L'alpaga est un animal que l'on croise normalement en Amérique du Sud. Pourtant, les Hauts-de-France possèdent quelques élevages, dont celui de la Cour Farroux, près de La Capelle dans l'Aisne. Le public est venu nombreux samedi 11 mai 2024, pour admirer la tonte annuelle d'une quarantaine de ces camélidés.
C’est un jour événement pour un animal encore atypique dans nos contrées. Ce samedi 11 mai 2024, la quarantaine d’alpagas de la Cour Farroux, à Sommeron (Aisne), passe à la tondeuse ! Une tonte annuelle, ouverte au public, qui semble avoir attiré autant de curieux que l’an dernier : 2 000 personnes ont fait le déplacement.
“Il fait beau, le parking est déjà plein, il y a énormément de monde !", se réjouissait Didier Chatelain ce midi. Entrée gratuite, food-truck, marché de producteurs locaux, exposition de tracteurs : cette année encore, l’éleveur de Thiérache a mis les petits plats dans les grands pour que la fête soit belle.
Une tonte vitale
Le geste peut paraître rebutant, voire cruel, mais la tonte des alpagas, aux 22 couleurs de pelage uni comme tacheté, est à la fois esthétique et vitale selon l’éleveur. Il fait tous les ans appel au même professionnel breton, Pascal Meheust, qui réalise la coupe parfaite en moins d’un quart d’heure.
“Depuis les Incas il y a 5 000 ans, l’intervention de l’homme a toujours été nécessaire, explique Didier Chatelain. La toison des alpagas fait 10-12 centimètres, elle les fait souffrir de la chaleur et gêne la reproduction, ils mourraient en 3 ou 4 ans si on ne faisait rien.”
Le retrait de ces kilos de laine comporte aussi sa part de surprises. “Nous avons des étalons et des femelles Appaloosa, très recherchés pour leur toison aux taches diffuses, détaille Didier Chatelain. Quand on enlève la toison, on voit apparaître les points tout le long du corps, les gens disent : « Oh ! On dirait une girafe ! »”
De plus en plus nombreux à avoir la fibre
Les visiteurs peuvent repartir avec leur sac de laine brute d’alpaga, vendue pour l’occasion. Elle est réputée pour sa chaleur et sa douceur. “La fibre est hypoallergénique, thermorégulatrice, elle peut être cardée et filée après un simple dépoussiérage”, assure Didier Chatelain.
Le reste sera transformé en pelotes par une société corrézienne, pour revenir alimenter la boutique de l’élevage axonais et ses produits tricotés. De la laine blanche ira aussi au Mohair de Mormal (Nord), qui propose également des vêtements et aime conjuguer l’alpaga au mohair de ses chèvres.
La boutique n’est qu’une petite partie de l’activité de Didier et Brigitte Chatelain. Toute l’année, le couple d’éleveurs organise des visites de groupes ou de familles (une grande salle d’accueil a été construite), propose de la médiation animale en partenariat avec des établissements spécialisés (handicap, autisme, trisomie, Alzheimer) et commerce avec ses homologues européens. “On travaille sur la génétique et on vient de faire tester nos alpagas pour le génotype, on est le seul élevage en France à l’avoir fait”, précise fièrement Didier Chatelain.
L’expertise des Picards s’est renforcée au fil des ans, comme celle des vétérinaires du secteur (l’alpaga n’est pas vraiment au cœur du cursus de formation en France) : “Il y a un spécialiste européen qu’on a mis en relation avec le cabinet de vétérinaires de Maroilles, ça se passe très bien maintenant.”
Que de chemin parcouru depuis leur première rencontre avec une équipe de France 3 Picardie, il y a 6 ans.
Didier et Brigitte Chatelain ont été rejoints depuis dans les Hauts-de-France par quelques Nordistes : un élevage de Bailleul, un autre de Quesnoy-sur-Deûle (à qui ils ont vendu plusieurs animaux) et un petit dernier près de Cassel (avec trois femelles de chez eux là aussi). On peut aussi approcher des alpagas dans une ferme pédagogique de la Somme, à Guizancourt.
“Avec le Covid, pas mal de personnes veulent changer de vie et on a vu des jeunes s’installer dans l’élevage d’alpagas dans plusieurs régions”, analyse Didier Chatelain.
On ne dépassera pas 40, on veut être près de nos animaux.
Didier Chatelain, éleveur
De grands élevages existent au-delà de nos frontières, avec une voire plusieurs centaines d’animaux en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Les Chatelain ont beau avoir doublé leur propre cheptel, ils n’iront pas plus loin.
“On ne dépassera pas 40, assure l’éleveur picard. On veut être près de nos animaux, les éduquer pour que leurs futurs propriétaires puissent les travailler pour du soin, de la promenade ou des concours.”
Manipulée et sans doute stressée par sa tonte opérée dans l’intimité vendredi matin, une femelle a mis bas 10 minutes plus tard. “Elle était au terme, tout va bien”, rassure Didier Chatelain. Deux nouvelles naissances sont attendues dans les jours qui viennent.