des sociétés littéraires. Il écrit des vers", raconte l'auteure.

Attaché à sa terre natale

Après ses années de formation, La Fontaine achète et exerce la charge de maître des eaux et forêts comme son père. Elle l'amène à parcourir le territoire autour de sa ville natale de l'Aisne. "Jeune, il accompagnait déjà son père qui était bon cavalier à travers un territoire assez important. Son droit a dû lui servir pour exercer sa charge, trancher des affaires, prendre des décisions", estime Martine Pichard. "Nous conservons dans les salles du musée un marteau de maître des eaux et forêts qui servait pour marquer les arbres choisis pour être abattus", précise Nicolas Rousseau, le responsable des musées locaux.

La Fontaine est très attaché à sa terre natale. "Je suis homme de Champagne", disait-il de lui-même. À l'époque, le découpage administratif ne place pas encore Château-Thierry en Picardie et encore moins dans les Hauts-de-France.

Le fabuliste évoque ses rêveries en parcourant forêts, champs et vignes du secteur. "Il aime cette atmosphère de petite ville. Il s'inquiète de l'état du Pont de la Marne et écrit une ballade au riche Surintendant Fouquet pour en financer la restauration", écrit Martine Pichard. Dans trois de ses œuvres, le poète évoque Château-Thierry. "À chaque fois qu'il part, il y revient. C'est son point d'attache", raconte-t-elle.

Le temps des fables

Le 11 novembre 1647, Jean de La Fontaine épouse Marie Héricart. Il a 26 ans et elle, 14 ans et demi. Elle lui donne un fils, Charles, mais il se lasse très vite de son épouse qu'il délaisse. Ils se séparent en 1657. Il ne se préoccupera que peu de l'éducation de son fils.

Son travail ne le passionne pas non plus, alors il écrit. En 1664, le fabuliste partage son temps entre Paris et Château-Thierry. C'est le moment où il fait une entrée remarquée sur la scène littéraire publique avec un premier conte. Car, c'est moins connu, l'auteur écrit des contes jugés licencieux à l'époque et aussi quelques livrets d'opéra.

Mais son plus grand succès sera ses fameuses fables. "Il a remis au goût du jour un style littéraire de l’Antiquité, la fable, s'inspirant d'Esope. Avec humour et esprit il décrit les caractères humains au travers des animaux", indique Nicolas Rousseau. La Fontaine écrira 244 fables en tout. Son œuvre connaît le succès de son vivant avec 40 rééditions de ses fables.

Malheureusement, les auteurs de l'époque ne touchaient rien sur les ventes. À 55 ans, criblé de dettes, après avoir dilapidé la fortune paternelle, il doit vendre les biens familiaux et notamment sa maison de famille de Château-Thierry en 1676. "Il a passé sa vie à courir après l’argent", confie Nicolas Rousseau.

À Paris, il trouve asile auprès de nouveaux protecteurs. En 1684, il est élu à l’Académie française "un peu contre l'avis de Louis XIV et de Colbert à cause de ses contes jugés trop osés", raconte le directeur des musées. "Il vivait seulement de ses jetons de présence à l’Académie."

Jean de la Fontaine meurt le 13 avril 1695, pas à Château-Thierry mais à Paris. Il est enterré au cimetière des Saints-Innocents. Après la Révolution, ses restes présumés sont transférés au cimetière du Père Lachaise où ne reste aujourd'hui qu'un cénotaphe.

L'hommage de sa ville natale

Sa présence n'est pourtant pas oubliée dans sa cité de l'Aisne. La rue des Cordeliers, où se situe la maison natale du poète, devient la rue Jean de La Fontaine à la Révolution française. Le 6 novembre 1824, une statue à son effigie y est inaugurée, œuvre du sculpteur Charles Pierre Laitié et offerte par Louis XVIII.

À partir des années 1850, l'attachement de la ville à son souvenir prend un nouvel élan. Jusqu'à la Révolution, l'événement annuel local était une procession religieuse le 7 mai de chaque année. À compter de juin 1853, d'après Tony Legendre, historien local, se déroule la première édition d'une grande fête consacrée à Jean de La Fontaine. "L'Impératrice Eugénie avait décidé d’envoyer une pendule en marbre blanc représentant Jean de La Fontaine à la société d'arquebuse locale alors réputée. Honorée, cette dernière a décidé de fêter l'événement sous le patronage de la municipalité en organisant une fête en l'honneur de La Fontaine et de l'Impératrice", raconte l'historien.

Depuis les éditions se sont enchaînées. "Il n'y a pratiquement jamais eu d'interruption de la fête Jean de La Fontaine. Elle n'a pratiquement jamais été annulée, sauf pendant les guerres ou en 1998 pour éviter la concurrence avec la Coupe du monde. En mai 1968, la fête a été seulement reculée d'une semaine", constate-t-il, intarissable en anecdotes. 

L'image de l'érudition à la Française

Quant à la maison natale de Jean de La Fontaine, elle aura 9 propriétaires différents et restera un lieu d'habitation jusqu'en 1876, date à laquelle elle devient un musée. Une souscription publique est lancée en 1869 par la Société Historique et Archéologique et cinq personnalités, dont l’Empereur Napoléon III et le Ministre de l’Instruction Publique, pour acheter la maison aux propriétaires de l'époque. La guerre de 1870 interrompt la souscription. Il faudra attendre 1872 pour que l'hôtel particulier change de main. Il sera cédé en 1876 à la ville de Château-Thierry et sera également classé au titre des monuments historiques en 1886.

Les lieux servent d'abord de musée des beaux-arts avant d'être consacrés à l'enfant du pays. S'il ne reste rien de son mobilier, le musée présente des collections d'objets en lien avec l'œuvre du fabuliste. "Elle a eu beaucoup d'influence dans les arts décoratifs au XVIIIème. Les fables apparaissent notamment sur des tapisseries d’Aubusson", explique Nicolas Rousseau. Des produits dérivés avant l'heure en quelque sorte. 

Sous la IIIème République, l'Éducation nationale remet l'auteur au goût du jour en faisant apprendre ses fables aux plus jeunes à cause de leur morale. De nos jours, Jean de La Fontaine suscite toujours un intérêt étonnant dans le monde. "Dans beaucoup de pays son œuvre est connue et relayée, se réjouit Nicolas Rousseau. Il représente une certaine image de l'élégance et érudition françaises." Certains de ses vers sont mêmes devenus des proverbes courants. "La raison du plus fort est toujours la meilleure. Rien ne sert de courir, il faut partir à point."

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