Projet Rockwool à Soissons : avis défavorable du commissaire-enquêteur

Le commissaire-enquêteur a rendu un avis défavorable au projet Rockwool. L’enquête publique menée en décembre aurait révélé trop de désavantages à l’implantation de l’usine du groupe danois spécialisé dans la fabrication de laine de roche à proximité de Soissons dans l’Aisne.

La décision est désormais entre les mains du préfet. En début de semaine, le commissaire-enquêteur Jean-Quentin Delval, en charge d’évaluer les avantages et les inconvénients du projet d’implantation d’une usine spécialisée dans l’isolation pour l’habitat et la construction à Courmelles, a révélé ses conclusions. L’avis est défavorable au projet porté par le groupe danois Rockwool.

Dans l’ensemble, le commissaire-enquêteur considère que les désavantages l’emportent sur les avantages du projet. Etant indépendant et neutre par rapport à tous les acteurs de ce projet, le commissaire-enquêteur donne un avis défavorable au projet soumis à l'enquête publique.

Jean-Quentin Delval, commissaire-enquêteur

Une décision saluée par Thomas Wozniak, membre de l’association Stop Rockwool. "Il n’y a pas d’étonnement au vu du nombre d’inconvénients relevés par la forte mobilisation citoyenne qui a eu lieu. Chacun avec ses compétences a pointé un certain nombre d’incohérences."

"On a quand même une agglomération de 50 000 habitants vers laquelle près de 1000 tonnes de produits chimiques pourraient être portés par le vent. C’est un projet énergivore, qui va à l’encontre de la lutte contre la pollution de l’air et de tous les engagements pour le climat qu’il peut y avoir."

Le lieu choisi remis en question

Plusieurs points ont été soulevés pour appuyer cette décision. Parmi eux, l’impossible évaluation de la pollution visuelle. "En matière d’intégration paysagère, les simulations fournies pour le dossier de permis de construire ne sont pas très explicites (…). Les vues proposées sont toutes faites à faible distance et sans fumée alors que le dégagement sera continuel", expose l’expert.

Il pointe également du doigt le fait que les élus du Grand Soissons s’étaient, dans un autre projet, prononcés contre l’implantation d’éoliennes en arguant le besoin d’un périmètre de sauvegarde de 20 km autour de l’agglomération. Le préfet de l’Aisne leur avait alors donné raison. Ce point ne serait pas respecté en l’état actuel du projet Rockwool.

Le lieu choisi par l’entreprise est également remis en question. "Ayant la connaissance et l’expérience de "terrain", le commissaire enquêteur s’interroge sur le lieu d’implantation ; à savoir installation sur un plateau en amont d’une vallée avec vents dominants sur cette dernière."

Non respect du principe de précaution

A l’issue de ces trois premiers points, l’expert affirme que "tous ces risques non maîtrisés ne respectent pas le principe de précaution qui doit prévaloir en matière de santé publique." Il poursuit en énumérant les produits rejetés dans l’air pouvant être à l’origine de certaines maladies "maladies cardio-vasculaires, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, pathologies respiratoires, asthme, cancers, Alzheimer, grossesses compliquées."

Des éléments soulevés lors de l’enquête publique le 30 octobre 2020 par un collectif de 29 médecins de Soissons et ses environs. Dans un manifeste, le collectif soulignait outre la quantité de produits chimiques déversés dans l’atmosphère le problème qu’elle le soit "au-dessus de la cuvette soissonnaise et des villages environnants situés sous les vents dominants."

Un réel gain d’emplois ?

Une dizaine de jours plus tôt, c’est Thomas Le Roux, chargé de recherches (CNRS) et fils d’une habitante de Soissons qui s’exprimait sur le sujet dans une lettre ouverte. Le chercheur y dénonçait "les procédés de fabrication très polluants" et "un chantage à l’emploi". "Mais les 150 emplois promis le seront-ils réellement ? Pour combien de temps ? Quel sera le bassin d’emploi ?", s’interrogeait-il.

J’entends l’argument de l’emploi, mais comme pointé dans l’avis, il y a près de 600 offres non pourvues à moins de 10 km de Soissons. Ce ne sont pas de nouveaux emplois dont nous avons besoin, mais d’un meilleur accompagnement vers ceux qui existent. Surtout, avec ce qui se passe en ce moment, on ne peut pas privilégier l’emploi à la santé.

Thomas Wozniak, membre de l’association Stop Rockwool

Cette problématique du bassin d’emplois était soulevée dans un article intitulé Femmes et vulnérables, en milieu rural publié le 23 décembre 2020 par Mediapart. A Saint-Éloy-les-Mines dans le Puy-de-Dôme, où s’est installé Rockwool, l’usine de laine de roche danoise, a créé "600 emplois, qui ne profitent pas beaucoup à la commune : les deux tiers des ouvriers habitent à Montluçon ou à Clermont-Ferrand. Et si de nouveaux arrivants s’installent, c’est parce que le prix au mètre carré y est moins cher qu’ailleurs", peut-on y lire.

Une mise en perspective d'autant plus importante que les emplois directs et indirects que promettait de créer l'entreprise au lancement du projet en 2018 constituait l'un des principaux arguments avancés par les élus soutenant l'implantation de l'usine. D'ailleurs, le maire de Soissons, Alain Crémon, regrette que ce potentiel apport a été sous estimé par le commissaire-enquêteur.  "Pour ce qui est de l’environnement, de la santé, ce n’est pas mon champ de compétence et je me garderai bien de commenter. En ce qui concerne l’économie, je suis néanmoins stupéfait de l’opinion du commissaire-enquêteur s’agissant de l’emploi."

Dans le cadre de mes permanences je vois beaucoup de Soissonnais durement touchés par le chômage dont la préoccupation primordiale est de trouver un emploi. Et pour lui, c’est un élément non déterminant dans son analyse.

Alain Crémon, maire de Soissons

Le groupe danois Rockwool, leader mondial de son secteur, promettait en 2018 au minimum 130 emplois directs et des emplois indirects. Le projet sur 40 ha de la zone du Plateau permettrait de produire de l’isolant pour 80.000 maisons/an.

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