À l'approche du centenaire de la bataille de Vimy, les yeux des Canadiens sont rivés sur Vimy et son mémorial, auquel se rendront le Premier ministre Justin Trudeau et une partie de son gouvernement. Mais l'importance de la victoire canadienne a-t-elle été surestimée?
Acte de naissance du Canada moderne ou mythe national? La bataille de la crête de Vimy, dont le centenaire est célébré dimanche 9 avril donne lieu à un débat au Canada sur l'importance réelle de ce fait d'armes canadien de la Grande Guerre.
La reprise de cette crête, longue de sept kilomètres et tenue par les Allemands depuis octobre 1914, est considérée au Canada comme un point de bascule de la Première Guerre mondiale.
Pour le Premier ministre Justin Trudeau, qui sera présent dimanche aux côtés de François Hollande, "la bataille de la crête de Vimy a marqué un tournant dans la Première Guerre mondiale et pour le Canada" avec "pour la première fois, quatre divisions du Corps canadien composées de soldats venus de chaque région du pays, combattant ensemble sur le même champ de bataille".
Tim Cook, historien au Musée canadien de la guerre à Ottawa, note que "bon nombre d'historiens considèrent la victoire canadienne à Vimy comme un moment déterminant pour le Canada, celui où le pays sortit de l'ombre de la GrandeBretagne".
Le 9 avril 1917, un lundi de Pâques, 100.000 soldats canadiens sont mobilisés sur un front de 7 km de large au pied de la crête. Trente mille d'entre eux, artilleurs et fantassins, s'emparent de la position au bout de quatre jours de combat. Près de 3.600 d'entre eux sont tués et plus de 7.000 blessés.
La bataille de Vimy, "c'est de la mythologie pure", s'insurge l'historien Michael Boire, professeur au Collège militaire royal de Kingston (Ontario), l'académie des officiers.
L'importance que l'on accorde à la bataille de Vimy, c'est une construction mythologique d'après-guerre
Sans minimiser l'importance de cette bataille, cet ancien du régiment du Black Watch à Montréal tient à la relativiser. Elle ne fut, dit-il à l'AFP, ni décisive pour la suite de la guerre "ni la plus fondamentale" des batailles livrées par les Canadiens lors du conflit.
Pour l'ancien major de l'armée canadienne, les interprétations historiographiques divergentes s'expliquent par plusieurs facteurs.
"L'importance que l'on accorde à la bataille de Vimy, c'est une construction mythologique d'après-guerre", une "invention" remontant à 1967, année du centenaire du Canada et du cinquantième anniversaire de la bataille.
Une bataille "comme toutes les autres" pour les survivants
Vimy est ensuite entré dans la légende avec le récit qu'en a fait l'animateur Pierre Berton dans un livre éponyme vendu à des centaines de milliers d'exemplaires dans les années 1980. Or, juge Michael Boire, ce récit est "une fabrication" truffée de "on dit" et ne reposant sur aucune recherche authentique.
La victoire canadienne à Vimy est aujourd'hui considérée comme une étape dans l'affranchissement colonial du Canada par rapport au Royaume-Uni. A l'époque, cependant, c'est un Britannique qui commande les Canadiens, qui sont d'ailleurs intégrés au Corps expéditionnaire de l'Empire. Et le Canada n'acquiert sa quasi autonomie politique qu'en 1931.
Loin du récit national, "la majorité" des combattants sont des immigrants en provenance des îles britanniques, les Canadiens --aussi bien anglophones que francophones-- rechignant à s'enrôler.
Appuyé par une centaine d'entretiens auprès de survivants de Vimy dans les années 1960 et 1970, Michael Boire rappelle qu'à leurs yeux cette bataille avait été "comme toutes les autres".
Plus importantes avaient été pour ces soldats, la bataille de Saint-Julien, en Belgique, où 18.000 Canadiens avaient résisté victorieusement en avril 1915 aux premières attaques au gaz des Allemands, ou celle d'Amiens le 8 août 1918, qui marqua le début de la fin pour l'Allemagne.
Au Canada, "un seul livre" a été écrit sur Amiens "et c'est notre plus grand combat" de la guerre. "On provoque l'effondrement de l'armée allemande, ce qui n'est pas rien, et on ne dit rien. Les Canadiens n'aiment pas leur histoire".
D'ailleurs, pour la plupart des anciens combattants, "il n'y avait aucun doute dans leur esprit" que le grand mémorial canadien érigé sur la crête de Vimy entre 1925 et 1936 "aurait dû être établi à Saint-Julien ou à Amiens".
Le site de Vimy s'est finalement imposé grâce à un seul critère: ce grand monument devait être vu "de très loin".