Avec la crise sanitaire, l'Église a vu ses recettes financières diminuer. Largement financées par les donations des fidèles lors des offices religieux, de nombreuses paroisses de la Somme se retrouvent en difficulté.
"Les plus âgés sont prudents, constate le père Ledieu, abbé de la paroisse Saint-Martin à Amiens. On les voit moins en ce moment". Au matin du dimanche 19 décembre, la nef de l'église semble pourtant pleine. La capacité d'accueil est passée de 650 personnes avant la crise sanitaire à 280 dans cet édifice situé sur les hauteurs de la ville.
Après une jauge initialement fixée à 30 personnes par le gouvernement, les lieux de culte peuvent accueillir davantage les fidèles depuis le 3 décembre. Selon un protocole sanitaire stricte : deux sièges doivent être libres entre chaque personne ou groupe familial et seule une rangée sur deux peut être occupée.
Une baisse de 40% des recettes
Cette baisse imposée de la fréquentation des offices religieux a des conséquences sur les recettes de la paroisse : moins de fidèles à la messe, c'est moins d'argent donné lors de la quête. "Une quête du dimanche, ça fait vivre une paroisse mais aussi le diocèse. Ca permet de faire vivre les prêtres du diocèse, qui ne vivent que de la générosité des gens, mais aussi de payer les salaires des salariés de l'Eglise, précise le père Ledieu. Ça sert aussi pour les livres de catéchisme, l'entretien des salles, le chauffage. Et la quête, ça devient aussi de l'aide aux plus précaires".
Et les rangs encore clairsemés de l'église sont à l'image des finances du diocèse d'Amiens. Ses recettes ont chuté de 40%, avec une perte estimée à 500 000 euros en 2020. "La seule ressource des églises et des paroisses, c'est la générosité des fidèles, confirme Claude Gautier, économe du diocèse d'Amiens. Cette générosité se manifeste essentiellement quand les communautés se rassemblent à l'occasion des messes dominicales, des mariages, des baptêmes...Si les communautés ne se rassemblent pas, forcément, ça va avoir des conséquences puisque les occasions de verser des offrandes et de participer aux ressources n'existent. Il y aura moins de ressources à la fin de l'année pour les paroisses".
Généroisté des paroissiens
Une situation dont les fidèles ont bien conscience : au moment de soutenir financièrement leur paroisse, leur générosité est flagrante venus ce dimanche de retour pour assister à la messe sont nombreux et généreux au moment où il s'agit de soutenir leur paroisse. "Si on ne donne pas, je ne vois pas comment les prêtres pourraient continuer à vivre et les églises à fonctionner. C'est d'autant plus important qu'il y a eu très peu de messes et donc très peu de quête. C'est indispensable", confirme une paroissienne à la fin de l'office. "On participe à notre mesure, explique un père de famille. On va aux messes donc c'est normal qu'on donne les moyens financiers aux prêtres de faire la messe".
Dans sa soutane bleu rayée de fils dorés, l'abbé Ledieu avoue être "impressionné" par l'engagement de ses paroissiens "qui ont compensé le temps du confinement d'une manière qui nous a tous surpris. Par les quêtes mais aussi par des gestes de partage concrets de denrées alimentaires pour les précaires".
Des travaux reportés
Une générosité qui ne suffira néanmoins pas à combler le déficit. Le diocèse réfléchit dès lors à faire des coupes dans les dépenses. Et ce sont les travaux de restauration notamment qui risquent d'en pâtir :"on s'interroge sur certaines opérations : les mènera-t-on à leur terme ? Dans les mêmes proportions qu'initialement imaginées ? Selon le même calendrier ?", explique Claude Gautier.
Si les offices religieux se poursuivent, à l'heure actuelle aucun assouplissement des règles sanitaires n'est prévu pour accueillir plus de fidèles. "Dans beaucoup de paroisses, les budgets sont déjà tendus, s'attriste Claude Gautier. Il y a quelques réserves mais généralement, on les mobilise pour des gros travaux et pas pour le fonctionnement quotidien. Si on puise dans nos réserves, pour certaines paroisses la fin d'année sera difficile".
Dans un large sourire que l'on distingue derrière son masque, le père Ledieu envisage cette crise avec une forme de fatalisme : "oui, il y aura certainement des difficultés financières. Mais c'est normal que nous ne soyons pas à l'abri de la difficulté voire du malheur comme les autres. Je pense que c'est notre place d'être aux côtés des autres. Et je ne suis pas spécialement dans la peur et l'inquiètude. Ce n'est pas le moment en fait d'être dans la peur et l'inquiétude. Les gens ont besoin d'espérance".