Passer de France en Grande-Bretagne peut revenir très cher aux réfugiés, mais il existe une option à prix bradé au risque de se retrouver à l'autre bout de l'Europe, voire sur une base militaire.
Un réseau de passeurs low-cost, à 500 euros le voyage, opère depuis une aire d'autoroute près du port de Calais, selon des témoins. "Les personnes qui le dirigent savent quels sont les camions dont le conducteur s'est éloigné ou est en train de dormir, et ils peuvent vous faire entrer dedans", explique un Ghanéen de 30 ans. Petit problème: "Ils ne connaissent pas les destinations. Ils cherchent des plaques d'immatriculation britanniques, mais vous prenez toujours un risque."
Certains se sont donc retrouvés dans des poids lourds allant en Allemagne ou en Belgique, plutôt que vers l'eldorado britannique. Un groupe de trois jeunes hommes et deux femmes sont même revenus à Calais et se sont réveillés dans une base militaire française. "Ils ont raconté que la porte s'était ouverte et qu'ils avaient des lasers sur le corps, parce que les soldats pointaient leurs armes vers eux", indique un médecin soudanais. "Ils étaient vraiment paniqués (...) La police les a arrêtés, puis ramenés ici", à Calais, poursuit le Docteur Mohammed Adam.
28 filières démantelées en 2015
Les réseaux de passeurs sont légion aux abords de la Jungle de Calais, immense bidonville où près de 4 000 migrants patientent dans l'espoir de traverser la Manche. Vingt-huit filières ont été démantelées dans la région en 2015. Les tarifs varient selon les réseaux et la "prestation" proposée. Ainsi l'offre la plus chère garantit le passage en Grande-Bretagne indépendamment du nombre de tentatives -le "client" voyage alors souvent en cabine, avec la complicité du chauffeur.Selon un bénévole de la "Jungle", la semaine dernière, un Syrien a payé 11 500 euros, soit le double du prix habituel, pour rejoindre Londres. Il n'a passé qu'une nuit dans le camp, alors que d'autres, sans argent, y restent des mois à essayer sans succès d'éviter la police, et de se faufiler entre les barrages. "Parfois, 10 vont réussir à passer en une nuit, mais ensuite 10 jours peuvent s'écouler sans que personne n'y arrive", explique ce bénévole.
"Les gens n'abandonnent jamais"
La méthode low-cost serait selon certains, contrôlée par des Afghans, qui offrent aux migrants une deuxième chance si leur camion ne va pas en Grande-Bretagne. Une fois à bord, "ils essayent de sentir s'ils prennent beaucoup de virages parce qu'il y a de nombreux ronds-points qui mènent au terminal du ferry. Et ils peuvent sentir s'ils montent la rampe jusqu'au bateau. C'est la seule manière de savoir", précise le Dr Adam.Beaucoup sont interceptés par la police. Quelques-uns sont incarcérés avant d'être relâchés. "J'ai passé une semaine en détention, et ils m'ont envoyé devant un tribunal", raconte Solomon Vandy, 25 ans, originaire de Sierra Leone. "C'était horrible (...) je ne comprenais pas ce qu'il se passait." Sitôt libéré, il est revenu au camp, prêt à tenter à nouveau sa chance. "Les gens n'abandonnent jamais. Ils se battent pour leurs vies", souligne le Dr Adam. Pour certains bénévoles, l'existence du camp et des réseaux de passeurs sont le résultat inévitable de la politique de Londres. "Le gouvernement britannique ne fait absolument rien pour répondre aux demandes de la France et des réfugiés, de permettre aux gens de faire leur demande d'asile ici", dans la "Jungle", explique Tom Radcliffe, un bénévole britannique travaillant dans ce camp. Les migrants "ne peuvent demander l'asile que s'ils traversent illégalement", ajoute-t-il. "Il y a des gens ici qui ont des raisons parfaitement légitimes de faire une demande d'asile, mais ils sont obligés de commettre un acte illégal avant de pouvoir être entendus", regrette-t-il.